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               Paul Féval, le rennais

      "Le Loup Blanc", roman situé à La Bouëxière, Liffré, St Aubin du Cormier, ...

     Paul Féval est né à l'hôtel de Blossac, rue du Chapître à Rennes en 1816. Il est champenois de par son père, conseiller à la Cour de Rennes. Et surtout breton : sa mère - Jeanne Le Baron - est originaire du "Pays de Redon". Elle est petite-fille du noble jurisconsulte de la Germondaye. D'où une sensibilité familiale favorable à la Monarchie.

     A 14 ans Paul provoque des bagarres au Collège royal de Rennes (Emile Zola). C'est une période où l'on sort du 1er Empire et de 2 "Restaurations" qui mèneront à la "Monarchie de juillet 1830". On lui fait calmer ses ardeurs monarchistes dans le Pays de Redon,  au château d'un oncle de la "Forêt-Neuve" en Cournon (ou "Grand-Clos"? ou "Haut Sourdéac"?) en Glénac? (Morbihan). Cette période sera déterminante pour Paul avec des "veillées" faites de légendes et de témoignages d'anciens chouans.

     En 1837 l'avocat désabusé de 21 ans "monte" à Paris où il dispose de relations dans les milieux royalistes et traditionalistes. Après une approche superficielle dans la finance il est attiré par l'écriture.  A cette époque Walter Scott est la référence avec son héros écossais Rob Roy. Désireux d'avoir leurs propres personnages de tempérament nombre d'écrivains français se tournent vers la Bretagne : parmi eux Eugène Sue publie dès 1830 "Kernok la pirate" puis la "Vigie de Koat-Ven". En 1839 les chants du peuple breton sont magnifiés par les 2 volumes du "Barzaz Breiz" (barzaz, bardit ensemble de poèmes) d'Hersart de la Villemarqué. Le romantisme et le celtisme sont lancés par Chateaubriand qui publie en 1841 ses "Mémoires d'Outre-Tombe".Dans cette période Paul Féval produit le "Joli Château" en 1842 avec des actions se situant en Haute-Bretagne. C'est une oeuvre d'adolescent intéressante mais non aboutie.

     Les années 1840 sont marquées par l'essor des journaux. Pour fidéliser ses lecteurs le "Journal des débats" propose des feuilletons des "Mystères de Paris" d'Eugène Sue sur une période été 1842 à l'automne 1843. Le journal "L'Epoque" fait alors appel à Paul Féval pour adapter "The Mysteries of London" de G.W.M. Reynolds. Sous le pseudonyme de Sir Francis Trolopp il obtient la notoriété qui lui permet de publier "LE LOUP BLANC" sous son propre nom. Pour bien situer ce roman il faut se rappeler que la violente "Révolution française" date de seulement un demi-siècle. Les mémoires   sont encore très vives. Victor Hugo écrivit : "la Bretagne est une vieille rebelle. Toutes les fois qu'elle s'était révoltée pendant deux mille ans elle avait eu raison : la dernière fois, elle a eu tort."

     Depuis plusieurs siècles et surtout depuis le rattachement de la Bretagne à la France au XVIème siècle la majeure partie de l'aristocratie bretonne continue à combattre tout oppresseur politique français. Et le peuple breton conserve sa haine contre les agents du fisc.

     - La Révolte des "Bonnets Rouges" s'est déroulée en 1675 et a été durement réprimée à Carhaix, Pontivy, Nantes et Rennes (rubrique "Bonnets Rouges - Chouannerie")- ....

     Il désire vivre avec ses coutumes ancestrales et ses règles propres à son environnement. On comprendra ainsi mieux certains personnages du "Loup Blanc" qui évoluent dans les années 1720 à 1740. 

     Ce n'est qu'en 1857 - à 41 ans - que Paul Féval connaîtra la gloire avec "Le Bossu" et son personnage Lagardère. Malgré plus de 200 romans il finira quelque peu oublié en 1887.

     O.F. 5/11/2019 : au XIXe, Paul Féval était aussi connu que Dumas ou Balzac. L'agrégée de lettres de l'université Sorbonne Paris 4 (âgée de 30 ans) Félicité de Rivasson,  prépare une thèse universitaire à l'université Grenoble-Alpes sur l'oeuvre de ce rennais aujourd'hui presque oublié. Il est l'un des maîtres du roman-feuilleton. Bien que vivant à Paris, il n'a jamais oublié sa Bretagne. Il a vécu à Rennes toute son enfance et son adolescence. Il a aussi étudié le droit, est devenu avocat... Il était conservateur, royaliste. Il revenait en vacances pour visiter sa famille. Il a souvent loué un château dans le Morbihan, près de Lorient. La Bretagne l'inspirait. On retrouve dans son oeuvre les Côtes-du-Nord, Saint-Malo, ... Le Bossu était l'oeuvre qu'il revendiquait le moins! Redécouvert dans les années1930 par les artistes surréalistes, peu étudié aujourd'hui, il l'a été dans les années 1980, quand la paralittérature et le romancier populaire étaient à la mode. Il y a eu par le passé une association des amis de Paul Féval. Un grand colloque universitaire a été organisé à Rennes, en 1987, pour le centenaire de sa mort.. Mais le bicentenaire de sa naissance, en 2016, a presque été oublié. Propos recueillis par Pascal SIMON

 

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                                          EXTRAITS du "LOUP BLANC" :

 La chanson : il n'y a pas encore bien longtemps, le voyageur qui allait de Paris à Brest, de la capitale du royaume à la première de nos cités maritimes, s'endormait et s'éveillait deux fois, bercé par les canots de la diligence, avant d'apercevoir les maigres moissons, les pommiers trapus et les chênes ébranchés de la pauvre Bretagne. Il s'éveillait la première fois dans les fertiles plaines du Perche, tout près de la Beauce, ce paradis des négociants en farine : il se rendormait poursuivi par l'aigrelet parfum du cidre de l'Orne et par le patois nasillard des naturels de la Basse-Normandie. Le lendemain matin, le paysage avait changé; c'était Vitré, la gothique momie, qui penche ses maisons noires et les ruines chevelues de son château sur la pente raide de sa colline; c'était l'échiquier de prairies plantées ça et là de saules et d'oseraies où la Vilaine plie et replie en mille détours son étroit ruban d'azur. Le ciel, bleu la veille, était devenu gris; l'horizon avait perdu son ampleur, l'air avait pris une saveur humide. Au loin, sur la droite, derrière une série de monticules arides et couverts de genêts, on apercevait une ligne noire. C'était la forêt de Rennes.

     La forêt de Rennes est bien déchue de sa gloire antique. Les exploitations industrielles ont fait, depuis ce temps, un terrible massacre de ses beaux arbres.MM. de Rohan, de Montbourcher, de Châteaubriant y couraient le cerf autrefois, en compagnie des seigneurs de Laval, invités tout exprès, et M. l'intendant royal, dont on se serait passé volontiers.Maintenant, c'est à peine si les commis rougeauds des maîtres des forges y peuvent tuer à l'affût, de temps à autre, quelque chétif lapereau ou un chevreuil étique que le spleen porte à braver cet indigne trépas.

     On n'entend plus, sous le couvert, les éclatantes fanfares; le sabot des nobles chevaux ne frappe plus le gazon des allées; tout se tait. Certains se frottent les mains à l'aspect de ce résultat. Ils disent que les châteaux ne servaient à rien et que les usines font des clous. Nous avons peut-être, à ce sujet, une opinion arrêtée, mais nous la réserverons pour une occasion meilleure. Quoi qu'il en soit, au lieu de quelques kilomètres carrés, grevés de coupes accablantes, et dont les trois quarts sont à l'état de taillis, la forêt de Rennes avait, il y a cent cinquante ans, onze bonnes lieues de tour, et des tenues de futaie si haut lancées, si vastes et si bien fourrées de plant à la racine, que les gardes eux-mêmes y perdaient leur chemin.

     En fait d'usines, on n'y trouvait que des saboteries dans les "fouteaux"; et aussi, dans les châtaigneraies, quelques huttes où l'on faisait des cercles pour les tonneaux. Au centre des clairières, dix à douze loges groupées et comme entassées servaient de demeures aux charbonniers. Il y en avait un nombre fort considérable, et, en somme, la population de la forêt passait pour n'être pas au-dessous de quatre à cinq mille habitants.

     C'était une caste à part, un peuple à demi sauvage, ennemi né de toute innovation, et détestant par instinct et par intérêt tout régime autre que la coutume, laquelle lui accordait tacitement un droit d'usage illimité sur tous les produits de la forêt, sauf le gibier. De temps immémorial, sabotiers, tonneliers, charbonniers et vanniers avaient pu, non seulement ignorer jusqu'au nom d'impôt, mais encore prendre le bois nécessaire à leur industrie sans indemnité aucune. Dans leur croyance, la forêt était leur légitime patrimoine: ils y étaient nés; ils avaient le droit imprescriptible d'y vivre et d'y mourir. Quiconque leur contestait ce droit devenait pour eux un oppresseur. Or, ils n'étaient point gens à se laisser opprimer sans résistance. Louis XIV était mort. Philippe d'Orléans, au mépris du testament du monarque défunt, tenait la régence.
     En Bretagne, la longue et vaillante résistance des Etats avait pris fin. Un intendant de l'impôt avait été installé à Rennes, et le pacte d'union, violemment amendé, ne gardait plus ses fières stipulations en faveur des libertés de la province. Le parti breton était donc vaincu; la Bretagne se faisait France en définitive; il n'y avait plus de frontière. Mais autre chose était de consentir une mesure en assemblée parlementaire, autre chose de faire passer cette mesure dans les moeurs d'un peuple dont l'entêtement est devenu proverbial.

     Partout on accusa les Etats de sa forfaiture; on résistait partout. Lors de la conspiration de Cellamare, ce fut en Bretagne que la duchesse du Maine réunit ses plus hardis soldats.Les "Chevaliers de la Mouche à miel" qui se nommaient aussi les "Frères bretons", formaient une véritable armée dont les chefs, MM. de Pontcallec, de Talhoët, de Rohan-Polduc et autres eurent la tête tranchée sous le Bouffay de Nantes, en 1718. Ce fut un rude coup. La conspiration rentra sous terre. Mais la ligue des "Frères bretons", antérieure à la conspiration, et qui, en réalité, n'avait plus d'objet politique, continua d'exister et d'agir quand la conspiration fut morte.

     C'est le propre des assemblées secrètes de vivre sous terre. Les "Frères bretons" refusèrent d'abord l'impôt les armes à la main, puis ils cédèrent à leur tour, mais, tout en cédant, ils vécurent. Vingt ans après cette époque où se passèrent les événements que nous allons raconter, et qui forment le prologue de notre récit, nous retrouverons leurs traces. Le mystère est dans la nature de l'homme. Les sociétés secrètes meurent cent fois. En 1719, presque tous les gentilshommes s'étaient retirés de l'association, mais elle subsitait parmi le bas peuple des villes et des campagnes. Ce qui restait des frères nobles était l'objet d'un véritable culte.

     Les châteaux où se retranchaient ces partisans inflexibles de l'indépendance devenaient des centres autour desquels se groupaient les mécontents. Ceux-ci étaient peut-être impuissants déjà pour agir sur une grande échelle mais leur opposition se faisait en toute sécurité. Il eût fallu, pour les réduire, mettre à feu et à sang le pays où ils avaient des attaches innombrables.

     D'après ce que nous avons dit de la forêt de Rennes, on doit penser qu'elle était un des plus actifs foyers de la résistance. Sa population, entièrement composée de gens pauvres, ignorants et endurcis aux plus rudes travaux, était dans des conditions singulièrement favorables à cette résistance, dont le fond est une négation pure et simple, soutenue par la force d'inertie. Assez nombreux et assez unis pour combattre les gens de la forêt attendaient, confiants dans les retraites inaccessibles qu'offrait à chaque pas le pays, confiants surtout dans la connaissance parfaite qu'ils avaient de leur forêt, cet immense et sombre labyrinthe dans les taillis, reliaient la campagne de Rennes aux faubourgs de Fougères et de Vitré.

     Dans ces trois villes, ils avaient des adhérents. Le premier coup de mousquet tiré sous le couvert devait armer la plèbe déguenillée des basses rues de Rennes, les historiques bourgeois de Vitré, qui portaient encore brassards, hauberts et salades, comme des hommes d'armes du XVè siècle, et les habiles braconniers de Fougères.

     Il y avait au monde un homme qu'ils respectaient tant que si cet homme leur eût dit : payez l'impôt au roi de France, ils auraient peut-être obéi. Mais cet homme n'avait garde. Il était justement, cet homme, l'un des plus obstinés débris de l'Association bretonne, et sa voix retentissait encore de temps à autre dans la salle des Etats pour protester contre l'envahissement de l'ancien domaine des Riches ducs par les gens du roi de France.

     Il avait nom Nicolas Treml de la Tremlays, seigneur de Boüexis-en-Forêt, et possédait, à une demi-lieue du bourg de Liffré, un domaine qui le faisait suzerain de presque tout le pays. Son château de la Tremlays était l'un des plus beaux qui fût dans la Haute-Bretagne; son manoir de Boüexis n'était guère moins magnifique. Il fallait deux heures pour se rendre de l'un à l'autre, et tout le long du chemin on marchait sur la terre de Treml. M. Nicolas, comme on l'appelait, était un vieillard de grande taille et d'austère physionomie. Ses longs cheveux blancs tombaient en mèches éparses sur le drap grossier de son pourpoint coupé à l'ancienne mode.L'âge n'avait point modéré la fougue de son sang. A le voir droit et ferme sur la selle, lorsqu'il chevauchait sous la futaie, les gens de la forêt se sentaient le coeur vaillant et disaient : - tant que vivra notre monsieur, il y aura un Breton dans la Bretagne, et gare aux sangsues de Paris. Ils disaient vrai. Le patriotisme de Nicolas Treml était aussi indomptable qu'exclusif. La décadence graduelle du parti de l'indépendance, loin de lui être un enseignement, n'avait fait que grandir son obstination. D'année en année ses collègues des Etats écoutaient avec moins de faveur ses rudes protestations; mais il protestait toujours, et c'était la main sur la garde de son épée qu'il fulminait ses menaçantes diatribes contre le représentant de la couronne. - Vous avez mis la Bretagne au tombeau; moi, je mettrai du sang sur le tombeau de la Bretagne. Quand il n'est plus temps de combattre, il est temps encore de se venger et de mourir.

- Point de guerre! disait-il alors. un duel! Un seul coup, une seule mort! et M. de la Tremlays, enfonçant ses éperons dans les flancs de son cheval, combinait un de ces plans dont l'extravagante hardiesse amène le sourire sur les lèvres des hommes de bon sens : un plan audacieux, chevaleresque, mais impossible et fou, dont l'idée ne pouvait germer que dans le cerveau de gentilhomme campagnard, ignorant le monde et toisant la prose du présent à la poétique mesure du passé.

     La maison de la Tremlays n'avait qu'un héritier direct,Georges Treml, petit-fils du vieux gentilhomme. Que deviendrait cet enfant de cinq ans, frappé dans la personne de son aïeul et dépourvu de protecteur naturel? - Si je réussis, pensait-il, Georges aura un héritage de gloire; si j'échoue, monsieur mon cousin de Vaunoy lui gardera son patrimoine. Vaunoy est un bon chrétien et un loyal gentilhomme. Comme il prononçait mentalement ces paroles, une voix grêle et lointaine lui apporta le refrain d'une chanson du pays, sorte de complainte dont l'air mélancolique accompagnait le récit du trépas d'Arthur de Bretagne, méchamment mis à mort par son oncle Jean sans terre. La voix se rapprochait, le chant semblait prendre une nuance d'ironie.

     - D'ailleurs, mon petit Georges est Breton, comme son sang appartient à la Bretagne. La voix se tut durant quelques secondes, puis elle éclata tout à coup juste au-dessus de M. de la Tremblays. Celui-ci leva brusquement la tête et aperçut, au haut d'un gigantesque châtaignier un être d'apparence extraordinaire et presque diabolique. La créature, dégringolant de branche en branche, tomba aux pieds du vieux seigneur en poussant un grognement amical et respectueux. - Comment va ton père, Jean Blanc? demanda M. de la Tremlays. - Comment va ton fils? Nicolas Treml? répondit l'albinos en exécutant une cabriole. - Le père de Jean Blanc va bien. Jean Blanc veillait hier auprès de lui. Hier tu veillais sur Georges Treml : veilleras-tu sur lui demain, monsieur Nicolas? Ne laisse pas notre petit monsieur Georges à la merci d'un cousin....

     Le coffret de fer : Georges dormait. C'était un joli enfant blanc et rose, dont les cheveux blonds bouclaient gracieusement sur les broderies de l'oreiller. Quand les enfants s'ébattent ainsi en de joyeux rêves, les bonnes gens de Rennes disent qu'ils "rient aux anges"; pensée charmante et poétique, à coup sûr. Mais en Bretagne tout ce qui est poétique et charmant tourne vite à la mélancolie : on regarde cette "joie du sommeil" comme un présage de mort. L'enfant "rit aux anges", parce que les anges de Dieu sont là autour de son "chevet", pour emporter son âme au ciel.

    - Arthur de Bretagne! murmura le vieux gentilhomme qui ne pouvait oublier les paroles de Jean Blanc; si le dernier rejeton de ma race allait être sacrifié! mais non cet homme est un fou, et mon cousin de Vaunoy ne ressemble pas plus à l'Anglais Jean sans Terre qu'un chien fidèle ne ressemble à un loup! M. de la Tremlays, puissamment riche et noble, avait perdu son fils unique deux ans auparavant. Ce fils, qui avait nom Jacques Treml et qui était père de Georges, avait été de son vivant un homme fort et brave; Nicolas Treml lui avait inculqué de bonne heure sa haine contre la France, son amour pour la Bretagne. Il se sentait vieillir. Aurait-il le temps d'inoculer à Georges sa haine et son amour? Cet enfant mettra vingt ans à se faire homme, et il ne faut qu'un jour pour voir crouler une dynastie. Nicolas Treml n'était pas roi, mais il se regardait comme le dernier représentant d'une pensée vaincue qui pouvait à son tour remporter la victoire.....

     M. de la Tremlays était assis sous le manteau de la haute cheminée dans la salle à manger. A son côté, un grand et beau chien de race sommeillait indolemment. Dans un coin, le petit Georges, âgé de quatre ans alors, jouait sur les genoux de sa nourrice. On annonça Hervé de Vaunoy. - Approchez, monsieur mon cousin, dit-il avec une brusque courtoisie; vous êtes le bienvenu au château de nos communs ancêtres. L'entrevue fut courte et décisive. - J'espère, M. de Vaunoy, que vous êtes un vrai Breton! - Oui, Saint-Dieu! Mon cousin, répondit Hervé, un vrai Breton, tout à fait! - Déterminé à donner sa vie pour le bien de la province? - Sa vie et son sang, monsieur mon cousin! ses os et sa chair! Détestant la France, abhorrant la France, monsieur mon digne parent! Prêt à dévorer la France d'un coup de dent, si elle n'avait qu'une bouchée! - A la bonne heure! s'écria Nicolas Treml enchanté. touchez-là, Vaunoy, mon ami. Nous nous entendrons à merveille, et mon petit-fils Georges aura un père en cas de malheur.

     Hervé fut installé le soir même au château de la Tremlays, et, depuis lors, il ne le quitta plus. Les choses restèrent ainsi durant dix-huit mois. .. Il n'y avait que deux personnages auprès desquels Vaunoy n'avait point su trouver grâce : le premier et le plus considérable était Loup, le chien favori de Nicolas Treml; le second n'était autre que Jean Blanc, l'albinos. Chaque fois que Vaunoy entrait au salon Loup fixait sur lui ses rondes prunelles et grognait. Vaunoy avait beau le flatter, il perdait sa peine. Loup, en bon Breton qu'il était, avait la tête dure et ne changeait point volontiers de sentiment.... Mais Vaunoy, d'autre part, était si humble, si serviable, si dévoué! Et puis, saint-Dieu! Il détestait si cordialement la France! Quant à Jean Blanc, sa haine était moins redoutable que celle de Loup. Jean Blanc occupait dans l'échelle sociale une position infiniment plus humble. Il était, de son métier tailleur de cercles, passait pour idiot, et n'eût point su soutenir son vieux père sans l'aide charitable de M. de la Tremlays. Jean Blanc était reçu dans les cuisines du château, parce que l'hospitalité bretonne accueillait hommes, mendiants et animaux avec une égale religion......Tant que durait le jour, il chantait de bizarres refrains sur les couronnes des châtaigniers, ou bien il gambadait le long des chemins. A vêpres, son blême visage grimaçait à faire pâmer de rires chantres, marguilliers et bedeau....

     Le vent des nuits courait dans les longs corridors de la Tremlays. Nicolas Treml, abritant de la main la flamme, descendit le grand escalier et se rendit à la salle d'armes où reposait Jude Leker, son écuyer. Il l'éveilla et lui fit signe de le suivre... Nicolas Treml fit jouer la serrure d'une armoire scellée dans le mur. De cette armoire, il tira un coffret de fer vide qu'il mit entre les mains de Jude. Ensuite, prenant au fond d'un compartiment secret de pleines poignées d'or, il les empila méthodiquement dans le coffret. Cela dura longtemps, car il en compta cent-mille livres tournois. - Demain, dit-il d'une voix basse et calme, tu chargeras cette cassette sur un cheval et tu iras m'attendre, avant le lever du soleil, à la Fosse-aux-loups. Jude se dirigea vers la porte. - Attends, poursuivit encore Nicolas Treml; tu t'habilleras comme on fait lorsqu'on ne doit point revenir au logis de longtemps. Tu t'armeras comme pour une bataille où il faut mourir. Tu diras adieu à ceux que tu aimes. As-tu fait ton testament?......

     Le dépôt : Nicolas Treml ne dormit point cette nuit-là. Le lendemain, avant le jour, il entendit dans la cour le pas du cheval de Jude. Presque au même instant la porte de sa chambre s'ouvrit et Hervé de Vaunoy parut sur le seuil. Maître Hervé n'avait plus cet air humble et craintif. Son sourire s'épanouissait maintenant, joyeux, sur sa lèvre. - Saint-Dieu! dit-il en arrivant, vous êtes matinal, monsieur mon très cher cousin. Il s'arrêta tout à coup en apercevant le sévère et pâle visage de Nicolas Treml. qui lui montra du doigt un siège; il s'assit. - Hervé, quand Dieu a repris mon fils, vous étiez un pauvre homme; faible, vous souteniez une lutte inégale contre moi qui suis fort. Vous alliez être écrasé.... Je vais partir pour ne point revenir peut-être... Ma route sera longue, et au bout je trouverai un abîme. La Providence protège-t-elle encore le pays breton? Mon espoir est faible, et ma ferme croyance est que je vais à la mort. - A la mort? répéta Vaunoy sans comprendre. - Mourir pour la Bretagne! Mourir pour une mère opprimée, monsieur, n'est-pas là le devoir d'un gentilhomme et d'un Breton? - Si fait, ah! Saint-Dieu, je crois bien! Mais.... - Vous l'aimez bien, n'est-pas, Hervé, ce pauvre enfant que je vous lègue? Vous lui apprendrez à aimer la Bretagne, à détester l'étranger. Vous me remplacerez. Vaunoy fit le geste d'essuyer une larme....

     La Fosse-aux-loups : A une demi-heure de chemin de la lisière orientale de la forêt de Rennes, loin de tout village et au centre des plus épais fourrés, se trouve un ravin profond dont la pente raide et rocheuse est plantée d'arbres qui s'étagent, mêlés ça et là d'épais buissons de houx et de touffes d'ajoncs qui atteignent une hauteur extraordinaire. Un mince filet d'eau coule pendant la saison pluvieuse au fond du ravin; l'été, tout trace d'humidité disparaît. Ce ravin court du nord au sud. L'un de ses bords est occupé par une futaie de chênes; l'autre s'élève presque à pic, boisé vers sa base, puis ras et nu comme une lande...Le ravin se rétrécissait tout à coup, de telle façon que les grands arbres rejoignaient leurs épais branchages et formaient une voûte impénétrable. Cet immense berceau avait nom, dans le pays, la Fosse-aux-Loups. Au centre s'élevait un chêne de dimensions colossales.On disait que l'arbre s'élevait directement au-dessus d'un vaste souterrain. Personne, et c'est bien là le caractère propre de l'apathie bretonne, n'avait jamais songé à vérifier cet on-dit; à cause de cela, tout le monde était persuadé de son exactitude. Les uns prétendaient que c'étaient tout simplement d'anciens puits d'où l'on retirait autrefois du minerai de fer; les autres affirmaient que ces caves sans limites couraient en tous sens sous la forêt et rejoignaient celles du manoir de Bouëxis, où la tradition plaçait un des centres de résistance au contrat d'Union, du temps de la bonne duchesse Anne, cette princesse si populaire en Bretagne, dont les actes sont maudits et dont la mémoire est adorée. Dans cette seconde hypothèse, le souterrain aurait été un refuge ou un lieu d'assemblée pour les premiers conjurés qui, dans la Haute-Bretagne, portèrent le nom de "Frères bretons", sous le règne de Louis XII.

     Deux larges trous donnaient passage à l'intérieur, qui formait une véritable salle où dix hommes auraient pu s'asseoir à l'aise. Ce fut au pied de ce chêne que M. de la Trembays rejoignit son écuyer. Nicolas Trembl était soucieux. Il se mit à genoux près du coffret dont il fit jouer la serrure. Puis, tirant de son sein le parchemin signé par Hervé de Vaunoy, il le cacha sous les pièces d'or. - Comme cela, pauvres ou riches, les Treml pourront réclamer leur héritage, et la trahison sera vaincue.... si trahison il y a. Jude ne comprenait point. C'était un homme de robuste taille et de visage durement accentué. Ses pommettes anguleuses saillaient brusquement hors du contour de sa joue et donnaient à ses traits ce caractère de rudesse que présente souvent le type breton. Son costume, de même que celui de M. Nicolas, eût été fort à la mode cent ans auparavant, et, à la longueur démesurée de sa rapière à garde de fer, on pouvait croire que le temps des chevaliers errants et des hauberts d'acier n'était point passé depuis des siècles.

     C'est que, en Bretagne, le temps ne vole point, il marche; ses ailes se détrempent et s'alourdissent au brumeux contact de l'atmosphère armoricaine. Les coutumes enchérissent sur le temps; elles restent immobiles. Il y a encore, au moment où nous écrivons ces lignes, entre Paris et telle ville du pays de Léon, de la Cornouaille ou de l'évêché de Rennes, la même distance qui existe entre le Moyen-Age et notre ère, entre la résine et le gaz, entre le coche et la vapeur - mais aussi entre la croyance et le doute, entre la poésie et la prose, entre les flèches à jour d'une cathédrale et les toits bâtards des temples de l'argent..... Les moeurs sont stationnaires en Bretagne et les souvenirs vivaces. Au commencement du siècle qui vit compiler l'encyclopédie et dressa un piédestal à Voltaire, les rites féodaux n'étaient point oubliés en Bretagne, au "pays des pierres et des mers". Les gentilshommes, qui ne perdent jamais de vue les cheminées de leurs manoirs, n'avaient pu changer de peau au contact des idées nouvelles. 

     Le voyage : La dernière voix que Nicolas Treml entendit sur ses domaines fut celle de Jean Blanc, dont le chant mélancolique le saluait au départ comme un menaçant augure. Il fallut au vieux gentilhomme toute sa force d'âme et cette obstination qui est le propre du caractère breton pour vaincre les tristesses qui vinrent assaillir son coeur. Il repoussa loin de lui l'image de Georges et continua sa route.

     Il ne voulut point que l'on connut son itinéraire car, après avoir fait deux lieues dans la direction du Couesnon et de la mer, il revint brusquement sur ses pas, tourna Vitré et gagna le chemin de Laval en laissant sur sa droite les belles prairies où serpente le ruisseau qui s'appelle déjà la Vilaine. Il fila entre Vitré et Laval, un peu au-dessous du bourg d'Ernée qui joua, quatre-vingt ans plus tard, un grand rôle dans les guerres de la chouannerie. Nicolas Treml arrêta son cheval devant une barrière et se découvrit. Jude Leker l'imita. - Quelques pas encore, dit M. de La Trembays, et nous serons sur la terre ennemie, la terre de France. Pendant que nos pieds touchent encore le sol de la patrie, il nous faut dire un Ave à Notre-Dame de Mi-Forêt. Tous deux récitèrent l'oraison latine.

     - Autrefois ces poteaux avaient une tête. Celui-ci, le nôtre, portait l'écusson d'hermine timbré d'une couronne ducale. L'autre portait celui d'azur à trois fleurs de lis d'or. De ce côté-ci de la barrière, il y avait un homme d'armes breton; de l'autre, un homme d'armes français. Les soldats se regardaient en face; les emblêmes se dressaient fièrement à longueur de lance : Dreux et Valois étaient égaux. - C'était un glorieux temps, monsieur Nicolas! soupira Jude - Dreux n'est plus, continua Treml dont la voix tremblait, et la Bretagne est une province française....
     Le voyage fut long. Ils virent d'abord Laval, ancien fief de La Trémoille; Mayenne, qui donna son nom au plus gros des Ligueurs; Alençon, qui fut l'apanage des fils de France.... Le matin du sixième jour, ils franchirent le grille dorée du parc de Versailles, abandonné déjà... Après avoir marché quelques heures encore, ils trouvèrent la Seine et Paris. En entrant dans la ville, Nicolas Treml se fit indiquer le palais du régent et piqua des deux fers pour y arriver plus vite. Il descendit de cheval à la porte du Palais Royal. Il voulut y entrer; les valets lui barrèrent le passage. - Allez dire à Philippe d'Orléans, dit-il que Nicolas Treml veut l'entretenir.Les valets regardèrent le costume gothique du vieux gentilhomme qui disparaissait littéralement sous une épaisse couche de poussière, et tournèrent le dos en éclatant de rire. Le plus courtois d'entre eux répondit : - Son Altesse Royale est en son château de Villers-Cotterêts.

     La magnifique maison de plaisance du régent Philippe d'Orléans avait ce jour-là un aspect plus joyeux encore que d'habitude. On voyait les palefreniers s'empresser autour des carrosses attelés. Les chevaux de selle piaffaient et se démenaient comme pour appeler leurs maîtres, et toute une armée de pages, coureurs et laquais à brillantes livrées encombrait les abords du perron. Le régent était encore à table. Dès que le repas fut fini, courtisans et belles dames descendirent, à flots de velours et de satin, le grand perron du château.....
      Philippe d'Orléans n'avait pas pris place dan le carrosse. Il essayait un magnifique cheval que lui avait envoyé la reine Anne d'Angleterre; présent qu'il appréciait surtout à cause de son origine britannique, car le régent était Anglais de coeur.... Il y avait une heure que la cavalcade avait quitté l'avenue; elle avançait lentement : les gentilshommes caracolaient aux portières des carrosses qui roulaient sans bruit sur le gazon des allées. Tout à coup, à un détour de la route, deux cavaliers apparurent et se posèrent au milieu du chemin, de manière à barrer le passage.
- Qui êtes-vous? demanda le régent- Je suis Nicolas Treml de La Tremlays, seigneur de Boüexis-en-Forêt. - Et que voulez-vous? - Me battre en combat singulier contre le régent de France!

     Ces étranges paroles furent prononcées d'un ton grave et ferme, exempt de toute fanfaronnade. Les courtisans se regardèrent.Un muet sourire vint à leurs lèvres. Les dames étaient puissamment intéressées : elles contemplaient cela comme on suit une représentation dramatique. On eût dit que la Bretagne du XVè siècle sortait du tombeau et venait demander raison de la conquête aux arrière-neveux des conquérants. Philippe d'Orléans avait senti d'abord un mouvement d'inquiétude, mais dix gentilshommes le séparaient maintenant du vieux breton. Il oublia sa passagère frayeur. - Ce bonhomme est fou, dit-il en riant; il fera peur à nos dames. Qu'on le chasse!

     - Soyez témoins! reprit Nicolas Treml : ne pouvant accuser le roi qui est un enfant, j'accuse le régent de France de tenir en servage la province de Bretagne, laquelle est libre de droit.... Durant une seconde Phlippe d'Orléans et Nicolas Treml se trouvèrent face à face. Ce court espace de temps suffit au vieillard qui, levant son massif gant de buffle, en frappa le régent de France en plein visage et cria d'une voix retentissante : - Pour la Bretagne! Trente épées menacèrent au même instant sa poitrine; les dames purent s'évanouir. Le dénouement surpassait toute attente.En recevant ce sanglant outrage, Philippe d'Orléans avait pâli. Il mit l'épée à la main mais il s'arrêta en chemin. La colère avait peu de prise sur cette nature où la tête dominait complètement le coeur. Il revint vers les princesses pour calmer leur frayeur.

     Pendant cela, un combat inégal et dont l'issue ne pouvait rester douteuse s'était engagé entre les deux bretons et la suite de son Altesse Royale qui essayaient de désarmer leurs adversaires.Nicolas Treml fut pris et lié à un arbre. Comme il arrive toujours après une défaite, mille pensées sinistres se pressaient dans son cerveau. Il sentait naître en lui un doute touchant la loyauté de son parent, Hervé de Vaunoy. - Pauvre berceau! dit-il. Le régent donna le signe du retour. Tout au long de la route, il se montra d'une fort aimable gaieté. Il n'était pas méchant. Seulement, en montant le perron du château, il se pencha à l'oreille de ses conseillers et prononça le mot Bastille; le conseilla s'inclina. C'était l'arrêt de Nicolas Treml et de l'honnête Jude, son écuyer. 

     Tutelle : Vaunoy avait totalement changé de caractère. depuis deux ans, il rêvait jour et nuit la possession du riche domaine de Treml, et voilà que tout à coup ce rêve s'était accompli. Pauvre hier et ne possédant que son manteau râpé de gentillâtre, il s'éveillait aujourd'hui aussi riche que pas un membre de la haute noblesse bretonne. Le Breton est bon et généreux d'ordinaire, mais quand il se met à être mauvais, les traîtres du mélodrame sont des anges auprès de lui: rien ne lui coûte, et les moyens qu'il emploie alors sont d'une brutalité diabolique. 

     Vaunoy continua de traiter Georges comme le fils chéri et respecté de son seigneur. Il voulait se faire un appui de l'affection de l'enfant pour le cas redoutable où M. de La Trembays fût revenu inopinément quelque jour. Néanmoins il y avait un fidèle serviteur qu'il n'avait point pu chasser ; c'était Loup, le chien favori de M. Nicolas. En vain, les nouveaux valets, armés de fouets, avaient poursuivi Loup, il revenait toujours. Au moment où Hervé le croyait bien loin, il le retrouvait, le soir, assis auprès du berceau de Georges endormi.

     Loup n'était pas le seul à veiller : avec la bourse de Nicolas Treml, Jean Blanc avait soulagé les souffrances de son père. Il ne travaillait plus : le jour, il dormait ou rôdait autour du château; la nuit, il montait dans l'un des arbres du parc, dont les longues branches venaient frôler les fenêtres de la chambre où dormait Georges.

     L'étang de la Tremlays : Il y avait six mois que Nicolas Treml était parti. Personne ne savait en Bretagne ce qu'il était devenu. Les gens de la forêt le regrettaient parce qu'il était bon maître.... Un soir d'automne, Hervé de Vaunoy jeta sa canardière sur son épaule et prit le petit Georges par la main. M. de Vaunoy ouvrit le cadenas d'un petit bateau, plaça Georges sur l'un des bancs et quitta la rive. .. L'enfant tourna la tête. Vaunoy le saisit par derrière et le précipita dans l'étang. Au même instant, une longue forme blanche se montra dans le feuillage du chêne, mais Vaunoy ne put la voir, occupé qu'il était à fuir vers le bord à force de rames. La lune qui se levait jeta ses premiers rayons par-dessus les taillis et vint éclairer le pâle visage de Jean Blanc. L'albinos se laissa glisser le long d'une branche flexible qui retombait au ras de l'eau.Quelques secondes après, Jean Blanc revint à la surface, ramenant l'enfant évanoui. - je savais qu'on ferait du mal au petit monsieur!J'étais là pour que le fort ne tuât point le faible comme dans la chanson d'Arthur de Bretagne. Il ôta de sa poitrine une médaille de cuivre qui portait l'image de Notre-Dame de Mi-Forêt. Il la passa au cou de l'enfant toujours inanimé. - Sainte Vierge, cria-t-il réveillez-le! Un irrésistible rire interrompit cette ardente invocation. Aussitôt après, il tomba en convulsion, puis emporté par sa fièvre folle il se jeta, tête baissée, gambadant. Pendant plus d'une heure il courut les taillis en répétant : - Je suis le mouton blanc...le mouton! ... Il atteignit l'allée où il avait laissé l'enfant. Son coeur battit de joie car un rayon de lune éclairait un objet blanc sur le talus. Jean le toucha. C'était son justaucorps de peau. L'enfant avait disparu.

     La veillée : Vingt ans de plus pèsent un poids bien lourd sur la tête d'un homme: l'enfant s'est fait homme, l'homme est devenu vieillard, le vieillard a cessé de vivre. Mais le beau château de la Trembays s'élève toujours droit et robuste, au bout de son allée de grands chênes. Nous sommes à l'automne de l'année 1740, et il y a veillée dans les cuisines de M. Hervé de Vaunoy de la Tremlays. Renée releva la tête avec inquiétude : - est-ce que l'on craint une attaque des "Loups"? - les "Loups" répéta Simonnet en frappant son poing sur la table. Si j'étais seulement dans la peau de M. le lieutenant du roi, on ne les craindrait pas longtemps, les maudits brigands! Dire qu'ils ont brûlé mon beau pressoir de Boüexis-en-Forêt! - Volé mes vaches, ajouta la trayeuse. - Dévasté mon chenil! dit Yvon - Braconné plus de gibier que n'en chasse en trois ans notre monsieur! exclama le garde. - Tué mes poules! - Foulé mes guérets! - Brisé mes espaliers!

     Goton alluma sa pipe : - il y a vingt ans le maître de la Tremlays s'appelait M. Nicolas. Ceux que vous nommez les "Loups" étaient des agneaux alors. C'est la misère qui a aiguisé leurs dents. La vieille releva sa tête chenue avec dignité - Je ne défends point les "Loups" qui savent bien se défendre eux-mêmes. Je dis que ce sont des Bretons, voilà tout, et que certaines gens sont plus vaillantes au coin du feu que sous le couvert! - Patience! Patience! dit enfin Simonnet. Il doit nous arriver de Paris un brave officier du roi pour prendre le commandement des sergents de Rennes et protéger le passage des deniers de l'impôt à travers la forêt. Ces "Loups" damnés ont tué le dernier capitaine. 

     Tant que Nicolas Treml avait vécu, comme il possédait, lui seul, autant et plus de biens que tous les autres gentilshommes ensemble, ces derniers s'étaient modelés sur lui. Or Treml était un vrai seigneur, doux au faible, rude au fort, et plus disposé à faire l'aumône à ses voisins qu'à leur disputer le chétif soutien de leur existence.
     Vaunoy avait pris sa place et mis sa lésinerie de gentillâtre dans toutes les affaires que son cousin avait traitées en gentilhomme. Les propriétaires des alentours, autorisés par ce nouvel exemple, firent de même, et ce fut bientôt de toutes parts un système d'attaque et de compression contre les malheureux de la forêt. D'un côté, le fisc, de l'autre, les propriétaires. Celui-là leur arrachait leurs faibles épargnes, ceux-ci leur enlevaient tout moyen de vivre.

     Les gens de la forêt ressemblaient plus au sanglier qu'au lièvre; néanmoins dans le premier moment, traqués, poursuivis de toutes parts, ils ne cherchèrent leur salut que dans la fuite, et se cachèrent au fond des retraites ignorées qui pullulaient dans le pays. Mais leur naturel farouche et belliqueux supportait impatiemment cette tactique pusillanime; pour combattre, ils n'avaient besoin que de se concerter. Au premier appel, ils se levèrent.
     Les épais fourrés de la forêt vomirent inopinément cette population sauvage, et mal en prit aux agents du fisc aussi bien qu'aux avares propriétaires qui avaient suscité cette tempête. Bien des cadavres jonchèrent la mousse des futaies, bien des ossements blanchirent sous le couvert et, par les nuits noires, plus d'une gentilhommière, attaquée à l'improviste, porta la peine de la cupidité de son maître. On vit venir des soldats de Rennes et de toutes les villes environnantes; mais, à mesure que l'attaque s'opiniâtrait, la résistance s'organisait plus puissante. Il devint évident que les insurgés avaient un chef habile et résolu, dont les ordres, quels qu'ils fussent, étaient suivis avec une aveugle soumission.

     Le moment vint où la défense, conduite avec un ensemble merveilleux, déborda l'attaque. Les rôles changèrent. Les opprimés devinrent agresseurs et, un beau jour, cinq mille paysans en sabots, le visage couvert de masques bizarres, firent irruption jusque dans Rennes et pillèrent l'hôtel de M. le lieutenant du roi. De ce moment, la terreur se mit de la partie. L'insurrection acquit ce prestige qui est à toute entreprise comme un gage assuré de succès. On entoura le chef des révoltés d'une mystérieuse auréole, et chacun eut à raconter sur son compte quelque miraculeux exploit. Les gens de la forêt devinrent populaires à vingt lieues à la ronde. Ils eurent leurs généalogistes, et les savants du crû prirent la peine de rattacher leur association par des liens historiques et d'ailleurs incontestables à la fameuse société politique des Frères bretons qui, au milieu du siècle précédent, avaient failli enlever la Bretagne à la domination française.

     On leur prenait ce qui, de père en fils, avait toujours été à eux. Le fisc leur arrachait le fruit de leur labeur. Il aurait fallu opposer l'idée chrétienne à leurs rancunes et la charité à leur ruine; mais au lieu de prêtres on leur envoya des soudards. Ils ne travaillèrent plus, et ce fut tant pis pour leurs voisins. Les soldats du roi, par représailles, démolirent ou incendièrent les loges qui bordaient les grandes allées. mais c'était là peine perdue. Les loups savaient où trouver ailleurs un asile; ils apprenaient en outre à s'indemniser largement des pertes qu'on leur faisait subir....

       Le capitaine se recueillait en ses souvenirs. Fleur-des-Genets riait, pleurait et remerciait Notre-Dame de Mi-Forêt. Et Jean Blanc, penché sur la main de son jeune maître, savourait l'allégresse qui emplissait son âme. - Et maintenant, dit-il, Georges Treml, vous êtes Breton et noble : il vous faut regagner l'héritage de votre père tout entier : noblesse et fortune! Jean Blanc n'eut pas besoin de donner de longues explications à son jeune maître, qui savait en grande partie son histoire, l'ayant entendue de la bouche du  pauvre écuyer Jude, sans se douter qu'il pût y avoir le moindre rapport entre lui, Didier, officier de fortune, et Georges Treml, le représentant d'une famille puissante. Didier, en devenant Georges Treml, sentit naître dans son coeur une gravité inconnue. -Je vais me rendre à la Tremlays, dit-il; j'aurai raison de M. de Vaunoy....

Alain GOUAILLIER, juin 2016,

qui vous propose une lecture du Texte intégral "Le Loup Blanc/Le Joli Château"

 - de Paul Féval également : "la fée des grèves" et "la soeur des fantômes"

 - autres ouvrages : -"Colonel Armand, marquis de la Rouerie" d'H. Le Bevillon

                           - "Histoire de Bretagne, Le point de vue breton" de JP Le Mat

Contacts éditeur : www.astoure.fr

     

     

                                                      MIGRATIONS BRETONNES et « Monde Celte » 

L'histoire de la Bretagne en branle
Celtique ? L'histoire de la Bretagne est ébranlée par les débats sur les origines de nos spécificités régionales. En prélude à la conférence de Yannick Lecerf lors de la soirée Celtomania 2 du 13 février 2024, quelques bribes de la polémique et aussi des connaissances nouvelles qui nous bousculent....

Télécharger et lire... L'histoire de la Bretagne en branle

     Premier Forum CELTE jeudi 3 août 2023 à Rennes à l'initiative de la région Bretagne, avec Ecosse, Irlande,  Galice,  Cornouailles, Pays de Galles, Asturies et Bretagne. Au programme : mobilité étudiante dont Erasmus celte avec l'Ecosse et le Pays de Galles, nouvelles routes maritimes avec l'Irlande, pêche, énergies marines, CULTURE et LANGUES RéGIONALES...Colloque à l'Inter-Celtique de Lorient, organisé par l'Institut culturel de Bretagne le 4 août : avec plus de 500 personnes, archéologues, historiens, linguistes, spécialistes des relations interceltiques... On plonge dans notre Histoire, entre 600 et 700 ans av JC. En Ecosse et Irlande où les Romains n'ont jamais réussi à s'implanter, la civilisation celtique a perduré, ainsi que leur langue gaëlique (dont migration de Scots irlandais vers l'Ecosse). Avec les migrations, les langues celtes, dont le brittonique, ont évolué tout en préservant une base commune. Si l'interceltisme est associé à une notion romantique qui a fleuri au XIXè siècle, il est basé sur une authentique réalité linguistique et fait partie de notre culture bretonne. Il l'a influencée dans la musique et le chant, des bagadoù au Kan ar Bobl. C'est une identité qui évolue avec son temps. Le Brexit : au FIL, rencontre entre le Premier ministre gallois, un ministre irlandais et le président de la région Bretagne; ce Brexit a incité les Gallois et les Ecossais à tisser des liens plus forts avec leur petite soeur, la Bretagne.

  1.  "L'identité celte est une construction" pour le musée de Bretagne à Rennes.
  2.  Migrations bretonnes en Armorique
  3. Le kilt, les Celtes et leur (s) mode (s) avec Yannick Lecerf
  4. Carlos Nuñez, aux sources de la musique celtique
  5. Yannick Lecerf, livre et Conférence à Acigné "CELTOMANIA"
  6. "L'Océan pour horizon, histoire maritime de la Bretagne des origines à nos jours" (Yannick Lecerf)
  7. Sites préhistoriques dans le Morbihan et Dol-de-Bretagne

"L'identité celte est une construction" pour le musée de Bretagne à Rennes.O.F. 29/9/2022

  "EXPOSITION CELTIQUE" des Champs Libres - Visible depuis le printemps, elle est dénoncée comme "partiale" : "parce que, à la suite du retrait de parrainage d'Alan Stivell, et aux critiques dont celle de Ronan Le Coadic, sociologue à Rennes 2, la direction des Champs Libres a reconnu des maladresses..." explique Denez Marchand, conseiller départemental d'Ille et Vilaine en charge de la culture et de la promotion des langues de Bretagne. Il a signé avec huit autres élus UDB (Union démocratique bretonne) et un élu Vert une tribune qualifiant l'exposition "Celtique" de partielle et partiale. Conclusion de l'exposition : "Il n'y a pas de filiation directe entre les faits culturels d'aujourd'hui et ceux des populations de l'Antiquité. Le point de vue des archéologues prédomine dans l'exposition. Pour eux, la période s'arrêterait à l'Age de fer, et aucun fait culturel, pas même la langue bretonne, ne la relierait à aujourd'hui, ajoute Denez Marchand. Ce que l'on attend désormais c'est que le catalogue de l'exposition mette aussi en valeur d'autres points de vue." Gauthier Aubert, professeur d'histoire moderne à Rennes 2, rappelle que l'exposition a choisi le ton de l'humour pour "déconstruire" les approches essentialisantes de l'histoire régionale. Et Manon Six, conservatrice du patrimoine et commissaire de l'exposition enfonce le clou : "Cette Bretagne celtique est le résultat à la fois d'une histoire particulière dès le Haut Moyen-Age et d'une construction (culturelle, historique, politique, ...) L'essentiel est de ne pas être dupe de la manière dont s'élaborent les identités culturelles... L'héritage qui compte est toujours celui que l'on décide." par Fabienne Richard

 Nota : une étude génétique fut menée par des équipes universitaires à Brest et Nantes en 2019 sur les variations du génome basées sur le SNP (Single-nucleotide polymorphism). Les composantes dominantes des clusters déterminent des espaces géographiques : il apparait clairement que le cluster majoritaire en Bretagne l'est également en Loire-Atlantique et s'en va également en Mayenne jusqu'aux portes Ouest de la région parisienne. Un autre cluster indique une dominante occitane en lien avec une base géographique liée à la langue Oc et enfin un troisième cluster basque-gascon.


MIGRATIONS BRETONNES en ARMORIQUE

 Entre réalité et légende, lorsque l'IMAGINAIRE s'impose face à l'Histoire, le message transmis s'égare parfois dans des chemins de traverse.

Une image d'Epinal ne fait pas l'Histoire : cette image de MOINES TRAVERSANT la MANCHE sur des AUGES de PIERRE pourrait prêter à sourire. Débarquant sur les côtes septentrionales de l'Armorique, St Guénolé, St Meen, St Gelvin, St Brendan (Brendan) et tous leurs congénères créateurs d'abbayes, de paroisses et d'ermitages occupent une place importante dans les discours vernaculaires. Ressassées à l'infini, ces convictions viennent occulter les actes historiques participant largement à la création de notre IDENTITé RéGIONALE. Alors, si on accepte de scruter les faits, si on soulève le voile des phantasmes, on perçoit une autre réalité concernant les liens qui unissent les peuples des contrées littorales de la Manche. Une réalité où transparait la volonté des hommes à s'ouvrir aux autres. Une réalité aux origines décelées dès les temps préhistoriques.

     ORIGINE DES CONTACTS OUTRE-MANCHE : oublions les auges de pierre pour les remplacer par de solides bateaux construits en bois. Les archéologues SUéDOIS de l'Université de Göteborg nous apprennent la DIFFUSION du MéGALITHISME ARMORICAIN dès le début du Néolithique sur l'ensemble des pays ouverts sur la FAçADE ATLANTIQUE. Ainsi donc nos ancêtres étaient déjà des précurseurs! L'Histoire maritime de la Bretagne permet de comprendre la réalité de contacts et d'échanges débutés dès ces temps anciens (vers - 4 800 ans avant notre ère).

     Durant l'Age du Bronze, c'est un véritable COMMERCE MARITIME qui s'instaure. La "CASSITéRITE" (espèce minérale à base d'oxyde d'étain de couleur jaunâtre, brun-rouge à noire, dont on tirait un métal très convoité), l'ambre de la Baltique, et d'autres matériaux transitent d'une région à l'autre. Par leurs infrastructures et l'intensité du trafic, des ports se remarquent sans difficulté à l'Age de Fer de chaque côté de la Manche. Ils se multiplieront durant la période gallo-romaine pour soutenir une activité maritime prospère. De la péninsule ibérique aux Pays nordiques en passant par les îles britanniques, des marchandises et des hommes se déplacent. Par une confrontation des cultures, ils s'enrichissent de nouveaux savoirs.

     Les MIGRATIONS du HAUT-MOYEN AGE suivent des routes connues : durant la phase finale de l'occupation romaine, la petite Bretagne se trouve confrontée à une suite de soulèvements et de révoltes (les Bagaudes). Pour tenter de stabiliser les communautés, des cohortes de l'armée romaine (stationnées en Grande Bretagne) sont envoyées sur le continent en 184, 287 et 293. En 383, le général Maxime débarque avec une troupe importante. Ce puissant contingent est suivi de plusieurs communautés civiles fuyant les conflits locaux de territoires en Outre-Manche.

 

     A partir du Vè siècle, alors que le pouvoir romain s'est effondré en Gaule, CLOVIS ne parvient pas à soumettre la PéNINSULE BRETONNE. Lors de la difficile succession qui oppose ses deux fils Clotaire et Childebert (511 - 538), par stratégie politique, ce dernier FAVORISE l'IMMIGRATION de GRANDE-BRETAGNE. Fuyant l'instabilité occasionnée par les PICTES, les JUTES et les SAXONS, des communautés entières quittent le Pays de Galles et les Cornouailles britanniques. Elles seront suivies par les migrants irlandais chassés par la présence agressive des Scots.

Irish britons anglosaxons

     Arrivants dans des contrées déjà connues et au contact avec des populations fréquentées depuis des MILLéNAIRES, ces émigrés auront peu de difficultés pour s'intégrer. Reproduisant sur place leur organisation sociétale, établie autour d'un leader (le MACHTIERN), elles s'inscriront dans les schémas reconnus et acceptés par les groupes autochtones.

     En suivant les mêmes parcours migratoires, les ecclésiastiques, qu'ils appartiennent à l'ordre régulier, ou qu'ils soient "gyrovaques" - moines itinérants et solitaires -, seront à l'origine d'abbayes, de paroisses ou d'ermitages. Leur sanctification RAREMENT RECONNUE par la papauté ne réduira pas la dévotion du peuple.

     Si on estime à environ 50 000 personnes débarquées durant cette séquence du haut Moyen Age, il apparait évident que ces migrations ainsi que toutes les précédentes auront marqué le PARTICULARISME IDENTITAIRE des populations de Bretagne. Ces déplacements de populations se poursuivront jusqu'au XVIIIè siècle par la venue importante de Jacobites fuyant le règne de Guillaume d'Orange.


     Quand la SCIENCE bouscule les CONVICTIONS : venant confirmer ces faits, le grand programme d'ETUDES GéNéTIQUES (Acide Désoxyribonucléique) lancé ces dernières années sur l'ORIGINE des PEUPLES de l'EUROPE OCCIDENTALE montre un réel PARTICULARISME BRETON.

     Si, comme l'ensemble des Européens, nous détenons encore quelques gênes hérités du Néandertal, les chercheurs nous apprennent toutes les influences de la longue saga du peuplement régional. On peut reconnaître des traces communes dues aux apports des MIGRATIONS NéOLITHIQUES venues du PROCHE-ORIENT (Croissant Fertile). Les EXPATRIATIONS BRETONNES, aujourd'hui parfaitement attestées, apparaissent nettement marquées dans notre chaîne ADN. Le bref passage des VIKINGS (à peine un siècle) n'a pas échappé à l'analyse des chercheurs. En conclusion, dans leurs publications, les scientifiques reconnaissent un PARTICULARISME NETTEMENT AFFIRME sur les 2 300 analyses effectuées sur des sujets de souche bretonne péninsulaire. Associés aux autres découvertes archéologiques ces éléments nous appellent à la prudence dans certaines affirmations.

     Des CELTES ATLANTIQUES? Aussi, pour trouver une explication rationnelle au particularisme des peuples de la péninsule armoricaine, ne pouvant rejeter les éléments factuels et pour ne pas rompre avec des mythes entretenus, certains spécialistes proposent l'idée d'une souche Celte/Atlantique. Cette proposition qui s'appuie sur la fréquence des croisements de populations littorales du Néolithique jusqu'au XVIIIè siècle, réduit sensiblement l'impact des INFLUENCES d'EUROPE CENTRALE.

En s'invitant dans le débat, les avancées de la recherche scientifique nous imposent la réflexion. Par Yannick LECERF, janvier 2022.     

Les GAULOIS, peuples Celtes ainsi appelés par les Romains. Ils n'étaient pas de rustres braillards moustachus. Ils n'habitaient pas au coeur de forêts impénétrables et leurs repas ne comportaient quasiment jamais de sangliers, animal sacré. Seuls les aristocrates étaient autorisés à chasser le gros gibier. Les fouilles archéologiques ont mis à jour très peu d'ossements d'animaux chassés, et encore moins d'os de sangliers. En revanche, les Gaulois étaient d'excellents agriculteurs et éleveurs : après avoir défriché d'immenses étendues de forêts, ils avaient créé des milliers de fermes sur lesquelles ils cultivaient des céréales, des légumineuses. Ils élevaient des porcs, des bovins, des moutons, des chèvres, des chevaux et des volailles... L'analyse chimique des fonds de marmites et des résidus imprégnant les pots en céramique permet d'identifier les aliments utilisés. Les plats devaient ressembler à nos actuels pot-au-feu (viandes bouillies avec des légumes frais et secs) et lors des banquets des viandes grillées.

     Le peuple se nourrissait surtout de céréales : blé, orge, épeautre (blé tendre), froment et parfois avoine et millet. Le seigle ne sera cultivé qu'à partir du Ier siècle, après la conquête romaine. Seuls le froment et l'épeautre, riches en gluten, permettaient d'obtenir un pain "levé". Les autres céréales étaient consommées sous forme de bouillies, de galettes ou de soupes à la farine torréfiée. Le menu gaulois comportait aussi des légumineuses, lentilles, pois, fèves, ... et des légumes, navets, carottes, panais, choux verts ou raves, poireaux, oignons, ail, ...Les mets pouvaient être relevés avec des herbes aromatiques et des épices locales comme la moutarde noire. Les prunes étaient les seuls fruits issus d'une espèce domestiquée, les autres étaient cueillis sur les arbres ou plantes sauvages : pommes, prunelles, merises, framboises, fraises des bois et raisins. Certains fruits secs étaient ramassés : noisettes, noix, glands, et quelques plantes étaient cultivées pour leurs graines, souces d'huile : pavot (huile d'oeillette), lin et cameline. Les autres aliments d'origine animale étaient le lait (vache, chèvre, brebis), le beurre et les fromages, les oeufs et les poissons de mer ou d'eau douce.La viande était issue d'animaux domestiqués avec également des chevaux et des chiens consommés dans le cadre de banquets et cérémonies religieuses. Les animaux étaient de petite taille : la vache gauloise dépassait à peine 1 mètre au garrot et pesait 200 kg contre 1,50 m et 700 kg pour une vache actuelle. Le cheval ne mesurait que 1,25 m, soit la taille d'un poney, et le porc pesait moins de 80 kg contre 250 kg aujourd'hui. La belette était présente dans tous les villages : elle avait probablement été domestiquée afin de pourchasser les rongeurs, le chat domestique n'étant pas encore présent.

     Grecs et Romains s'étonnent des banquets gaulois. Ainsi le grec Posidonios note que les convives s'installent sur des litières de paille ou de branchages déposés sur le sol. On mange assis et les agapes peuvent donc s'éterniser. Pour nourriture, des pains en petit nombre et beaucoup de viande cuite dans l'eau ou à la broche. La hiérarchie sociale est visible avec des participants placés d'autant plus près du personnage central qu'ils ont un rang social élevé. Les mangeurs forment un cercle qui symbolise la solidarité du groupe, les servants prenant place dans un second cercle, placé derrière celui de leurs maîtres. Les élites gauloises avaient une passion pour le vin pur bu en grandes quantités pendant leurs banquets. Cela permettait d'afficher sa richesse, le vin étant importé d'Italie, de Grèce ou d'Espagne,  et renforcer son autorité sur les hôtes. Grecs et Romains coupaient toujours leur vin avec de l'eau en le consommant après avoir mangé. Les Gaulois assimilaient le vin rouge au sang (de la vigne) : c'était un breuvage alcoolisé magique et régénérateur qui redonnait vie et procurait force et courage aux guerriers, en se rapprochant des divinités. Mais dans le cadre privé le vin était coupé d'eau, à la mode romaine. D'après la table de l'Histoire d'Eric Birlouez

     


LE KILT, les Celtes et leur (s) mode (s) avec Yannick Lecerf

     
Yannick LECERF, archéologue et préhistorien, complète les données sur le "KILT" :  comme de nombreux arguments auxquels tentent de s'accrocher les inconditionnels du Celtisme, le KILT, qu'il soit écossais, gallois ou irlandais, est totalement étranger aux cultures celtes. Ce type de vêtement était déjà porté dès le IXè siècle par les Scandinaves. Lorsque les premières incursions Vikings abordent l'Ecosse, les autochtones constatent que leurs agresseurs portent ce type de vêtement court, donnant plus d'aisance au mouvement. S'il est difficile d'affirmer que cette influence vestimentaire ait pu dès lors être adoptée, on sait par contre que, lors de la conquête de l'Angleterre par Guillaume Le Conquérant au XIè siècle, parmi les troupes normandes (et un tiers de Bretons) qui l'accompagnent, certaines portant le kilt iront s'installer dans la partie écossaise du pays.

     Nota AG : dans ce "tiers de Bretons" figurent les descendants des STUART venant de Dol-de-Bretagne et qui s'installeront en Ecosse. Portrait de Marie Stuart -

     A partir du XVIIIè s., lors du conflit entre Jacques II Stuart et Guillaume d'Orange, les "Jacobites" protesteront à la création du Royaume Uni en portant un kilt pour se reconnaître. En fait c'est surtout son interdiction promulguée en 1745 qui va réellement lancer sa mode dans les Highlands. Par la suite, des auteurs comme Oscar Wilde ou Bernard Shaw continueront cette tradition vestimentaire dans leurs productions littéraires ou théâtrales.

     Comme on peut le constater avec l'histoire du KILT, on reste bien éloigné de toutes les références celtiques. L'origine linguistique, les croix celtiques, l'écriture oghamique, le triskell, le livre des Kells ou les enceintes protohistoriques et médiévales prises pour des oppida sont des bases bien fragiles, souvent déconnectées de la période de l'Age du Fer. Elles soutiennent tant bien que mal des convictions malmenées par les avancées de la recherche archéologique et paléographique.

     Nous savons aujourd'hui que l'origine de la forte identité des peuples armoricains remonte au début du Néolithique. Ce fait, rejeté quand il est proposé par les archéologues et historiens français, commence par être admis lorsqu'il est confirmé par les archélogues de l'Université Göteborg (Suède). Il faut rester ouvert et accepter la controverse...

     On va finir par reconnaître aux BRETONS la paternité de leur forte identité culturelle sans avoir besoin de l'attribuer à des groupes d'immigrations venues de l'Est."

     De nos jours la Bretagne a enregistré 17 TARTANS parmi lesquels les neuf "Pays" Kerné, Léon, Trégor, Gwened, Dol, Saint-Malo, Rennes, Nantes et Saint-Brieuc; ajoutons le Britanny national (mars 2002), le Britanny Walking (de chasse), le Menez Du, le Spered Menez Are (Esprit des Monts d'Arrée), le Bro Vigouden, le Britanny National Grey, le Groe (Groix) et le "Chevalier breton". Depuis 2005, le "National Normandy" rappelle les liens entre la Normandie et le peuple d'Ecosse depuis l'invasion de Guillaume Le Conquérant en 1066.


 CARLOS NUNEZ, O.F. lundi 11 mars 2019

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 Le plus breton des Galiciens, virtuose de la gaïta, a consacré trois ans de recherches à un livre événement qui donnera un état des lieux des récentes découvertes, sidérantes, sur le monde celte et sa musique. "Le Celtes font partie des peuples qui façonnèrent l'Europe. Porteurs d'une même culture matérielle et artistique, ils nous étaient essentiellement connus grâce aux écrits grecs et romains. Aujourd'hui, les découvertes issues de nouvelles disciplines comme l'anthropologie, la paléo-climatologie et la génétique des populations remettent en cause la théorie de l'origine unique de la civilisation celtique. Issues de la péninsule ibérique, des populations proto-celtiques se sont déployées le long des côtes atlantiques de l'Europe après le réchauffement climatique. Cette culture "atlantico-celtique" s'est donc propagée d'ouest en est! et non l'inverse! C'est une nouvelle réalité pour le monde celte.

     Nous avons découvert des instruments sur lesquels jouaient les bardes celtes il y a 2 000 ans, des lyres trouvées en Ecosse et en Galice. Nous avons aussi beaucoup appris d'un document très ancien, le manuscrit "Ap Huw", qui contient les mélodies et les harmonies jouées par les anciens celtes. Ils utilisaient le système binaire, ça ressemble au code informatique : le 1 représente la tonique, le 0 la tension. Quel système ouvert et moderne! Cela explique en partie pourquoi la musique celtique est si vivante aujourd'hui..." par Frédérique GUIZIOU


Yannick LECERF, livre et Conférence à Acigné "CELTOMANIA"

Le mardi 3 mars 2015, la soirée "chants et danses de Bretagne" fut suivie d'une conférence dite "Celtomania", à l'invitation d'"Acigné Autrefois"". Le public nombreux fut enchanté de s'informer des travaux de recherche de l'archéologue Yannick LECERF, originaire de Betton. Le conférencier se fit une joie de dédicacer ensuite son dernier ouvrage :

"La Bretagne préhistorique, les peuplements, des origines à la conquête romaine", publié chez "Skol Vreizh". Disponible à l'"Encre de Bretagne" Place Hoche ou au "Forum du livre" galerie marchande Visitation à Rennes.

               Yannick LECERF nous aura permis de vous informer d'extraits de l'ouvrage de 119 pages, lequel comporte de très nombreuses cartes et illustrations en couleurs que nous ne pouvons présenter ici. En septembre 2016 Yannick LECERF, archéologue,préhistorien, ancien conservateur du patrimoine à la Direction régionale des affaires culturelles, chargé de la gestion du patrimoine archéologique du Morbihan, a reçu l'insigne de chevalier dans l'ordre des Arts et des lettres. Une distinction remise par Nathalie Appéré, députée et maire de Rennes.

        La recherche historique bénéficie des apports contemporains des avancées technologiques. Les interrogations sur les éléments déterminant la présence et l'importance du "monde celte" en Armorique sont actuellement réactualisées par nombre de chercheurs dont Vanceslas KRUTA, Professeur aux Hautes Etudes à la Sorbonne de Paris, Jean-Louis BRUNAUX , Directeur de recherches au CNRS spécialiste des Celtes, Patrick GALIOU, Enseignant/Chercheur à l'Université de Bretagne Occidentale à Brest, spécialiste de l'Histoire Antique. Il en est de même en Cornouailles, en Irlande et au Pays de Galles.

Ecoutez l'émission avec Jean-Louis BRUNAUX http://www.franceculture.fr/emission-le-salon-noir-les-gaulois-sont-ils-des-celtes-les-celtes-sont-ils-des-gaulois-2014-11-25 

     "Qui sont les Celtes?"

     L'existence des Celtes est signalée dès le VIème avant JC. par des auteurs latins et grecs comme Hécatée de Milet puis Hérodote. Ces deux auteurs nous informent que le Danube prend sa source au pays des "Keltoï". Quelques décennies plus tard, Posidonios d'Apamée, Strabon, Tite Live et Pline l'Ancien évoquent l'existence de peuplades guerrières : les "Keltoï" en grec, "Celtae" en latin. Après que Rome eut soumis et organisé les peuples de Gaule, l'identité celte sembla sortir de la mémoire collective. Il faudra attendre le XVIIIè siècle pour voir certains érudits s'arrêter sur cette séquence de notre protohistoire.

     "Quelle est donc l'origine de notre "Celtomania"?

      C'est l'oeuvre au XVIIIè siècle d'un évêque anglais James Mac Pherson : un renouveau celtique naîtra dans l'ouest européen. Prétendant avoir découvert les écrits d'un barde légendaire nommé Ossian, l'écclésiastique mégalomane publia "les poèmes antiques d'Ossian". Ces publications, largement diffusées, furent très bien accueillies par une élite intellectuelle...

           Nota O.F. 29/10/23 Bernez Rouz "En 1760 est publié en Ecosse "Fragments de poésie ancienne" collectés dans les Highlands et traduit du gaëlique. Le traducteur ,James Macpherson, attribue ces vers à un poète du IIIè siècle, OSSIAN. Le livre est popularisé en France par Diderot puis dans toute l'Europe. Macpherson, qui connaissait mal le gaëlique, voulut collecter les complaintes des Highlands. Il les arrangea et rajeunit l'écriture. - Il faut attendre 1946 pour trouver un texte d'Ossian en breton : Ossian revenu du paradis celte Tir n'a n'og (la Terre de l'éternelle jeunesse) retrouve le pays des Gaëls christianisé. -  Ossian inspire les auteurs romantiques : Chateaubriand, Goethe, Beethoven et Schubert. Il est surtout à l'origine des grands collectages du XIXè  qui touchent toute l'Europe : les frères Grimm en Allemagne, le Barzaz Breiz en Bretagne, ... Ses poèmes racontent l'histoire des Fenians, ces chevaliers gaëls au grand coeur qui défendent la justice et l 'entraide. Après avoir passé des épreuves physiques très dures, ils devaient jurer "qu'ils ne prendraient jamais femme que par amour et jamais pour leur richesse, qu'ils ne feraient jamais de mal à une femme, qu'ils aideraient les faibles et les indigents".

     Alors qu'après la Révolution une nouvelle société entreprend sa construction, de nombreux érudits vont partir à la recherche des Celtes. C'est ainsi qu'encouragé par le Consulat, Jacques Cambry, Joseph Dubernard, Le Brigand, La Tour d'Auvergne, Louis Guiguené créeront en 1804 l'Académie celtique. Plus de quatre cents intellectuels et notables se regrouperont au sein de cette institution dont la finalité est la recherche de références historiques utiles à la nouvelle nation française. Durant les dix années qui suivront, l'ensemble des membres poursuivra la collecte d'idiomes, de traditions et de monuments attribuables aux Celtes, n'hésitant pas à leur prêter la construction des dolmens, menhirs et autres monuments mégalithiques des cultures antérieures. Emportés par l'enthousiasme du moment et la volonté de trouver des références culturelles à la nation naissante, ces académiciens, démunis des moyens de la science moderne et faisant fi de toutes les prudences élémentaires, s'engageront dans d'hypothétiques affirmations. Dès 1813, cette "Celtomania" sans retenue faisant naître les premiers doutes, opposera certains membres de l'Académie et aboutira à son sabordage en 1814.

     Lorsque Napoléon III institue le second empire, son intérêt pour le celtisme le pousse à soutenir un vaste programme de recherches sur Alésia et Vercingétorix. C'est alors que se forgent définitivement les références celtes dans l'origine de notre culture.

     "Mais pourquoi ce phénomène est-il aussi persistant en Bretagne?"

     Par sa position géographique excentrée sur le vieux continent, la péninsule Armoricaine est, depuis les débuts de l'Histoire, considérée comme un monde en marge. Voir la carte grecque ci-dessous du VIè siècle av JC.

  Nota Yannick LECERF : "C'est sur la base de ce type de document et sur des écrits des auteurs latins et grecs comme Polybe, Hérodote, Tymagène que les érudits du XVIIIè siècle se sont forgés l'intime conviction que la Bretagne avait de puissantes relations avec le monde celte. Et tout cela sans jamais avoir été capable d'en faire une démonstration étayée par des faits tangibles et vérifiables. A cela sont ensuite venues s'ajouter les divagations de quelques-uns comme William Stukelay qui ont attribué les mégalithes aux Celtes et John Aubrey qui recréa de toute pièce le "DRUID ORDER". Ce fameux 'DRUID ORDER" sur lequel se base encore aujourd'hui tous les nouveaux druides qui sévissent dans la sphère des pays dits celtiques et ceux de la forêt de Paimpont en "Brocéliande" (35)...

     Epargné par les invasions successives et les brassages de populations, le breton apparaît comme un "aborigène" de sang non mêlé. Pourvue d'une haute identité culturelle, marquée par une forte concentration de monuments mégalithiques souvent mal interprétés, la Bretagne est une terre de légendes où le mythe l'emporte trop fréquemment sur la réalité. Certains académiciens celtomanes ont cru y trouver de nombreuses références alors favorables à leurs théories. Et, lorsque par ses descriptions de sacrifices humains sur les tables des dolmens dits celtiques, le courant littéraire du romantisme conduit par François-René de Chateaubriand s'en est mêlé, alors l'image est devenue trop forte pour ne plus laisser de place au doute sur cette réalité.

     Qu'en est-il de la réalité celte?

    Il faut admettre qu'il n'y a pas d'ethnie celte, donc pas de caractère anthropologique spécifique. On doit savoir que le celtisme est fondé sur des communautés migrantes se déplaçant avec femmes et enfants, n'ayant jamais eu l'intention d'établir de royaume ou de bâtir d'empire. Cherchant souvent à s'intégrer aux populations rencontrées, les clans pérégrins, admis au départ, finissent par subir le rejet. Leur économie fondée sur la razzia, le commerce des biens et des esclaves, crée de grands courants commerciaux avec pour axe principal la vallée du Danube. Les Celtes seront, sans doute, la première société d'opulence et de gaspillage.

     "Comment se développent les migrations celtes?"

     Parties des bords de la mer Noire au bronze moyen (vers 1200 avant J.C.), les premières migrations, en suivant le couloir danubien, pénètrent en Europe centrale. On les qualifie de pré-celtiques.

     Puis, durant la période du Hallstatt (de 750 à 450 avant J.C.), des groupes de migrants venus de Bohême et de Moravie se dirigent vers l'ouest. Arrivés vers le centre de la Gaule ils se partagent selon deux directions différentes :

- certains vers le nord-ouest, franchissent la mer, visitent le sud de l'île de Bretagne et se fixent en Irlande.

-  vers le sud-ouest, les autres groupes suivent la côte atlantique pour descendre à la rencontre des Ibères.

RESTEE A L'ECART DE CETTE MIGRATION, L'ARMORIQUE entretient de son côté de nombreux échanges avec les Brittoniques, les Pictes et les gallois.

     Au Vè siècle avant notre ère, lors de la période de la Tène, un nouveau phénomène migratoire s'étend sur l'Europe. Durant les trois siècles qui suivront, de nombreux clans, de nombreuses familles accompagnées de leurs troupeaux et de leurs biens embarqués dans des chariots sillonneront ce vaste espace du nord au sud et d'est en ouest. C'est à ce moment que les Boïens s'installent dans le nord de l'Italie. Ils fondent la culture de Golasecca, avec Mediolanum (Milan) comme ville principale, avant d'être réduits par les légions romaines. On pourrait également évoquer le périple des Cimbres partis du Jutland et des bords de la Baltique pour une longue errance. Descendus jusqu'aux portes de l'Espagne, puis refoulés, ils se trouvent défaits par les armées de Caïus Marius vers Orange en 101 avant J.C.

     Afin de garantir leurs implantations et sécuriser leurs voies de migrations, les Celtes créent des villes fortifiées. Alors le monde européen se couvre d'OPPIDA (sing. oppidum). En Bretagne, malgré leur étendue et aussi par l'absence de véritable investigation archéologique, le camp d'Artus au Huelgoat (29) et celui du Poulailler à Fougères (35) peinent à se faire reconnaître comme des OPPIDA.

    Certains groupes migrants atteignant la Macédoine lancent des incursions dans les Balkans. Surpris par un hiver rigoureux et par une résistance inattendue, acculé à la défaite, leur chef Brennos met fin à ses jours. En 278 avant J.C., engagés comme mercenaires pour le compte de Nicodème de Bithynie roi de Thrace, les survivants, conduits par Lutérios, franchissent le Bosphore et entrent en Asie Mineure pour y conquérir de nouveaux territoires. Puis, suivant Ithridate du Pont, ils prennent possession d'une importante partie du plateau anatolien. Leur accordant à titre de remerciement des terres sur ce plateau (la Galatie), les deux rois grecs ne se doutent pas qu'ils sédentarisent là une communauté guerrière dont les Turcs et les Romains n'arriveront pas à bout. Ainsi installés dans une série de cités-états dirigées par une aristocratie militaire, les derniers Celtes nommés Galates maintiendront les traditions et la langue celtique jusqu'au début du Vè siècle.

    "Qu'en est-il de l'Armorique?"

     Bout du monde, péninsule excentrée par rapport au continent européen, l'Armorique, restée à l'écart des grandes migrations arrivant de l'est, entretient de nombreuses relations commerciales avec les nations qui la bordent. Alors que les échanges avec le sud de la Bretagne insulaire et avec l'Irlande restent fréquents, les communautés armoricaines développent une économie rurale sédentaire. Si certaines découvertes archéologiques (bijoux, poterie, incinération, etc..) confirment des influences culturelles venues du monde celtique, elles doivent être relativisées. Admettons qu''elle accrédite certaines relations avec nos voisins de l'est. Les ornementations sur des poteries peuvent aussi bien résulter d'échanges que de la production locale. Par ailleurs, l'organisation sociétale très hierarchisée, le système économique, la dissémination territoriale des populations, la surprenante rareté des grands sanctuaires, l'absence de certains rituels funéraires comme les riches tombes à char, la modestie de nos forgerons armoricains face à la grande maîtrise sidérurgique reconnue aux celtes, sont autant de données affirmant la réticence de ces derniers à vouloir s'enfermer dans ce territoire du bout du monde.

     L'histoire de la MONNAIE conforte cette démonstration. Apparu au début du VIè siècle avant J.C., sous le règne de Crésus, roi des Lydiens, le monneyage est ensuite adopté par Darius Ier, lorsque ce dernier entreprend d'unifier les poids et mesures de son vaste royaume de Perse étendu de l'Indus au Bosphore. Au IVè siècle avant J.C. , Philippe II, réorganisant les finances de la Macédoine, impose les pratiques monétaires. Alors les Celtes, pourvoyeurs des grands courants commerciaux de l'Europe centrale, n'ont d'autre choix que de s'y soumettre. C'est ainsi que, parallèlement aux routes maritimes du bassin méditerranéen, on peut suivre la progression de la monnaie vers l'ouest du continent. La gaule celtique ne s'y adonnera qu'à partir du IIIè siècle avant J.C. Alors les Arvernes, les Parisii et les Ambianes de la Somme, placés sur les voies migratoires, frapperont leur monnaie.

     Peu perméable aux influences venant de l'est, le monnayage n'est présent en Armorique qu'à partir du milieu du IIè siècle avant J.C. Il débarque par les voies maritimes vénètes. Mais il faut attendre la fin de ce IIè siècle pour voir les Osismes, les Riédones et les Namnètes battre leur monnaie. Ainsi cette référence d'échanges souligne bien les cheminements et le rythme de pénétration de l'''influence celte.

CES ARGUMENTS INTANGIBLES SE TROUVENT TROP SOUVENT ECARTES PAR LES TENANTS D'UNE BRETAGNE CELTIQUE.

     "Alors doit-on admettre ne pas avoir vu la moustache d'un Celte en petite Bretagne?"

     Afin de calmer les Bagaudes (révoltes du monde rural gaulois) qui se développent depuis le IIIème siècle, l'autorité gallo-romaine en place fait appel à des mercenaires de légions celto-bretonnes. Arrivent alors dans nos contrées quelques populations de la grande île de Bretagne. Après une courte accalmie, durant tout le Vè siècle, sous la poussée des Pictes, des Calédoniens, des Angles et des Saxons, des groupes civils encadrés par un clergé gyrovague (religieux allant de couvent en couvent) débarquent en petite Bretagne. C'est alors le temps de l'évangélisation menée par les saints bretons (Samson, Brioc, Tugdual, Maclou, Corentin, etc...). Ainsi, le littoral armoricain, puis plus tardivement l'intérieur, accueillant une population chrétienne, se structure autour d'un pouvoir spirituel imprégné d'un celtisme très atténué. Les communautés se regrouperont alors sous la férule de "machtierns" ou chefs de villages, dans une organisation influencée du schéma irlandais/britonnique/gallois. Mais ceux-là sont-ils encore des Celtes? Quelques décennies plus tard, bousculant le monde armoricain, les Francs et les Vikings relègueront aux oubliettes de l'histoire l'épopée celtique.

     Trop accaparé par sa subsistance et les conflits de voisinages générés par la petite noblesse, l'homme du moyen-Age ne se soucie aucunement du phénomène celtique. De plus la monarchie absolue, étouffant toute identité concurrente, accapare l'espace de réflexion. Le Breton travaille la terre ou oeuvre pour le compte du "roulage breton", activité commerciale maritime du moyen-Age.

    On peut donc, sans risque, avancer que les emprunts à la culture celte n'affirment en rien une relation génétique avec ces peuples venu de l'est. LES BRETONS d'ARMORIQUE, ISSUS DES PEUPLES DE L'AGE DU BRONZE, SONT LES HERITIERS DES CULTURES NEOLITIQUES dont les traces d'implantations restent multiples dans nos paysages.

LES GRANDS FLUX MIGRATOIRES CELTES (p.91 de l'ouvrage)

- environ 1300 ans av J.C. : Les Celtes partent des pourtours de la Mer noire en suivant le Danube et s'installent en Europe centrale.

- V et VI è siècles av J.C. : vers le nord de l'Italie (Boïens, Etrusques), le sud/est de la Bretagne insulaire, l'Ecosse et le nord de l'Irlande

- IV et Vè siècles av J.C. : couloir Rhodanien vers le nord de l'Italie (Ligures), Parisii (bassin parisien), Belgique (Belges), Pays de Galles vers l'ouest de l'Irlande, Auvergne (Arvernes), Pays basque espagnol et frontière portugaise (Celtibères)

- IIIè siècle av J.C. : Macédoine, Anatolie turque (Galates)

 DU "PALEOLITHIQUE" A L'ART MEGALITHIQUE VERS L'AGE DE FER :

- Vers 700.000 ans av J.C. un groupe d'individus s'est arrêté dans la vallée de la moyenne Vilaine, près de la commune de Saint-Malo-de-Phily (35), pour y débiter de très frustes choppers (galets taillés sur une seule façe) dans un grès lustré trouvé sur place.

- aux alentours de 600.000 ans av J.C. des découvertes isolées signalent la présence de populations nomades "Homo erectus" en bordure littorale

- 450.000 ans av J.C. : période de la maîtrise du feu (St Colomban, Carnac)

- 52.000 ans av J.C. : premières sépultures au Paléolithique moyen, l'homme de Cro-Magnon réalise des peintures et gravures dans les grottes.

- 5.000 ans av J.C. : NEOLITHIQUE, PERIODE DU MEGALITHISME pendant 3.000 ans avec les alignements des 16 grands menhirs et les grandes stèles accompagnant le "Géant" de Locmariaquer (56) bloc aujourd'hui couché de 20 mètres de long, les "cairns", sépultures collectives à chambres multiples comme Barnénez (29) et ses 70 mètres de long. Signalons aussi les "allées couvertes" avec des tombeaux collectifs

- 2200 ans av J.C. l'Age du bronze se distingue par des dépôts de fondeurs, caste itinérante qui préfigure une phase pré-monétaire avec les "haches à douilles". C'est la période des "tumulus", des incinérations avec des vases funéraires et du culte solaire.L'homme du bronze délaissera la chasse au profit de l'élevage et des productions agricoles.

- 750 av J.C. : l'AGE du FER et trois et quatre siècles plus tard les migrations celtes en Gaule. 

Dans son ouvrage "une promenade singulière à travers l'Histoire", Michel De Grèce nous raconte les "Celtes" :

" Il est un peuple dont on n'associe pas le nom avec l'Orient, un peuple qui a joué un rôle immense dans l'histoire, dans la civilisation : les Celtes. J'éprouve une étrange attirance pour eux. Je "devine" de loin un lieu celte.J'y découvre chaque fois des affinités étranges. On ne sait pas d'où ils viennent. Ils évoquent l'Irlande, l'Ecosse, le Pays de Galles, la "Bretagne". Cependant leur origine serait orientale. Ils ont fondé entre autres la ville d'Ankara, actuelle capitale de la Turquie, comme par ailleurs la ville de Prague. On connaît à peine leur histoire. Tout chez eux se transmettait oralement. Et pourtant ils ont gravé des traces profondes dans la culture mais aussi la pensée. Ils étaient puissamment versés dans l'ésotérisme. Ils avaient des pouvoirs, de grandes connaissances, ils choisissaient à la perfection leurs lieux sacrés."

     Article O.F. samedi 24 octobre 2015 : Acigné : l'hémochromatose, quand le fer rend malade, héritage des Celtes. Première maladie génétique en France, l'hémochromatose touche une personne sur 200 en Bretagne. C'est une maladie à retardement qui se révèle à l'âge adulte. Cette conférence sera animée par le Pr P. BRISSOT, spécialiste du foie et des surcharges en fer rares d'origine génétique. Mardi 27 octobre, 14H30.

 Mise en "forme" grand public : Alain GOUAILLIER


"L'Océan pour horizon, histoire maritime de la Bretagne des origines à nos jours

Yannick Lecerf : Origine armoricaine au mégalithisme façade Atlantique. Un livre de 125 pages avec de grandes révélations ! Editions www.skolvreizh.com 

Le travail de recherche des meilleurs linguistes européens sur la façade Atlantique (Bretagne, Irlande, Pays de Galles, Cornouailles, partie Ecosse) aura remonté au début du Néolithique, fin Mésolithique,  avec une communauté linguistique qui ne doit rien aux migrations de l'Age de Fer. Le fameux site de Stonhenge était abandonné à l'Age du Fer, sans caractère sacré. Les tombes datent de l'Age du Bronze avec pour occupants des "Gallois". Les peuples de la péninsule armoricaine, à forte identité culturelle, antérieure au mythe celtique, ne doivent rien à des groupes de migrants venus d'Europe Centrale. Ce livre fait référence et suscitera de très nombreux commentaires!

     Entretien recueilli par Karin Cherloneix O.F. 28/11/2021 : "De tout temps, le marin breton a été un pionnier". Dans l'histoire mondiale, on évoque toujours les Phéniciens, les Carthaginois, .... ou l'explorateur Pythéas qui s'est lancé en Méditerranée pour aller dans le Nord en 325 av J.C.. Mais qui sait que les Bretons ont ouvert la route dès 1 500 ans avant J.C.? A l'âge de bronze, on partait déjà dans des pirogues, pas pour conquérir de nouveaux territoires, mais pour faire du commerce! Au Néolithique, les Bretons faisaient naviguer des pierres de 17 tonnes, ça donne une idée de la maîtrise! Une étude suédoise prouve que les mégalithes de toute la façade Atlantique ont été essaimés par les Bretons. Du Maroc au Danemark, 2 300 monuments représentent l'identité d'Armorique. Dès l'âge de bronze, on exploite du minerai d'étain qu'on vend en Méditerranée. Anne de Bretagne est visionnaire en armant les bateaux pour protéger l'économie. Les marins revenaient les cales pleines sous Louis XIV et enrichissaient la France."


Sites préhistoriques dans le Morbihan et Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine)

       Jules Michelet, août 1831 : "Aller à pied de Lorient à Carnac et Locmariaker. Il y a des monuments tout le long de la côte. Voir les hiéroglyphes à Lokmariaquer sous le dolmen principal.... Auray : partir à quatre heures du matin, entre chien et loup, pour Lokmariaquer. Chemins très âpres et souvent périlleux. Théâtre sinistre de la guerre des chouans.. Ce nom de hiboux caractérise admirablement ces hommes au nez pointu, à l'oeil oblique, cette guerre du crépuscule dans les bruyères et les taillis. Plantes très épineuses. Partout des dolmens sur les bruyères élevées, ou des pierres préparées pour l'être. Ces pierres sont le point de départ de l'élan architectural dans l'Occident, comme en Egypte les (grottes). Le second pas est le dolmen, grotte artificielle.

     Mars 2021 : reportage photographique commenté par Alain Racineux, historien acignolais :

  • Le tumulus de Kercado,  recouvrant un dolmen à couloir,est le plus ancien du Morbihan. Il est daté de 4700 av.J-C. C'est dire qu'il y a 6 700 ans, nos ancêtres honoraient déjà les morts !
  • Le grand menhir de Locmariaquer [4 500 ans av.J-C.) atteignait 20m de haut et pesait 300 tonnes. Tombé du site au bout de 300 ans, il s'est brisé en 4 morceaux.
  • Victor Hugo , 1834 : Les "peulvens" de Karnac font un effet immense. Ils sont innombrables et rangés en longues avenues.
  • A Lokmariaquer, où j'ai eu beaucoup de peine à parvenir avec les pieds ensanglantés par les bruyères, il n'y a plus que
  • deux (dolmens), mais beaux. L'un, couvert d'une pierre énorme, a été frappé par la foudre qui a brisé la pierre en (trois) morceaux.
  • Le dolmen des pierres plates à Locmariaquer est un dolmen à couloir de 26 m de long. Il servait de chambre funéraire.
  • - Un collier en variscite a été découvert dans une tombe du tumulus St Michel à Carnac. Il prouve que nos ancêtres commerçaient déjà avec l'Espagne il y a 6 000 ans !
  • Menhir de Dol de Bretagne

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TERROIRS DE HAUTE-BRETAGNE :             

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  • Energie 
  • Réseau "Bruded".

       La rédaction par Jean-Jacques BLAIN - et son père Jacques - de 3 ouvrages sur le "Grand Fougeray", commune située au sud de l'Ille-et-Vilaine, va nous permettre de nous projeter dans notre passé collectif, au temps où le "paysan" était majoritaire en nombre.....

 La densité de la population en Haute-Bretagne peut être évaluée à environ 2 habitants/km2 à l'Age du Bronze puis à 15 habitants /km2 au moment de la conquête romaine (57 av JC) pour atteindre 60 habitants/km2 en 1877. Au temps du Néolithique (5000-2000 av JC) les premiers agriculteurs qui cultivaient déjà le blé ont donné naissance à l'art mégalithique. En 1883, un inventaire permit de répertorier en Ille-et-Vilaine 37 dolmens, 189 menhirs, 39 alignements et 43 cromlechs.

   Bocage : haies et talus, chemins et habitants

     Les premières traces de talus et bocages datent de 500 ans av JC, mais ce n'est qu'au Moyen Age que cette organisation de paysages se répandit. Dès l'Antiquité, les petites fermes obéissaient à la règle armoricaine de l'habitat dispersé. Les gens vivaient cependant la plupart du temps dans des hameaux. De petits enclos avec fossés et talus se trouvaient dans l'entourage immédiat des habitations. Ces enclos permettaient de contenir les bestiaux ou de protéger les jardins. La période de construction des talus se situait entre début novembre et fin avril afin que la terre soit assez humide. Il fallait environ deux heures pour réaliser un mètre de talus. Les animaux trouvaient leur nourriture dans les prés, landes et sous-bois. Mais les animaux divagants étaient un vrai problème pour les cultures. Cette forte préoccupation est une des raisons de la constitution du BOCAGE. Les haies étaient des remparts contre les dégâts des animaux et le paysan faisait régulièrement le tour de ses cultures et de ses haies pour les vérifier. En permanence il entretenait ces dernières, refermant avec des ronces la moindre brèche. (voir fin de rubrique articles sur les haies)

     Tous les chemins étaient de qualité médiocre et on ne pouvait sans doute pas franchir plus de trente kilomètres par jour vers l'an mil.  Ces chemins transversaux étaient étroits, en terre, peu ou pas empierrés et la circulation y était difficile pendant une période plus ou moins longue de l'année. Les adjectifs les qualifiant parfois dans les textes anciens sont évocateurs : "chemins fangeux, néyés, fondus ou remplis d'immondicités, rendus impraticables et tout mouillés qu'on ne pouvoit charroyer..."Les chemins bordés de haies retenaient l'eau des pluies, les pieds du bétail s'y enfonçaient. Parfois, le chemin ,devenu impraticable, était doublé par une "rote messière", sentier établi pour permettre au piéton d'aller à la messe sans se crotter. On pouvait aussi couper à travers champs et à chaque bout on traversait par un simple trou dans la haie. Ou bien le sentier était fermé par des piquets que l'on pouvait escalader : les ECHALIERS si bien décrits dans les ouvrages sur les "Chouans" de Balzac et Victor Hugo.

      Les usages et les arrêts du Parlement de Bretagne avaient établi certaines règles pour l'entretien et les réparations de ces chemins vicinaux. Les "chemins de traverse", conduisant de bourg en bourg et de village en village, étaient "sous la garde des seigneurs qui étaient tenus d'employer à leur réparation les deniers de leurs amendes". Leur entretien incombait en fait au général de paroisse, mais celui-ci était d'avis que ceux qui possédaient des biens adjacents au dit chemin devaient, eux-mêmes, en assurer les réparations. Finalement personne n'intervenait! Quand les charretiers trouvaient un passage absolument impraticable, ils faisaient un léger coude sur la terre voisine. Son propriétaire acceptait cet usage sachant qu'en cas de réclamation de sa part il aurait été obligé de procéder aux réparations.

     On utilisait ces chemins creux pour se rendre à la messe dominicale et aux foires. Il existait aussi tout un va-et-vient de mendiants, de colporteurs, d'artisans et de journaliers en quête d'embauche, sans oublier le meunier et ses aides. Tout ce petit monde, le dixième de la population, répandait aussi les "nouvelles". "Le paysan ne refuse jamais au mendiant un morceau de pain, le coucher dans le fenil, et souvent la soupe et l'écuelle de lait; aussi le pays est-il couvert de gens qui mendient les secours de l'habitant laborieux, lequel, le plus souvent, n'ose les refuser dans la crainte de voir jeter un sort, sur lui, ses enfants ou ses troupeaux", écrit Girault de Saint-Fargeau en 1829. L'Ille-et-Vilaine, avec 35.000 indigents et 15.000 mendiants, était le département français où la proportion de mendiants était la plus élevée au XIXème siècle. Chaque paroisse avait ses mendiants attitrés et les entretenait. La mendicité était une conséquence extrême de la surpopulation qui restait socialement tolérée pour des raisons religieuses. Beaucoup d'anciens artisans ou de paysans micro-propriétaires oscillaient entre une activité épisodique de journalier, le chômage partiel et la mendicité.

Nota AG : à l'autre bout de la Bretagne la mendicité est fort bien décrite avec les textes de Jean-Marie DEGUINET (1834 - 1905) "Mémoires d'un Paysan Bas-Breton".

     Les "foires aux domestiques" : Les plus importantes étaient celles de Rennes (le jour de la St Pierre sur le "Champ de mars") et de Vigneux, près de Nantes, au lendemain de la "Trinité". Il y avait aussi celles de la "Saint-Georges" aux pays de Fougères et de Vitré, de Saint-Jugon à La Gacilly, de la Saint-Marc à Malestroit, de la Toussaint à Loudéac... Les domestiques qui ne se louaient que pour la "métive" (les moissons) avaient à leur chapeau un épi de blé vert. Ceux qui voulaient se gager pour l'année entière ornaient leur chapeau d'une rose et, s'ils étaient charretiers, avaient un fouet autour du cou. Les faucheurs portaient leur faux, la lame attachée parallèlement au manche. Les filles portaient un bouquet de rose à leur corsage.

     Dans le cas d'émigration définitive, les jeunes partaient autour de vingt ans. Pour les garçons, le service militaire était le révélateur. Quand ils en revenaient, ils constataient que la ferme ou l'atelier artisanal avait très bien fonctionné pendant leur absence. Ils estimaient alors qu'ils pouvaient ou devaient partir. L'abbé EUZEN indiquait en 1908 : "Les jeunes filles bretonnes peuvent encore se placer facilement, car la Bretagne reste aux yeux du monde la terre classique de la probité et de la foi... Mais les hommes trouvent plus difficilement à se caser. Ceux qui n'ont pas de métier déterminé font des journées par-ci par-là, toujours employés aux travaux les plus répugnants ou les plus durs.."

     NOTA AG : En 1813, il existait 144 fermes sur Acigné qui occupaient près de 600 personnes pour une population de 2000 habitants. En 2004, il ne restait que 36 exploitations agricoles avec moins de 2 professionnels en moyenne par unité. Ces changements sont intervenus à partir de 1955 et la "mécanisation agricole".

Au Pays de la "Galette-saucisse", du seigle et sarrasin, du cochon

     Le seigle , mieux adapté que le froment aux terrains pauvres, était toujours important en Bretagne intérieure. Le grand changement fut l'introduction du SARRASIN - ou blé noir - venu, semble-t-il, d'Asie Mineure et plus sûrement à l'origine de la froide Sibérie au XVème siècle ou au début du XVIème siècle et qui s'étendit largement. Notons toutefois que des grains de sarrasin ont été trouvés dans quelques sites au début de notre ère... Son nom de "blé noir" est galvaudé; rien à voir avec cette céréale. Il apporte un confort intestinal intéressant avec ses fibres et la présence de minéraux ajoutée à l'absence de gluten rendent le sarrasin très attractif. On peut aussi le consommer sous une forme grillée de ses grains : le "kasha"...

     Ceci étant dit, le sarrasin s'adapte bien aux sols pauvres et il fournit des rendements élevés pour l'époque, jusqu'à 17 pour un (alors que la moyenne des autres céréales est de 4/5 pour un). Un inconvénient cependant : la très grande irrégularité de la récolte, celle-ci ne rapporte même pas la semence les mauvaises années. Avantage toutefois du sarrasin : il ne gèle pas! il n'est pas soumis à l'impôt de la "dîme" et, les paysans le broyant eux-mêmes dans des moulins à bras et en faisant des galettes, il échappe aussi au moulin et au four banal du seigneur, coûteux et vexatoires. Le sarrasin est aussi une céréale très mellifère qui a été une des bases de l'apiculture en Bretagne. Les cultures de blé et d'avoine furent alors consacrées au paiement des impôts et à une petite exportation. Le blé noir était conservé pour la subsistance.

     Le "Byeu nâ", le blé noir ("caraou" vers Fougères ou "carabin" vers Rennes) était, depuis le XVIè siècle, la nourriture chérie du peuple des campagnes. Semé et récolté en quatorze semaines, il nettoyait le sol après les autres céréales. On semait le blé et le seigle quand les arbres perdaient leurs dernières feuilles, l'orge à la Saint-Georges, le chanvre en mai (et surtout jamais à la saint-Marc), le blé noir à la Saint-Pierre.

Nota AG : A Montautour, près de Vitré, a lieu une Fête du "Blé noir". Le blé noir (sarrasin) était toutefois plus important que le froment en sol peu fertile comme Le Grand-Fougeray, contrairement à Acigné et au bassin de Rennes.

     Un dicton : "année de châtaignes, année de blé noir"

     La galette de blé noir : au début du XIXème siècle, la galette de blé noir était l'aliment clef qui se préparait tous les deux jours en moyenne. Tous les inventaires des notaires ou du juge de paix commencent par la "pierre à galette" (en fonte) et la "tournette". En 1835, dans tout le Grand Ouest, on consommait cinq fois plus de sarrasin par personne que la moyenne nationale, et le froment ne représentait que le tiers des besoins alimentaires.

     Les galettes étaient généralement faites le matin, après avoir préparé la pâte avec la farine de blé noir, un peu d'eau, du lait et du sel. Une fois refroidies, elles étaient coupées en quatre et les quartiers étaient entassés les uns sur les autres pour ne pas sécher. On les mangeait ainsi ou on les faisait réchauffer à la poêle avec du beurre. Elles remplaçaient souvent le pain et se mangeaient avec le lard et les choux. Les ingrédients accompagnant la galette étaient, éventuellement, un oeuf ou une saucisse, mais jamais de fromage, qui était inconnu dans la région.

     La farine de blé noir n'avait pas pour seule destination la galette. On en faisait aussi beaucoup de la bouillie de blé noir. On n'hésitait pas à faire plus de bouillie que nécessaire pour le repas. Le reste était laissé à refroidir au fond de la casserole ou du plat et, le lendemain, on coupait la bouillie durcie en lanière de 1,5 à 2 cm de largeur. Ces morceaux étaient dorés à la poêle avec du beurre avant d'être servis.

Nota O.F. 13/10/17 : "Le sarrasin se récolte en ce début d'automne. Relancée par une poignée d'agriculteurs du Centre-Bretagne, cette culture s'étend sur 3 300 ha et bénéficie d'une IGP (Indication géographique Protégée). GWINIZ DU : c'est le nom du blé noir en Bretagne. Cultivée à l'origine sur des sols acides et plutôt pauvres, cette plante n'a aucune parenté avec le blé ou l'orge. C'est une polygonacée proche de la rhubarbe.  1400 agriculteurs de la région de Rostrenen bénéficient de l'agrément et de l'engouement pour les galettes  et autres biscuits très typés. La tonne est à 700 euros payée par trois entreprises habilitées. Ils ne sont en réalité que 400 à en cultiver chaque année car le blé noir rentre dans une rotation triennale. Il a besoin d'une bonne alternance de soleil et de pluie, mais ne nécessite aucun traitement. Dès le départ il engage une course contre les mauvaises herbes. Pour le datura celui-ci ne peut être éradiqué par un arrachage, la culture est alors détruite. On peut augmenter les rendements grâce à l'implantation d'une ruche par hectare; le blé noir est méllifère. On utilise la variété "Harpe" sélectionnée par l'INRA. Neuf meuniers ont le sésame pour moudre 2100 tonnes de  farine de blé noir Tradition Bretagne, soit 20% du marché hexagonal. Le reste est alimenté par des farines de Chine, Pays Baltes, Canada, Espagne... à des coûts moins élevés, mais sans réelle traçabilité."

     O.F. 13/01/2022 : CULTURE du SARRASIN relancée dans l'Orne. "Après 20 ans de journalisme d'Ouest-France, Patrick Brionne cultive du blé noir qu'il transforme dans sa ferme près de Domfront. "Les terres d'ici, aux confins orientaux du massif armoricain, s'y prêtent bien. Jusqu'au milieu du XIXè siècle, c'était la plante la plus cultivée. Comme en Bretagne, le "blé noir" y pousse mieux que le blé meunier." Avec 10 ha de terres cela revient à exploiter deux hectares par an car, dans la rotation, le sarrasin est semé tous les cinq ans. Il arrive cependant à doubler la surface cultivée grâce à un accord avec son voisin: "Il cultive du colza dans mes parcelles et moi du sarrasin dans les siennes." Cet hiver, le silo s'est rempli de 20 tonnes de graines, une première vraie récolte, excellente, de 18 quintaux par hectare, avec des semis réalisés en mai et une récolte fin septembre. Avec la moissonneuse-batteuse du voisin ça s'est fait en une journée.

     La culture ne réclame ni engrais ni traitements. Les "rumex", très présents, ont été étouffés par le sarrasin. Des ruches ont été installées dans les parcelles méllifères pendant presque tout le cycle cultural. La suite? un couvert hivernal de MOUTARDE, PHACéLIE et AVOINE. Le "méteil", pratiqué sans labour, est vendu à l'élevage laitier de la voisine et le blé meunier bio à la coopérative locale. Les graines de sarrasin, nettoyées, tiées et brossées, sont écrasées dans le moulin de la ferme. La nouvelle bluterie tamise la farine, un peu plus grise que dans le commerce et plus goûtue grâce à un savoir-faire meunier (mouture).par Guillaume Le Du

     

O.F. 14/01/2022 : "Le BLé NOIR s'enracine autour de la RANCE", "Les champs de blé noir sont magnifiques en fleurs. Durant les deux mois de floraison, en juillet et en août, la tige verte devient progressivement rouge." Depuis 2017, l'association VIVATERR (Vie, valeurs et territoires) réintroduit le blé noir dans le pays de la Rance avec son Président David Boixière, le maire de Pleudihen-sur-Rance, avec objectif de s'étendre jusqu'à 350 ha.L'association comprend une quarantaine de membres dont une vingtaine d'agriculteurs et cinq apiculteurs installés sur le territoire du futur parc naturel régional RANCE Côte d'Emeraude (entre Saint-Malo et Dinan) et sur les secteurs Dol-de-Bretagne et Combourg.Par Thibault Burban

               O.F. 8/1/2021 : "Bretonne ou chinoise? Quand la galette cache son jeu. Culture de blé noir, en hectares, en Bretagne 1860 : 750 000, 1960 : 116 000,  -1980 :280- !! , 2012 : 4 500, 2016 : 3 300 La Bretagne, qui fut longtemps une grosse productrice, en importe 70% de Chine et de Pologne. Alors qu'elle est la seule en Europe avec une IGP (cultivé, stocké, écrasé et farine produite en Bretagne historique, + Loire-Atlantique) avec 1 700 producteurs et 9 des 30 meuniers bretons. En 2020, 300 nouveaux agriculteurs sont habilités à produire ce "blé noir breton IGP"; la Bretagne a produit 2 400 tonnes de farine de sarrasin IGP (pour 3 200 tonnes de grains) et 3 à 400 tonnes non IGP, soit à peine de quoi couvrir 20 à 25% des besoins de la région (25 à 30 000 tonnes/an). Le blé noir IGP (conventionnel) se négocie à 840 euros la tonne (producteur = 700 euros) et le bio à 1 000 euros quand ses concurrents chinois ou polonais oscillent entre 250 et 400 euros la tonne, moins cher que le blé noir français à 450 euros en moyenne. Heureusement, les consommateurs veulent de plus en plus du français et du breton c'est encore mieux car la Bretagne a une image très positive, même à l'étranger, dont la Chine, , Espagne, Pologne, Suisse, Suède et Pérou... (une farine de blé noir a essayé de porter le nom de "Brotagne" en Chine!). par Laeticia Jacq-Galdeano


 LEVAIN/LEVURE, faire son pain : le levain est une pâte faite avec de la farine de blé ou de seigle (ou les deux) et de l'eau potable. On laisse cette pâte reposer pendant 24 à 48 heures : les bactéries présentes dans la farine se nourissent alors du sucre qu'elle contient. C'est la fermentation. On y ajoute de l'eau et de la farine au LEVAIN afin que de nouvelles fermentations se produisent. Au bout d'environ cinq jours, ce levain sera utilisé pour faire gonfler du pain... On peut aussi utiliser de la LEVURE, un champignon qui permet une fermentation plus rapide que le levain. Le pain au LEVAIN a un goût différent,et il se conserve plus longtemps. Et ils n'ont pas le même apport pour le corps! 

    "Tout est bon dans le cochon!" La saucisse accompagnait fort bien les galettes. Ramasseurs de déchets, fouisseurs infatigables, les porcs étaient laissés en liberté dans les cours de ferme et aux alentours. Dans les fossés et les haies, le cochon trouvait une nourriture bon marché, comme les glands à la saison. Le soir, on le ramassait dans sa soue où la fermière lui versait sa soupe dans son auge. C'était du "gabouret" ou "gabouriau" (mélange de farine grossièrement moulue et de son mouillés avec les eaux de la cuisine, du petit lait ou de l'eau claire), des pommes de terre ou de petites châtaignes cuites dans une "chaudière". Souvent, un cochon était gardé spécialement pour la saison des châtaignes et des glands,  sa viande était jugée des plus savoureuses.

  En 1866, les porcs se vendaient en moyenne 65 F, les veaux 75 F, les vaches 100 F, les boeufs 300 F, les chevaux 350 F.

Pour la conduite des boeufs, on utilisait ces onomatopées :

     - à droite : "Ptffrr" avec grandes vibrations des lèvres, - à gauche : "Aââh", reculer : "Ssssé" 

Pour les chevaux de trait :   - à droite : "Ahi",   - à gauche : "Tiouc",   - en avant : "Hue",  - recule : "Recu".

On disait que dans un hectare de labour il y avait environ deux journaux (prononcer "journiaw") de terre. Cette mesure désignait la quantité de terre que peuvent labourer en une journée deux boeufs attelés (juncti) à la même charrue. 

   Le beurre, la châtaigne, la pomme et le cidre, la vigne

    Le beurre et le lait ribot : on buvait beaucoup de lait en l'état. Il est curieux de voir encore beaucoup d'éleveurs laitiers "n'aimant pas le lait"! Le lait, on le consommait plutôt en beurre et en lait ribot. Le beurre était toujours sur la table. Il servait aux tartines des écoliers, à "embeurrer" les choux, les galettes chaudes... Le beurre était si essentiel en Bretagne qu'Anne de Bretagne avait obtenu du pape, à l'occasion de son mariage, une dispense permettant à la duchesse, sa maisonnée et à tous les Bretons de manger du beurre en carême! Il était consommé également une grande quantité de lait baratté, souvent avec des pommes de terre, des châtaignes bouillies ou de la galette trempée.

     Faire son "beurre" : dans les fermes la journée de travail commençait par la traite et l'alimentation des veaux tenus à l'attache, que l'on mettait à téter sous la mère. Après la traite manuelle, le lait était placé dans des pots en terre rangés dans un coffre spécial de l'embas : la "huge" (ou huche) à lait. On attendait la remontée naturelle de la crème à la surface, ce qui pouvait demander quatre à cinq jours. L'écrémage se faisait alors, à la louche. Une fois séparée du petit lait, qui servait à l'alimentation des cochons, la crème était transformée en beurre dans des ribots préalablement ébouillantés à l'eau chaude. Dans ces récipients en bois ou en grès, on actionnait un malaxeur constitué d'un manche en bois muni d'un disque troué à une extrémité. Le beurre était obtenu au prix de gros efforts physiques et en un temps plus ou moins long suivant la température de la crème. En 1867, on écrivait que "le beurre est un des principaux produits des fermes du département; son prix a augmenté considérablement par suite des exportations tant sur Paris, par voie de fer, que sur l'Angleterre, par voie de mer." L'écrémeuse centrifuge fut introduite en 1878. L'apparition des barattes métalliques à axe vertical facilita également la fabrication du beurre.

     La châtaigne : Le châtaignier a été appelé dans un rapport du XIXème siècle l'"arbre à pain du département". En 1804, on indiquait que les châtaignes fournissaient ordinairement plus de deux mois de subsistance.Dictons : "quand il pleut à la Sainte-Anne" i' vient point de châtaignes"; "si on mange des châtaignes crues, on aura des poux"; "Année de châtaignes, année de blé noir".

    La pomme : Le dessert le plus fréquent était la pomme. On la mangeait en l'état à toute heure de la journée ou cuite au coin du feu. En 1806, on estimait le nombre de pommiers en Ille-et-vilaine à 2.800.000. En juillet on mangeait des pommes de la Madeleine vertes et dures. Avant de les consommer on les tossait (frappait) contre la pointe du coude pour les attendrir. Les pommes de Chailleux se conservaient jusqu'à Noël, les pommes de Judin et de "de sur le pailler" jusqu'en avril. On a compté plus de 300 variétés de pommes à cidre sur le Département. Pour faire le cidre on associait la Bédange avec une variété locale.Dans les années 1920, on en faisait facilement 2 à 5000 litres chaque année dans chaque ferme.La consommation atteignait 3 à 350 litres par an et par habitant. Le cidre était d'ailleurs proposé aux collégiens dans les écoles.

     Le cidre se consommait beaucoup au cellier. Tous les visiteurs masculins à la ferme y étaient invités. Le cidre était offert "au cul du fût", assis sur un banc de bois. L'hôte commençait toujours par se remplir une bolée à la clé, et à la boire sans plus de cérémonie. Puis il remplissait tour à tour le même récipient pour chacun de ses invités qui buvaient ainsi à tour de rôle. 

     L'origine du goût des Bretons pour les boissons alcoolisées? Au XVIème siècle, dans la littérature espagnole, le breton était devenu le personnage type du "marin en bordée". En 1636, un voyageur parla de ces "bretons qui ne peuvent se passer de boire". Madame de Sévigné écrivit en 1671 "qu'il passe autant de vin dans le corps des bretons que d'eau sous les ponts".

     On pense que l'origine de cette habitude remonte aux débuts du "roulage", quand les marins bretons commencèrent à transporter du vin de La Rochelle et de Bordeaux vers l'Europe du Nord, pour s'en faire une spécialité au XVIème siècle. Les contrats d'affrètement leur accordaient en effet le droit de "breuvaige", c'est-à-dire d'utiliser le vin de la cargaison pour leur boisson pendant le voyage. A terre, ils ont conservé cette habitude, qui s'est étendue progressivement des ports et de zone côtière vers l'intérieur.

     Nota AG : "LA VIGNE" : La culture de la vigne fut importée en France d'abord par les Phocéens lors de la création de Marseille vers - 600 av.J.C. Elle fut ensuite généralisée à toute la Gaule par les Romains. A partir du IVè siècle, le christianisme concourt au déploiement de sa culture pour les besoins de communion sous les deux espèces pain et vin jusqu'au XIIIè siècle. Les monastères étaient tenus de produire eux même leur vin de messe. Sa disparition progressive remonte à l'époque de Colbert dont l'administration aurait déclaré : "La Bretagne sera une terre à cidre et devra arracher ses vignes". A la veille de la Révolution française on recense encore 150 ha de vignes en Ille-et-Vilaine. Une des causes avancées pour le déclin du vin local fut sa très mauvaise qualité - "une affreuse piquette" selon certains avis de l'époque - et le fait qu'il se conservait mal. Les bisulfites, bien que allergènes, étaient alors inconnus... La production était essentiellement constituée de vins blancs avec des rendements variables (ex : région de Redon, vignoble de 43 ha avec une production moyenne sur 10 ans de 14 hl/ha). Parmi les cépages on cite souvent le "Noah", vin très acide, interdit en France en 1935 car il contenait des substances cancérigènes (riche en éther); le "Chenin-noir" planté en France depuis l'Antiquité; le "Gros-Plant", cépage exclusif ou principal du VDQS gros plant du pays nantais. Au Mont-Garrot en Saint-Suliac (près de Saint-Malo) un cep sauvage serait, d'après l'INRA de Montpellier, un ancêtre du "Merlot" actuel. Il avait été cultivé sur 12 ha il y a plusieurs siècles.

     Une étude sur Thorigné , à partir du "cadastre napoléonien" de 1818, indique 17 reprises du mot "vigne" pour 17 ha avec à cette époque 350 habitants répartis sur 600 ha environ. Les parcelles étaient orientés vers le sud. Calculs dans l'état des sections du cadastre : un arpent métrique = 2 journaux et 5 cordes, soit 10.028,5 m2. Un journal = 80 cordes = 4.862,3 m2; une corde carrée = 60,78 m2 et une perche carrée = 57,77 m2. Parmi les mots indiquant la présence de vignes, notons "Louvigné" et "Sévigné".

D'après Pierre Pétour, "Cité Art, Patrimoine" Thorigné-Fouillard

     Entretien avec Bernard HOMMERIE, chargé de communication de l'ARVB : l 'Association des Vignerons Profesionnels créée à PORDIC (22) le 20/11/2021 avec 18 vignes. Déjà, l'Association de la Reconnaissance des Vins de Bretagne (ARVB) a été créée par des vignerons amateurs en 2006, bien avant que l'Europe ne libéralise les droits à planter en 2016. Création d'une IGP (Indication géographique Protégée)? Certains y pensent, surtout en Loire-Atlantique, pour délimiter un territoire. Pour le MUSCADET c'est mieux d'être un VIN de BRETAGNE que de Loire-Atlantique. C'est du marketing de base : il y a beaucoup de très bons vins en Loire-Atlantique, donc pour le muscadet c'est mieux d'avoir l'appellation "VIN BRETON". Les gens sont prêts à en acheter. Regardez le Breizh Cola, qui représente environ 20% du marché du coca en Bretagne.

      Beaucoup de vignerons essaient de sortir de la chimie. Je pense que les Bretons vont aller dans cette voie et vers d'autres cépages comme celui des ducs de Bretagne, le BERLIGOU. Le vin du Finistère sera très différent de celui du Morbihan. On aura des expositions et des terrains différents. Le réchauffement climatique aidera. Des Bordelais commencent à s'intéresser à la Bretagne car il y fait moins chaud que dans la région de Bordeaux où, avec le soleil, les taux d'alcool sont trop forts et le vin perd en subtilité. O.F. Laeticia Jacq-Galdeano

 Le cidre mène aussi à la danse et aux fêtes :

"La vie productive des paysans bretons se règle sur les besoins et non sur les profits. Tous vivent sous le même toit, la maison est le lieu à l'abri et, par-delà, du rassemblement et de la communauté. Faut-il parler de promiscuité ou d'intimité? Seul le travail permet de s'isoler. Chacun tient compte du caractère de l'autre, ménage les susceptibilités, et sait profiter des générosités. les heurts sont rares. Et comme il faut d'abord faire face aux besoins de chaque jour, on s'épanche assez peu... Les fêtes sont justement là pour apporter une communication qui n'existe pas par ailleurs. Avec le cidre et les danses, les langues se délient, les rancunes entre voisins s'estompent et les amours naissent."

     Dans un ouvrage de 1550, Noël du fail, petit noble campagnard de St Erblon (St Herblon) au sud de Rennes rapporte ceci : "Les jours chômés, nos bons pères fussent plutôt morts que de ne pas rassembler tous leurs rogations chez quelqu'un du village pour s'y récréer et prendre le repos du labeur de la semaine... Après avoir bu également et toutes leurs forces, le tout méthodiquement, ils commençaient à bavarder des champs sans retenue. Messire Jean, le feu curé de la paroisse, jasait à qui mieux mieux, installé au haut bout de table... Le reste des bons lourdauds parlait du décours de la lune, de l'époque à laquelle il serait bon de planter les poireaux, du temps convenable pour houer la vigne, pour greffer ou couper le coudrier et le châtaignier, pour fabriquer les cercles à lier les tonneaux... Après dîner, quelqu'un du village sortait de dessous son vêtement un rebec ou une flûte; il y soufflait avec une grande maîtrise et le son doux de son instrument, accompagné d'un hautbois qui se trouvait là pour le seconder, les y invitait si bien qu'ils étaient contraints, bon gré mal gré, après avoir jeté leurs robes et leurs casaques, de commencer une danse... Lorsque la fumée du vin commençait à emburelucoquer les parties du cerveau, quelque bonne luronne menait la ronde par-dessus les tables, bancs et coffres, autant d'une main que de l'autre... La danse finie, ils recommençaient de plus belle à trinquer et à lever haut et franc le verre sans se battre. Puis, après s'être échauffés, ils allaient, si bon leur semblait, voir quelque pré ou champ bien préparé et là, ils s'asseyaient d'ordinaire pèle-mêle..."

     Le pouvoir de guérir : en Pays Gallo (et sans doute ailleurs) ceux ou celles qui étaient nés et baptisés le 25 janvier avaient le pouvoir de passer le feu, c'est-à-dire les brûlures, et les venins ou vlins (piqûres d'insectes, de vipères, éruptions cutanées, oedèmes et autres congestions). Une autre date semble aussi fonctionner : le 10 août! En avez-vous d'autres à donner?

Les Jeux populaires, l'Education et le Patois

le jeu le plus répandu en Bretagne était la "SOULE",gros ballon de cuir rempli de son, que l'on jetait en l'air et que l'on se disputait ensuite entre les joueurs. Ce jeu brutal rassemblait plusieurs dizaines de participants de midi jusqu'au coucher du soleil. Le but était de loger la soule dans une chapelle ou une maison choisie au préalable. Tous les coups étaient permis ou presque, si bien que l'on a dit que "la soule, c'est un jour d'indulgence plénière accordée à l'assassinat".

 D'autres jeux plus calmes étaient aussi pratiqués comme le tir à l'arc, les boules... Quand on tuait un mouton ou une chèvre, on donnait aux enfants les petits os des membres. Parfois, on les teignait pour qu'ils soient plus jolis. Il en fallait cinq. On jetait les "OSSELETS" en l'air et, sur le sol, on constatait qu'ils étaient pour certains sur le dos, d'autres sur le plat, d'autres sur le creux. Il fallait ensuite les replacer tous sur le même côté en un minimum de coups. On en jetait un en l'air et, avant de le reprendre au vol, on plaçait convenablement ceux qui restaient à terre.

   En campagne, on n'achetait pas de jouets, mais les enfants les fabriquaient eux-mêmes ou avec leurs parents. Les terrains de jeux les plus habituels étaient les prés où les enfants étaient chargés de garder le bétail, activité qui leur laissait une marge de liberté.

     Noël du Fail raconte les souvenirs d'enfance d'un vieux paysan : "Je commençais à faire une cabane et à ramasser force petit bois. Le bonhomme, de son côté, ramassait quelques bagatelles pour m'aider, ou me fabriquait un couteau de bois, un moulinet, une fusée, une flûte d'écorce de châtaignier, une ceinture de jonc, une sarbacane de sureau, un arc avec du saule et sa flèche avec une tige de chanvre; ou bien une petite arbalète et son trait empenné de papier; un petit cheval de bois tout équipé, une charrette, un chapeau de paille; ou bien il me faisait un beau plumet de plumes de chapon et me le mettait à l'ancienne mode sur mon bonnet."

   La "pétouère" (sarbacane à piston) était fabriquée avec une branche de sureau et du papier mâché ou de la filasse servait de projectile. Avec quelques morceaux de bois, on construisait une paire d'échasses, des toupies, des moulins que l'on plaçait dans le ruisseau. dans les écorces de pins, on taillait des petits bateaux. les jeux de "billes", alors en terre cuite, étaient très prisés. dans la cour de l'école on jouait à l'"épervier" ou à "chat perché". Les poupées, les filles les faisaient en chiffons avec des habits en feuilles cousues avec des brindilles. Elles aimaient également la tenue de mariée avec du lierre, du liseron ou des feuilles de châtaigniers attachées avec des épines. Jouer à la "marelle", sauter à la corde et faire des rondes en chantant, étaient leurs jeux favoris.

     L'EDUCATION : passée la lutte contre la "Réforme", la formation des élites retint seule l'attention, même chez les propagandistes des "lumières", à quelques exceptions près dont Diderot, Turgot ou certains membres du bas-clergé. La Chalotais, procureur du parlement de Bretagne, soutenait que "le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s'étendent pas plus loin que ses occupations". Voltaire l'en félicita par courrier : "Je vous remercie de proscrire l'étude chez les laboureurs". Rousseau émit un jugement similaire : "N'instruisez pas l'enfant du villageois car il ne lui convient pas d'être instruit."

     "Lire sans écrire" : A Acigné, pour 5 sols par mois on pouvait apprendre la lecture comme l'écriture. Mais dans nombre de communes on pouvait soit apprendre à lire soit à écrire avec une évaluation en sols différente. La dissociation écriture/lecture avait une origine pratique. La plume d'oie demandait à être taillée et c'était pour l'élève ou le maître une servitude. Il fallait aussi tenir une plume sans se barbouiller, difficulté que nous, utilisateurs de stylos modernes, avons oublié. Le papier était un produit rare et onéreux. Enfin, il fallait sécher la page écrite en la saupoudrant de sable fin. L'invention, au cours du XIXème siècle, de la plume d'acier, du crayon à mine, du papier buvard bon marché, la généralisation de l'ardoise comme support temporaire de l'écriture sont, pour une large part, responsable de la vulgarisation de l'écriture. Avec Louis-Philippe, le pouvoir, beaucoup plus laïc et bourgeois que son prédécesseur, fut pour la première fois très volontariste au sujet de l'école primaire. La loi Guizot de 1833 imposait la création d'écoles de garçons, toujours confessionnelles et non obligatoires, mais publiques et assumées par la commune. L'enseignement n'était ni obligatoire, ni gratuit, sauf pour les indigents. C'était le premier pas vers l'alphabétisation des masses. Les filles n'étaient cependant pas concernées. Pour l'Eglise, l'enseignement était un moyen pour reprendre les positions perdues dans la société depuis la "Révolution" de 1789. Il s'ensuivra une "course de vitesse" entre les deux écoles qui suscita dans l'Ouest un interminable conflit mais aussi provoquera la recherche de l'excellence et des bons résultats.

     NOTA AG : Acigné innova très vite! Dès 1718 elle disposait d'un enseignement pour une trentaine de jeunes filles, grâce au recteur de la paroisse. Pour les garçons fut créée une école "de fréquentation facultative" en 1833.

     Avec les enfants de paysans, dont la motivation était relative, l'assiduité à l'école suivait un rythme saisonnier. Ainsi, dès la mi-juin, avec les foins, beaucoup d'enfants disparaissaient pour ne rentrer qu'à la Toussaint, après la moisson du sarrasin et la récolte des châtaignes. Il y avait aussi les jours de foire ou de marché, les petits frères ou soeurs malades et les vaches à garder.... Il faudra seulement attendre 1939 et la loi sur les allocations familiales pour abaisser l'absentéisme à l'école.

     Les noms de communes en "AC", "é" ou "ay" :

     Ces noms en "ac" restent fréquents à l'ouest de l'Ille-et-Vilaine. Ils dérivent du suffixe gaulois "iacos" qui, sous l'influence latine, est devenu "acum" puis, sous l'influence romane, a été raccourci en "ac". Pipriac, Lohéac, Messac, ...

     Lorsque l'influence romane a été plus profonde, plus longue, la consonne finale a été atténuée pour donner "é" ou "ay". C'est le cas d'"Acigné". Dans les zones ou l'influence romane a été faible ou absente, à l'inverse de l'influence de la langue bretonne, le "acum" a évolué vers "o" ou "ec" ou "euc".     

     Le PATOIS : en 1863, le ministère de l'Instruction publique classait les départements selon leur caractère francophone ou non. L'Ille-et-Vilaine hérita du qualificatif de "douteux"! en effet le patois dominait largement dans les campagnes, avec des variantes d'une commune à l'autre. imaginons une conversation en patois gallo entre un fils au retour de l'école et sa mère :

- Et tes choques, regardes comme é sont sales, et tes hannes. Ah, té biau mon pourciau! - C'est pas ma faute, c'est Pierre et julien, Y m'ont pousse. Je huche mais im bèze, i sont pu fort que ma. Y m'ont pousse dans l'bouillon. - Bon, et ben piss que c'est coume ça, vas pisse un coup et vas te couche. Et met ta dans la nelle pour pa gêne ton frère quand i va alle dormir. - C'est pas juste, c'est les aoutres qui m'ont tape et c'est ma qui m'fait engueule. J' m'en fous, j'les rebézere demain souère. - Et pi d'abord, y m'ont pris ma petouère, faudra ben qu'i m'la redoune. En plus, il a un vélo li, et faut que j'vas a pie. c'est pas juste. C'est ben égal, j'vas s'me des mailles dans la rotte et son vélo va kerve. D'abord, j'vas tire les ridiaux d'mon lit et j'vas couche dans le milieu exprès pour beze mon frère. La!

     Quelques principes de construction du gallo : la finalité des mots est très accentuée et modifiée. Les noms dont la terminaison est en "ais" se prononcent en "a" la Dominelais = Dominela. Particularité du "ay" Fougeray = Fougereu. Les terminaisons en "eur" deviennent "eu" ou "ou" porteur = porteu. Les mots en "au" se prononcent comme le "ow" anglais saucisse = sowcisse. les mots en "eau" se prononcent "iau" chapeau = chapiau. On met également un "i" à la place du "l" place= piace, noblesse= nobiesse. On suprime les "i" des mots en "ien" rien= rin. Les mots en "ui" se transforment en "e" nuit= ne. Les "é" et "è" devienennt muets (prononcer eu) cellier= cellieu. Les mots en "oi" se prononcent "a" toi = ta, Les mots en "oir" se prononcent souvent "air" boire= baire mais parfois ils se prononcent "oère" pétoire = pétoère,  coiffe= coeffe. Les syllabes "dr", "br", "gr", "pr" se prononcent der, ber, guer, per et vendredi = venderdi, grenouille= guernouille. Les syllabes finales "tre", "dre" sont escamotées et un litre de cidre se dit "un lit' de cid'". Les conjugaisons sont parfois originales, et le passé composé est amélioré et d'usage courant : aller = j'ailli, tu allis, il allit...

     Quelques mots ou expressions :

Dame si, ou dame veï, dame non = affirmatif, négatif; une "couée de garçailles = un grand nombre d'enfants; "Y fra jamais ren c'ti là = il ne fera jamais rien celui-là; "la chia est crouillée" = la barrière est fermée; "Prend une chaire et siette ta = prend une chaise et assis-toi; "Chome ta, reste pas là comme un bobiau"= lève-toi et ne reste pas là comme un simplet; "le cellieu est pien de baille sans saille = le cellier est plein de boit-sans-soif; "faire merienne = faire la sieste.

     Le climat océanique breton permet nombre d'expressions sur le pronostic du temps :

- Le tonnerre du matin signifie vent, celui de midi pluie; Quand il pleut à la St Médard il pleut quarante jours plus tard. A moins que St Barnabé ne lui coupe l'herbe sous le pied; un halo ou un cercle jaunâtre autour de la lune indique une pluie prochaine; si, à son quatrième jour, on la voit se détacher sur le ciel avec un croissant nettement dessiné, il est probable que le temps sera beau pendant le reste de son cours; quand le ciel est rouge au coucher du soleil, c'est signe de vent pour le lendemain; si les poules et les pigeons ne se mettent pas à l'abri mais étendent les ailes à la première pluie, le mauvais temps ne durera pas; l'hirondelle qui vole haut annonce le beau temps, si elle rase la terre elle annonce la pluie; lorsque le chat est occupé à faire sa toilette, s'il ne se frotte pas le nez c'est signe de beau temps, mais s'il passe la patte par-dessus l'oreille c'est signe de pluie;

     Le MARIAGE en "Pays GALLO"

     Une semaine avant la date du mariage, le jeune homme enterrait sa vie de garçon avec ses camarades, mais la fiancée ne devait pas y participer.

     La cérémonie de mariage elle-même se passait toujours le mardi. "Si on se marie le samedi, on fait gras la veille pour recevoir les invités et on viole les lois de l'Eglise. Le lendemain, qui est un dimanche, on manque la messe....".
     Environ une semaine avant le jour du mariage le premier acte consistait à transporter le fût de cidre, préparé spécialement, vers le lieu du banquet, habituellement chez les parents de la future mariée. La barrique était transportée sur une charrette ornée de fleurs et au son du violon ou de l'accordéon. Ce transport préalable permettait au cidre de se reposer avant que le fût ne soit mis en perce, le mardi suivant. Le dimanche avait lieu l'"agouvreu", c'est-à-dire le transport du trousseau et des meubles au futur domicile des jeunes mariés. Musique et chants étaient de nouveau de la partie. Le lundi, les jeunes et la contrée se réunissaient pour transporter vers le lieu du mariage la vache prévue pour être consommée au banquet ainsi que le matériel loué ou prêté (tables, vaisselle, ..). Les voisins apportaient les chaudières. On dressait les tables sous une tente dans une prairie à proximité de l'habitation des parents de la mariée ou dans une grange. Les voisins amenaient également en cadeau des poulets déjà plumés, du beurre et des gâteaux (des quatre-quarts le plus souvent).

     Pendant la première moitié du XXème siècle, le menu était était souvent : potage de vermicelle, pot-au-feu, rôti de veau, poulet rôti et quatre-quarts. Le cidre était offert à volonté, mais le vin contingenté : un seul verre de vin blanc ou rouge à la fin du repas, et dans lequel les hommes trempaient en général leur gâteau. On concluait ce repas par un café, un peu d'eau-de-vie, une dragée et une cigarette. Ce banquet avait duré plus de trois heures.

Nota AG : "jusqu'en 1956 des verres de vin ou de cidre étaient servis aux enfants dans les cantines scolaires. Le ministre Mendès France, sous le gouvernement de Guy Mollet, fit interdire, par circulaire, la distribution d'alcool aux moins de 14 ans! Dans les lycées, il a fallu attendre 1981, sous le mandat de François Mitterrand, pour appliquer cette interdiction.La consommation de vin et de cidre était autrefois banalisée, signe de force,de virilité initiatique père/fils, boisson des dieux, où seules les fortes consommations étaient dommageables pour la santé. Un homme qui ne boit pas, c'est suspect! Le verre d'alccol a été remplacé par du lait avec du sucre... avec à la clé une campagne dénonçant un appât pour obtenir le vote des fermiers."

     On passait alors au bal. Le violon aura sans doute été un des vecteurs du répertoire d'airs à la mode qui passa des salons aux fêtes rurales. Les derniers violons se turent avant la dernière guerre. Progressivement l'accordéon diatonique se substitua à lui. On disait volontiers "jouer de la bouzine" (vessie) par des "sonnous" qui étaient présents pendant les trois jours du mariage. Le musicien montait sur un fût et jouait en rythmant la cadence avec son talon. On pratiquait les danses à figures (avant-deux, pastourelles, ..) et les danses par couples (polkas, scottishs, ...). Les distractions étaient rares en campagne et il était fréquent que des jeunes du voisinage s'invitent pour les danses, sans rien demander. On les appelait les "chiens de noces"! Le soir venu un autre repas était servi. La messe du lendemain matin de la cérémonie était dite pour les défunts des deux familles. Et c'était ensuite le "retour de noces".... Pour clore le tout, on remettait ça une dernière fois le dimanche suivant, pour une petite fête réservée aux jeunes surtout.

     Il y avait aussi de vrais "mariages de raison", arrangés grâce à des entremetteurs. Ces mariages-là n'étaient pas forcément mal vécus. "L'amitié naît sur l'oreiller" affirmait-on. Mais quand cela se passait moins bien, qu'importe, "Là où la chèvre est attachée, il faut qu'elle broute!", disait-on aussi. Les divorces étaient rarissimes. Il en allait de l'honneur de la famille.


Merci aux deux auteurs des 3 ouvrages qui représentent en tout 510 pages de textes, documents, dessins, illustrations. C'est très riche et d'autant plus difficile la sélection de ces écrits.

Pour consulter "Le Grand Fougeray" Tomes I, II, III : Médiathèque d'Acigné.


Randonnées pédestres

20 000 km d'itinéraires balisés en Bretagne. Pour ce sport le plus pratiqué, en 2023 la région compte 15 830 licenciés, 230 associations et 924 animateurs. Parmi les objectifs : de la visibilité grand public, notamment le GR 34 qui suit le littoral, de saint-Nazaire au Mont-Saint-Michel. La fédération associe des hébergements à ses itinéraires, édite 6 topoguides sur la Bretagne, propose une application mobile, "MaRando" avec 500 parcours, et complète l'offre avec la marche nordique et le longe côte. https://bretagne.ffrandonnee.fr/  www.lamusaraigne.net Acigné


 Plus de soleil en Bretagne qu'en Corse!

Les records d'ensoleillement en Bretagne d'avril 2010 ou/et 2017 seront battus ou approchés en AVRIL 2021 : du 1er au 25 avril, Saint-Cast-le-Guildo 246 heures (moyenne habituelle en avril de 165 heures), seconde place en France après La Rochelle (254 heures); Dinard (238 heures), Rennes (224 heures), Quimper (216 heures), Brest (199 heures) et maintenant : la Corse, Bastia (209 heures) ou Nice (199 heures). www.meteo.bzh 


 L'ABEILLE ...entre 2015 à 2022 - moins 30% en Europe! 

 Juste que dans les années 1980, la France comptait quelque 100 000 apiculteurs. Ils ne sont plus que 70 000 amateurs et 5 000 pluriactifs.Seulement 2 500 professionnels avec en moyenne 200 ruches. Aux Etats-Unis le plus gros possède 60 000 ruches qui servent pour polliniser : apiculture industrielle au service de l'agriculture intensive.

      L'UNAF (Union nationale de l'Apiculture Française) et son porte-parole de Lozère Henri Clément de la revue "Abeilles et fleurs", sensibilise avec des ruchers écoles, la féminisation de la profession, les ruchers en ville ... mais l'abeille doit rester présente sur tout le territoire! Le taux d'extinction est de 100 à 1 000 fois supérieur à la normale à cause

des PESTICIDES, des pratiques agricoles intensives , la monoculture et "l'ABSENCE d'ARBRES et de HAIES". Le "varroa", acarien parasite, affaiblit les ruches comme Le FRELON Asiatique avec 50% de son alimentation en abeilles ,et le VESPA orientalis" occupe Barcelone et Marseille ... Le pire c'est le Dérèglement CLIMATIQUE avec des hivers très doux qui se succèdent. Plus de ruptures, les abeilles continuent à travailler et s'épuisent.Ensuite les gelées tardives sont catastrophiques pour les vignes et les vergers mais aussi pour les abeilles. Les pluies torrentielles s'installent puis de grandes sécheresses qui brûlent les fleurs. Au sud de la Loire, la situation est très mauvaise.

     Jusqu'en 1995, la France produisait 33 000 tonnes de miel par an, en 2021, c'était 10 000 tonnes. Pour sa consommation elle en importe des pays de l'est, de Chine et du Vietnam. Du miel synthétique qui n'a jamais vu une abeille, fabriqué avec du glucose de maïs ou de riz, vendu moins de 2 euros le kilo. Alors qu'en France le coût de revient est d'au moins 6 euros pour une vente entre 13 et 18 euros le kilo.

     Ce petit insecte d'une dixième de gramme, qui existe depuis 80 millions d'années, pose aujourd'hui des questions qui nous concernent tous : quelle agriculture, environnement, alimentation et lien entre l'homme et la nature? Congrès européen à Quimper du 20 au 24 octobre 2022, par Christophe VIOLETTE O.F.

     Un label Breton "Les miels de Bretagne" www.lesmielsdebretagne.fr garantit l'origine 100% bretonne. Avec 623 tonnes produites en 2022, dont 139 tonnes par les apiculteurs professionnels, la Bretagne (9è région productrice française) est loin d'être autosuffisante. Elle importe une partie de son miel, à l'image de la France, qui a acheté, en 2021, deux tiers de sa consommation ... en Ukraine, en Chine et en Espagne. Ce miel importé en Europe serait sujet à du masquage d'origine géographique, d'additifs et de colorants pour adultérer la véritable source botanique, et de sucre pour adultérer le miel.

   BRETAGNE :   3 826 apiculteurs (contre 4 575 en 2021), dont 76 professionnels (plus de 200 ruches) 239 pluriactifs (50 à 200 ruches) et des apiculteurs en loisirs (moins de 50 ruches). 78 652 ruches déclarées en 2022 dont 5 989 appartiennent à des professionnels. 34% des apiculpteurs dans le Finistère, 24% Morbihan. Prix de vente 2022 du miel breton : 16 euros le kilo et 13,30 euros en surfaces.


 LPO (Ligue de Protection des Oiseaux)

Le changement climatique s'ajoute aux activités humaines qui abîment déjà les habitats des oiseaux avec la construction, l'agriculture, la destruction des haies et des zones humides... Il y a un effet combiné car ce sont des zones de reproductions, de halte pour les migrateurs et d'hivernage pour d'autres espèces. Il faut protéger les milieux naturels et humides. Ce qui est bon pour les oiseaux l'est aussi pour tous les animaux, et l'humain... Et le rôle du chat! responsable de la mort de 1,3 à 4 milliards d'oiseaux chaque année. On peut l'éviter en lui mettant un collier spécial anti-prédateurs.

     Février, A vos marques, prêts, comptez! Comme depuis 12 ans, OP week-end pour aider les ornithologues à mieux connaître l'évolution des popultions d'oiseaux communs. Pendant une heure, s'installer dans un jardin, un parc, un balcon, idéalement en fin de matinée ou en début d'après-midi en observant tous les oiseaux dans ce lieu. Pour s'aider à les reconnaître , voir le site internet de l'Observatoire des oiseaux qui dispose de fiches. Il faut transmettre ses données sur ce site. Ainsi,en 2023, 28 186 jardins avaient été observés. LPO Ligue de Protection des Oiseaux et Muséum national d'Histoire naturelle www.mnhn.fr . Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. www.oiseauxdesjardins.fr 


BIODIVERSITé DOMESTIQUE

19 RACES en conservation dans l'Arche de Noé" : poules "Coucou de Rennes, Noire de Janzé, Courte-pattes et gauloise dorée"; canards "Nantais ou de Challans "Marais Breton", l'oie normande; vaches "Bretonnes pie noire, Armoricaine, Froment du Léon", Nantaise"; cheval "Breton", l'âne du "Cotentin"; le porc "Blanc de l'Ouest, de Bayeux"; la chèvre "des Fossés"; le mouton d'Ouessant, des Landes de Bretagne, de Belle-Ile,l'Avranchin. www.ecomusee-rennes-metropole.fr  Pour la FAO, la production animale mondiale repose sur environ 40 espèces. Sur 7 745 races locales de bétail, 26% sont menacées d'extinction...     

NOTA AG / 200.000 kms de haies arrachées!

    O.F. 28/11/23 : Stratégie nationale biodiversité (SNB) 2030, suite à la COP15 Biodiversité décembre 2022 : quarante mesures avec pour objectifs de protéger 30% des terres et des mers, restaurer 30% des écosystèmes dégradés ou réduire de moitié les pesticides. Des exemples : les récifs coralliens d'outre-mer, les mangroves et les herbiers de posidonie en Méditerranée, une protection forte de l'intégralité des glaciers français, un 12ème parc national dédié aux zones humides, résorbation de 94 décharges littorales, la moitié des plages sans plastiques en 2025 puis la totalité en 2030, aides programmes Eau biodiversité, Fonds vert restauration des friches, préservation du milieu aquatique...

     La SNB prévoit de préserver 120 000 hectares par an en divisant par deux la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. Elle veut planter un milliard d'arbres sur dix ans et restaurer les HAIES (+ 50 000 km d'ici 2030) et zones humides (+ 50 000 hectares d'ici à 2026). Avec la Stratégie Ecophyto 2030, réduction de moitié d'utilisation des produits phyto-pharmaceutiques par rapport à 2015-17. 

Entre les années 1960 et 1990 le REMEMBREMENT des parcelles et l'arasement des haies étaient subventionnés afin de faciliter l'accès aux engins agricoles. Encore aujourd'hui la Politique Agricole Commune, en déduisant les haies trop larges et les ilôts d'arbres du calcul de la prime agricole, n'incite pas au maintien du BOCAGE. De plus on ne sait plus entretenir les haies et conserver les ragosses. Les ravageurs de cultures et les mauvaises herbes migrent vers les parcelles cultivées.

     Pourtant les HAIES sont une fabrique d'humus, source d'engrais, un brise-vent, un régulateur de climat, une éponge pour les fossés. Elles limitent l'érosion du sol et le déferlement de boue (comme à Morlaix après le remembrement), et sont une retenue à l'écoulement du lisier jusqu'à la mer, un abri pour les insectivores (crapaud, lézard, merle, coccinelle, mésange, ...). 
     Comme tout est aussi un "retour en arrière", parfois pour le meilleur, certains départements font replanter des HAIES.... pour joindre l'utile et l'agréable!

     O.F. 10/10/23 : "Le linéaire de haies arrachées n'a fait que croître... En 2022, pour 1 km planté, près de 7 km ont été arrachés. Depuis les épisodes de remembrement de 1945, 70% des haies présentes au début du XXè siècle auraient disparu, soit 1,4 million de kms de haies. La perte annuelle moyenne de 10 400 km entre 2006 et 2014 est passée à 23 571 km entre 2017 et 2021, malgré une politique de plantation d'environ 3 000 km par an. Rappel des bénéfices : limitation de l'érosion des sols, meilleure infiltration de l'eau qui limite les risques d'inondations, stockage de carbone, réservoir à biodiversité, ... Cette forêt, dite linéaire, que représentent les haies, est bien plus résiliente aux risques d'incendies liés au réchauffement climatique que les massifs forestiers. Pourquoi ne pas conditionner les aides PAC (Politique agricole commune) à l'évolution du linéaire de haie dans chaque exploitation? par Marc Robin (Loire-Atlantique)

          Terre en bref O.F. 29/4/2023 : La France perd plus de 20 000 km de haies par an! Depuis 1950, 70% des haies ont disparu des bocages français", soit environ 1,4 million de kilomètres, estime le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), dépendant du ministère de l'Agriculture. Le mouvement s'est accéléré avec une perte moyenne annuelle de 23 571 km/an entre 2017 et 2021 contre 10 400 km/an entre 2006 et 2014. En face, la politique de plantation permet de créer environ 3 000 km de haies par an. "Si l'accent est souvent mis sur la création de nouvelles haies, il convient avant tout de mieux protéger le linéaire existant", concluent les auteurs du rapport. Evoquant un "constat très préoccupant", le ministre de l'Agriculture, Marc Fresneau, a indiqué qu'une concertation sera lancée avec la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie "pour construire un pacte en faveur de la haie".


   PAC 2023/2027 : en France, doubler les surfaces en BIO pour atteindre 18% de sa surface agricole; les surfaces des champs seront suivies en temps réel par satellite; Agroécologie avec des éco-régimes, diversification des cultures, couverts végétaux, prairies permanentes, certification environnementale (bio ou Haute valeur environnementale, ...), implantation d'éléments favorables à la biodiversité (HAIES, BOSQUETS, ...) par Yannick Groult O.F. 29/12/22

O.F vendredi 16 janvier 2015 : "...chaque année plus de 400 km de talus sont recréés, 1.200 km sont détruits! "L'avant-projet PAC exclurait les haies et bosquets des surfaces comptant pour les aides. Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a été alerté. Il est évident que les nouvelles règles de verdissement de la Politique Agricole Commune ne doivent pas aller à l'encontre de la protection de l'environnement. Ce serait complètement incohérent."

O.F. 23 mars 2015 : "Démonstration de taille de haies à Balazé.....dans le cadre du programme de plantation "Breizh Bocage" qui a vu la création de 73 kilomètres de haies bocagères depuis 2009." Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 

Le Syndicat du bassin versant Vilaine-Amont-Chevré SYRVA

 Partie VILAINE - AMONT bocage (concernant Acigné) Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Partie Chevré rivière/bocage Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Actions transversales (suivi, com, collectivités) Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Animation agricole Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.  - Coordination Syndicat Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 

  La "maille bocagère" :

  •  les essences de haut jet, conduits sur un seul tronc ou bois nobles (chênes, châtaigniers ou merisiers) exploitables à long terme en bois de sciage.
  • les essences de gainage pour constituer le "rideau bocager", ou bois à énergie exploitable après 15 années (charme, érable champêtre, cornouiller, noisetier).

    Les haies et talus peuvent être identifiés au PLUI (Plan local d'urbanisme intercommunal) et protégés par la loi paysage.

BREIZH bocage fête ses 10 ans et 150 km de haies : le programme régional accompagne les projets de travaux bocagers, car 60% à 80% des haies ont disparu depuis le remembrement des années 1970-1980. Breizh bocage aide à la restauration de haies en accompagnant et finançant des projets de plantation d'exploitants agricoles, collectivités et particuliers. L'entretien annuel est pris en charge pendant trois ans. Nous créons et/ou restaurons 15 km de haies par an. Nous réalisons ausi des BRISE-VENT pour les animaux qui leur procurent de l'ombre et créent un microclimat, une biodiversité essentielle pour les cultures. Les parcelles doivent être de type agricole avec 200 mètres linéaires minimum d'intervention. Les haies sont paillées, avec des copeaux de bois issus du bocage local. La destination des tailles peut concerner des chaudières. Les haies créées sont classées par la Politique agricole commune (PAC) et le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI). Les aides peuvent représenter 100% des frais liés aux travaux. Depuis 2011, 276 personnes en ont bénéficié, pour plus de 150 km de haies. 120 000 euros par an financés à 80% par l'Agence de l'eau, le département, la région, l'Europe et à 20% par la Communauté de communes. O.F. 27/11/2021

     BREIZH BOCAGE : O.F. 14/10/23 : "De nouvelles règles en raison des fortes demandes de projets. Le territoire est divisé en zones prioritaires avec de nouveaux critères : ruissellement rapide des eaux, reconnecter deux éléments bocagers ensemble, ...La volonté est de restaurer le maillage bocager en poursuivant le programme mais aussi en favorisant la regénération naturelle, avec un plan de gestion pérenne et valorisation du bocage obligatoire à la filière bois, cartographie, diagnostics, sensibilisation du grand public... Le nouvel objectif de 10 km, au lieu de 15 km, de travaux de haies par an par Breizh Bocage et un km avec le programme local nécessite un budget annuel de 128 000 euros dont 103 000 euros de subventions Feader, Agence de l'Eau Loire-Bretagne, Région et Département.

O.F. 20/1/2022 : CESSON-SéVIGNé, le maire, Jean-Pierre Savignac, souhaite construire une "ville durable" : PARC PHOTOVOLTAIQUE sur huit hectares près du centre de la Rigourdière. Vers 2025, la production sera de 17% de la consommation domestique d'électricité de la commune. Projet Ecomaterre à Via Silva pour des constructions en "terre crue porteuse" , du VERT, du VERT, du VERT : un PARTENARIAT AVEC LES AGRICULTEURS POUR PLANTER DES HAIES BOCAGERES. 

  Forêts bretonnes

   "En bonne santé mais sous-exploitées" O.F. 16/12/2021 par Olivier Mélennec/ Taux de boisement régional 14% contre une moyenne nationale de 31%. En Bretagne, 90% des superficies boisées appartiennent à 125 000 propriétaires forestiers privés, 93% possèdent moins de 4 hectares. Le top : dans le "privé"  9 000 ha Paimpont-Brocéliande (35/56), 4 000 ha à Lanouée (56/22); le "domanial" d'Etat : la forêt de Rennes avec 2 900 ha. 3/4 des superficies sont en "feuillus" dont une soixantaine d'essences différentes.L'essentiel en chênes "sessiles et pédonculés", puis châtaignier et hêtre. 10% de la surface en "résineux" pin maritime, 4% d'épicéa de Sitka et 3% de douglas. 75% des volumes récoltés proviennent de "résineux". Les "feuillus" de qualité ordinaire en Bretagne sont plus difficiles à transformer et sont moins standardisés.En 2018, la récolte de bois en Bretagne s'élevait à 3% de la récolte nationale. 67 établissements de sciage et fabrication d'emballage en bois emploient 1 200 salariés, dont 60% avec moins de 10 salariés et 17 établissements avec plus de 20 salariés. Source : Agreste Bretagne, mai.

     Chiffres inventaire IGN : la surface agricole bretonne représente 1,6 million d'hectares en 2020; celle de la forêt 450 000, soit 16% de son territoire, 4è région la moins boisée de France. Particularité : 92% de la surface boisée est privée.

  France Nature Environnement rassemble 150 associations bretonnes et 20 000 adhérents. Peu focalisées jusqu'à présent sur la gestion forestière... Elle entend désormais appeler au rôle clé que la forêt peut jouer pour faire face à l'urgence climatique, préserver la biodiversité et les ressources en eau. Pour le Plan régional forêt-bois augmentation de la production période 2019/2029 en diversifiant les essences au maximum et en évitant d'augmenter les prélèvements. Quand on coupe un chêne de 200 ans, on abat un adolescent! Pas de coupes rases, prescrire des plantations dédiées au bois énergie, du bois d'oeuvre, éviter la destruction de la structure des sols. La forêt bretonne, composée de feuillus pour les 3/4, s'accroit un peu du fait de la déprise agricole. Mais, on constate un ralentissement de la croissance en volume, à cause de la sécheresse et des attaques d'insectes et de champignons. Il est question de créer un Observatoire de la forêt et de porter à 10% la surface de forêts protégées. O.F. 9/12/22 par Serge Poirot   

  L'AGROECOLOGIE : discipline scientifique qui rend intelligible le fonctionnement des écosystèmes agricoles: agriculture biologique, agroforesterie et de conservation des sols. La transition agroécologique se fonde sur un usage intensif de la photosynthèse. Ce mécanisme naturel par lequel les végétaux fabriquent leurs tissus avec l'énergie du soleil et le carbone du gaz carbonique de l'atmosphère, deux ressources gratuites et renouvelables. Il faut une couverture végétale verte maximale. On peut penser aux pommiers dans les prairies ou les associations lentilles-céréales. La PERMACULTURE en maraîchage bat tous les records avec, dans la même parcelle, dix espèces différentes... L'eau de pluie doit s'infiltrer dans le sol pour être mise en réserve pour l'été. Plus une goutte ne doit ruisseler, grâce à la plantation des HAIES, à la couverture végétale ou aux techniques de culture sans labour qui favorisent les vers de terre.

     L'alternative aux ENGRAIS est de planter des LEGUMINEUSES, comme les lentilles, les pois chiches ou la luzerne. Elles sont capables d'intercepter l'azote de l'air, lui aussi gratuit et renouvelable, pour constituer les protéines de notre alimentation. Les arbres aussi peuvent être de précieux alliés. Leurs feuilles fertilisent la couche arable. Le bois des rameaux broyés issus de l'élagage des haies fertilise les champs. Associés aux racines, les champignons débusquent les éléments minéraux. Au final, objectif refabriquer de l'humus et ressuciter les insectes. Notre blé à 50 quintaux, s'il ne consomme pas d'entrants chimiques, si les insectes auxiliaires font gratuitement le job et s'il est fertilisé naturellement avec de la luzerne, rapportera plus à l'hectare que du blé à 90 quintaux produit avec des pesticides et des engrais de synthèse.

     Encourageons la TRANSITION AGROECOLOGIQUE en rémunérant les agriculteurs quand ils séquestrent du carbone dans les sols, quand ils plantent des légumineuses ou des haies, quand ils remettent des abeilles, des coccinelles et des mésanges qui s'attaquent aux pucerons. Par Marc DUFUMIER, extraits O.F. 28/4/2021 recueillis par Xavier BONNARDEL.

 

L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE de CONSERVATION (ABC) sans Glyphosate, par Lionel Alletto INRAE Toulouse 

     Les pratiques de l'Agriculture de conservation des sols (ACS) :

- la première est le semis de couverts végétaux entre deux cultures, pour un sol jamais nu. La biomasse produite nourrit la vie du sol.

- La deuxième est la diversification, car éviter qu'une même culture revienne souvent aide à contrôler ses ravageurs associés.

- La troisième est l'arrêt du travail du sol pour préserver la biodiversité souterraine : les outils sont remplacés par l'action des vers de terre. Ce dernier point pêche en agriculture biologique, où le travail du sol sert à désherber.

     L'ACS améliore l'efficience de l'eau : plusieurs effets se cumulent,

- les couverts apportent de la matière organique au sol, qui agit comme une éponge - et stocke du carbone par ailleurs. En outre, la biodiversité crée une macroporosité (galerie de vers de terre) et une microporosité augmentant le réservoir en eau du sol. Grâce à ce réseau de "tuyaux", l'eau ne ruisselle pas en surface mais pénètre efficacement dans le sol quand il pleut. Ce réseau offre aussi aux racines des cultures une capacité d'exploration plus profonde, susceptible de retarder le stress lors des sécheresses.

   La qualité de l'eau : la première cause de déclassement de l'eau est la présence de matières en suspension. En favorisant la structure au sol et l'infiltration de l'eau plutôt que son ruissellement, l'ACS empêche l'érosion, donc les matières en suspension. De plus, les couverts piègent l'azote, limitant ainsi la fuite des nitrates vers les nappes.

    Le point faible de l'ACS est l'usage du glyphosate pour contrôler le salissement des champs, à la place du travail du sol. Nous cherchons des solutions vers une agriculture biologique de conservation (ABC) sans glyphosate. Son temps est d'ailleurs compté en raison de l'apparition de résistances. O.F. 22/12/23 par Nathalie Tiers

"Quand les vaches savourent les feuilles" O.F. 26/11/2021 par Xavier Bonnardel CIVAM Pays de la Loire

"L'arbre peut se révéler une source fourragère complémentaire quand la sécheresse transgorme les prairies en paillassons. Il peut avoir un rôle dans l'autonomie alimentaire des élevages herbagers." selon l'animatrice au CIVAM exemples : " j'ai planté beaucoup d'arbres. Au début c'était surtout pour l'effet brise-vent et apporter de l'ombre aux animaux. Et puis, avec la répétition des sécheresses et des pénuries de fourrage, j'ai facilité l'accès des vaches aux ressources alimentaires procurées par ces arbres avec aujourd'hui 10% du fourrage consommé par les bovins provenant de ces arbres, évitant l'achat de fourrage."/ "Les vaches n'aiment pas trop l'herbe chauffée par le soleil. Elles en mangent moins, mais le volume de lait est toujours le même car elles se tiennent à l'ombre des haies et vont y glaner le complément de fourrage. Ca freine aussi les ronces et ça nettoie les berges. Alimentation et entretien..." Les essences : sureaux, cornouillers, clématite, noisetiers, saules qui peuvent fournir du printemps à l'automne feuilles et écorces à machouiller. Susciter des pousses nouvelles avec de judicieux coups de scie pour placer des branches à hauteur des vaches. Pour les "haut jet" comme les frênes, taille en têtard sur les jeunes sujets, à la perche élagueuse avec récolte annuelle en vert du 15 août au 15 octobre. On peut prévoir le problème manque de temps en mutualisant des broyeurs et lamiers ... Les feuilles et écorces ont des vertus antiparasitaires grâce à leurs tanins et une valeur nutritionnelle avec oligo-éléments, antioxydants et protéines."

Planter les bases d'un "RESEAU ARBRES", rencontres bretonnes de l'arbre à Paimpont avec FIBOIS (Fédé filière régionale bois 12 interprofessions) et BRUDED (partage d'expériences entre collectivités développement durable) : agir avec l'outil arbre pour la biodiversité, qualité eau, énergies renouvelables... Novembre 2021


 Le BIO pourrait nourrir 7 milliards d'humains : O.F. Mercredi 15 novembre 2017

     Joseph POUSSET ingénieur agronome et céréalier dans l'Orne : "chiffres INSEE et Ministère Agriculture consommation annuelle d'un Français : 110 kg de céréales, 47,5 kg pommes de terre, 12,4 kg tomate, 36 kg porc. Rapprochement avec des rendements moyens en agriculture bio. ex : 30 quintaux de blé à l'hectare. D'où surface nécessaire/consommateur : 3,7 ares pour les céréales, 15 ares produits laitiers, 0,04 are pour les carottes, 0,34 are pour le sucre... Résultat : il faut 63,4 ares (6 340m2) pour nourrir un Français, dont 54 ares pour les animaux, 6 ares pour les végétaux et 3,4 ares pour les pertes. Si on généralise l'agriculture bio à 30 millions d'hectares de surface agricole (France) on pourrait nourrir 47,3 des 60 millions d'habitants de France métropolitaine. A l'échelle de la planète, les 4,9 milliards d'hectares consacrées aux cultures et à l'élevage pourraient satisfaire 7 milliards d'habitants. (population mondiale 7,5 milliards d'hab. 01/07/2017)

      Quelques chiffres : 2015 : 51 millions d'hectares bio dans le monde pour 1,1% de la surface agricole. En 2000 : 15 millions d'hectares seulement.  Vente de produits bio dans l'Union européenne entre 2004 et 2015 : on passe de 10 à 28,3 millliards d'euros.

En 2021, on compte 3 345 exploitations BIO en Bretagne. 


UNE EXPERIENCE BIO  avec Gaël AVENEL, céréalier bio à Montmerrei (Orne) : bineuse avec guidage optique pour désherber les herbes non désirées entre les rangs des céréales. Coût 25 000 euros avec l' achat à trois agriculteurs en CUMA. Gaël n'utilise pas d'herbicides comme le GLYPHOSATE. Il pratique le désherbage mécanique. Avec trois tracteurs, une déchaumeuse "dix mètres" qui enfouit ce qui reste de la plante après la récolte, une charrue "douze corps", une herse-étrille, une houe rotative. Il est bien équipé pour nettoyer ses 100 ha (dont 60 ha de qualité médiocre) cultivés en maïs, blé, tournesol, colza, triticale (semences), féverole ou luzerne. "Mes rendements de blé varient de 30 à 50 quintaux par ha et de 45 à 65 quintaux en maïs". Moitié moins qu'un céréalier de la plaine de Caen "mais je vends le blé 400 euros la tonne! contre 157 euros en conventionnel (à fin octobre). Selon le céréalier le glyphosate représente "surtout un gain de temps" pour désherber. Les alternatives sont connues : semer plus tard "car plus on sème tôt, plus on voit lever les mauvaises herbes", établir des rotations longues, faire succéder cultures d'hiver (céréales) et de printemps (maïs) et travailler le sol avec précision. "Après la moisson estivale, je passe trois fois la déchaumeuse cela limite les repousses sans trop perturber les micro et macro-organismes. Et je laboure peu profond, en novembre, avant les semis. Les graines de mauvaises herbes pourissent dans le sol." La herse-étrille et la houe rotative terminent le désherbage entre février et avril. Autant de passages mécaniques qui évitent le recours aux herbicides. "Et avec la bineuse j'espère pouvoir réduire les passages".
     Limiter l'impact carbone? la pratique du labour est accusée par les utilisateurs du glyphosate de déstocker le carbone, en sus de la consommation du tracteur. "Mais nous, on n'a pas recourt aux engrais chimiques. Or, 200 unités d'azote, c'est 1,2 tonne de fioul à l'hectare." calcule Gaël. Entre deux cultures il couvre ses parcelles d'engrais verts : TREFLE, FEVEROLE, MOUTARDE. Ces plantes nourissent le sol en azote et fournissent du foin pour les vaches laitières de son frère installé pas très loin. "J'échange aussi la paille contre du fumier" G.L.D.

         NITRATES : le 18/11/2021, par arrêté préfectoral, un programme régional d'actions s'applique à toute exploitation agricole située dans une des huit baies "ALGUES VERTES". 1°) DIAGNOSTIC d'étanchéité des FOSSES réalisé avant septembre 2024 pour les zones prioritaires et 2026 pour les autres. Renouvelable tous les 10 ans. 2°) SEUILS d'AZOTE à ne pas dépasser; sinon plan d'action en 3 mois. Chaque année, pendant 3 ans, contrôle sur les sols.3°) 10 m de BANDES ENHERBéE ou BOISéE près des COURS d'EAU - contre 5 m initialement - au plus tard 31/12/2022. 4°) LIMITER le SURPâTURAGE avant le 1/9/2025 5°) MéTHANISATION : pas de DéROGATION pour épandre du DIGESTAT quel que soit le lieu du méthanisateur. O.F. 15/01/2022

         Réduire les pesticides ne se décrète pas : l'expérience du plan Ecophyto lancé en 2008 avec 3 000 exploitations agricoles volontaires organisées en 250 groupes Dephy dans l'ensemble des grandes filières (grandes cultures et poly-culture-élevage, vigne, fruits, légumes, ...). Sur une évaluation concernant 170 fermes, l'Indice de Fréquence de Traitement (IFT), soit le nombre de doses appliquées chaque année, est passé de 2 (moyenne triennale avant l'entrée dans le réseau) à 1,74 (2017/18/19), soit une réduction de 14%. La baisse est significative sachant que l'IFT de 2 au départ est de 2,6 au niveau national. Parmi les catégories de traitements (herbicides, insecticides, fongicides) ce sont les HERBICIDES dont les agriculteurs ont le plus de mal à se passer. (1,06 doses par an sur IFT de 1,74, soit baisse de seulement 6%).

     Parmi les solutions testées et parfois adoptées : le désherbage mécanique (BINAGE), l'utilisation d'espèces ou de variétés résistantes aux maladies, l'emploi de produits de BIOCONTRôLE, ainsi que des méthodes plus globales de modification de la ROTATION des cultures. L'implantation de couverts végétaux entre les cultures ou sous les cultures se développe également pour concurrencer les plantes indésirables et éviter le salissement des champs conduisant notamment à l'usage du GLYPHOSATE. Par Nathalie Tiers O.F. 07/01/2022 

       Corriger le PH7 et le REDOX, trouver un antioxydant pour les sols :l'innovation de Tima Agro (Saint-Malo, groupe Roullier, 41 pays, 7 000 salariés) : dans l'alimentation, la parapharmacie, les cosmétiques, les antioxydants sont de saison pour pallier les divers stress et pollutions qui baignent notre environnement. Les sols et les végétaux n'y échappent pas. Depuis 80 ans on sait mesurer et corriger le taux d'acidité des sols. Grâce aux ENGRAIS AZOTéS, on parvient à la valeur optimale pour les végétaux (PH 7). mais il existe un second facteur, le potentiel REDOX des SOLS. C'est-à-dire leur potentiel d'OXYDORéDUCTION éLECTRIQUE, valeur optimale 400 millivolts (mV).   

    Le REDOX est aussi important pour la fertilité des sols que celui du PH (potentiel hydrogène). Il pilote les échanges d'électrons de la plante vers les sols. Après 600 études menées depuis deux ans, on a dressé une carte de France sur les taux de PH et de REDOX : les sols sont moyennement ou fortement OXYDéS un peu partout, de 500 jusqu'à 700 mV à force de nitrates, de labours, de produits phytosanitaires.

     Timac Agro présente une première mondiale avec sa gamme ENERGéO permettant de réguler les deux facteurs de fertilité avec de fins granulés, y compris en bio. Le gain d'absorption des nutriments est multiplié par 1,5 jusqu'à 5, soit + 33% d'activité microbienne et une baisse de 30% des azotes nécessaires; avec une réduction de 13% des gaz à effets de serre. A l'arrivée une croissance multipliée par deux pour les plantes, en prairies rendement accru de 33% et moins d'ajouts d'azote. Avant on corrigeait le PH grâce aux engrais, demain ce sera plus simple avec l'éLECTROCHIMIE. O.F. 29/11/22 par Christophe Violette


     SAFER , livre "HOLD UP sur la terre" de Lucile Leclair. Il dénonce l'accaparement des terres agricoles par de grandes entreprises d'envergure internationale dans l'agroalimentaire et la dermo-cosmétique. L'objectif est double : face à la compétition féroce sur le marché des produits alimentaires et sécuriser leur approvisionnement, acquérir une exploitation agricole, c'est s'assurer de la quantité produite, au niveau de la qualité pouvoir varier la production et s'adapter à l'évolution de la demande des consommateurs.     

     Sur les 26 millions d'hectares de terres agricoles en France, on ne sait quel est le pourcentage détenu par ces groupes car les achats échappent à l'appareil statistique. Ces grands groupes sont composés d'une société mère avec des filiales mais on ne remonte pas forcément au groupe immédiatement à l''image du système bancaire.

     Les SAFER (Sociétés d'Aménagement Foncier et d'établissement Rural), présentes dans chaque département, régulent le marché foncier agricole. Mais, aujourd'hui, cet organe est plus vulnérable que lors de sa création en 1960. Au départ, elles étaient financées à 80% par des fonds publics. A partir des années 1980, ces aides publiques ont diminué jusqu'en 2017 où les SAFER se financent à seulement 2% par de l'argent public, qui provient des Régions et à 8% par des expertises qu'elles mènent avec les collectivités territoriales. Et le reste ce sont les commissions qu'elles touchent sur les ventes! Elles sont juges et parties.

     Les SAFER ne sont pas armées face aux grands groupes. La loi Sempastous leur permet d'intervenir sur les transactions en parts de société (lorsqu'une firme s'associe à un agriculteur, puis rachète peu à peu les parts pour devenir propriétaire). Le texte n'est pas précis pour contrer l'arrivée de ces groupes  et les moyens accordés sont insuffisants. Les ventes se font à huis clos, dans ce parlement où sont représentés les syndicats du monde agricole, les élus des collectivités territoriales et des associations du milieu rural. Rassemblés en collège, ils votent en général une fois par mois en comité technique pour 10 à 20 ventes, validées ou non. Ce comité n'est pas ouvert au public comme un conseil municipal.

     Des agriculteurs proches de la retraite peuvent vendre leurs terres à de grands groupes industriels et garder le silence face à ces transactions, une vraie OMERTA, un malaise des agriculteurs sur ce sujet, qui sont parfois perçus comme des traîtres. Et en même temps, on comprend la difficulté d'un agriculteur qui, à la retraite, touche environ 700 euros par mois en moyenne (pour un indépendant) et qui souhaite avoir un petit bagage.

     Des agriculteurs, ouvriers salariés, travaillent dans ces groupes, pas des indépendants. Ils sont conscients que d'avoir un salaire tous les mois, des vacances, c'est intéressant avec une ferme, sans s'imposer des prêts sur 20 ou 30 ans. Le taux d'endettement a été multiplié par quatre depuis les années 1980. 

     L'un des impacts négatifs c'est la standardisation. Un groupe peut avoir dix fermes qui répondent toutes au même besoin de l'entreprise de produire un produit unique. Certaines produisent du bio mais on s'aperçoit que l'exportation est indissociable du transport international, très coûteux en termes d'énergie. Les SAFER mériteraient d'être modernisées et mieux financées pour assurer leur mission. Avec des arbitrages au niveau national. O.F. Mars 2023 par Antonin Le Bris 

     "SILENCE DANS LES CHAMPS" ouvrage de Nicolas Legendre, prix Albert-Londres

"il y a une omerta dans le monde agricole breton." L'enquête de sept ans décrypte les rouages du système agro-industriel breton à travers 300 témoignages. Ce système, né dans les années 1960 :"nourrir la France et sortir la Bretagne de la misère", semble avoir atteint ses limites aujourd'hui et ne se maintiendrait qu'au prix d'une certaine violence. Fils de paysans bretons ayant grandi à la ferme Nicolas Legendre garde des souvenirs merveilleux mais aussi la fatigue physique et mentale de son père et des inégalités de traitement entre paysans avec un système qui les rémunérait, pas forcément très bien. Il y avait des moments de colère face aux injustices, à une mafia...

     L'agrosystème a nourri un complexe d'infériorité chez les Bretons, comme expliqué par le naturaliste François de Beaulieu. On est passé à un modernisme rapide dans une région en retard dans ses infrastructures. D'autres régions d'Europe et de France avaient choisi des productions à haute valeur ajoutée plutôt que le volume. En Bretagne, plusieurs facteurs de développement arrivent en même temps : le tourisme, les technologies d'information, le tertiaire, ... Dans le bilan global on ne parle que des bénéfices, jamais des coûts. Les algues vertes sont les plus connues, mais aussi la grande histoire du remembrement, cataclysme monumental. C'est un big bang. Les paysages bretons ne ressemblent plus à rien de ce qu'ils étaient. On parle souvent des haies, mais il y avait aussi les landes, les zones humides, les prés-vergers, les prairies... C'est tout un monde qu'on a en grande partie anéanti, dans un silence assourdissant. Rien n'a été documenté. Il y a eu des résistances locales, mais pas de grand mouvement organisé. Il y a des gens qui ont été traumatisés, mais qui ne l'ont pas dit.

     La culture traditionnelle, comme les langues bretonnes, avec cette notion d'ethnocide, incluent des éléments sociétaux, culturels et sociaux. Ce grand bond en avant ratiboise des paysages physiques, mais aussi mentaux. De la même façon qu'avoir une prairie avec des pommiers dedans est considéré comme archaïque et rétrograde, si en plus tu parles breton ou gallo, tu es Néandertal... C'est un tout. Des décisions ont été prises au niveau centralisé, mais il y a eu aussi des Bretons qui ont été moteurs, comme Alexis Gourvennec, pour inciter l'Etat à aller dans ce sens. Le productivisme a bien pris en Bretagne car il y avait un canevas sociétal, porté par l'Eglise notamment, qui a permis de faire tirer tout le monde dans le même sens. Chaque personnage majeur est passé par la Jeunesse agricole catholique, matrice d'idées, de gauche comme de droite, certains à la FNSEA ou ceux qui ont fondé la Confédération paysanne.

     Quant au mal-être paysan, il y en a pour qui ça va bien, et aussi un paysan qui se suicide tous les deux jours en France... On est passé de 370 000 actifs agricoles en Bretagne dans les années 1970 à 50 000 aujourd'hui. La moyenne d'âge est de 50 ans. Il y a une forme de burn out, on est à la fois des victimes et des héros, c'est terrible d'un point de vue mental. Des situations de quasi-esclavage existent avec des paysans pieds et poings liés à une coopérative - qui fournit les bêtes, les aliments, les traitements, et qui achète la production - qui de fait sont des salariés, mais qui portent seuls le poids des emprunts et touchent à peine un Smic. Parfois c'est un asservissement consenti, les coopératives ce sont les paysans qui les ont fondées. Ces coopératives adoptent des fonctionnements de firme internationale avec une gestion complexifiée, des administratifs, des gestionnaires loin du terrain. Certains paysans s'en tirent cependant bien car techniquement meilleurs, avec des capitaux, de bonnes terres, mais aussi parce ce qu'ils ont les bons réseaux, les bonnes connaissances, les bons postes qui font que tout est plus facile pour eux. Le fonctionnement est inégalitaire. La démarche, c'est de ne pas rester seul.

     Il n'y a pas de Riviéra morbihannaise, on est en Bretagne, les gens sont assez pudiques et modestes, néanmoins de grandes fortunes ont été amassées. En soi ce n'est pas un problème, on est un pays où on a le droit d'être riche. Mais d'où vient cet argent? à quel prix et sur le dos de qui il a été gagné? Et passer au bio? bien pour l'eau et les sols, le vivant avec le fait de se passer à moyen terme des pesticides de synthèse. Mais il faut aussi agir sur la technique, l'agronomie, la grande distribution, les transports, la façon dont on consomme, dont on se nourrit. Si on n'agit pas sur tous ces leviers, on ne peut pas changer grand chose.  "Bretons" mai 2023.

     Janvier 2024 : Jean VIARD, sociologue, "Les agriculteurs sont en colère, pas dans une phase de paupérisation accélérée  mais plutôt d'incertitude accélérée. L'agriculture est un métier incertain, gels ou sécheresses, épidémies animales, fluctuations des marchés... Là, on leur rajoute une couche (avec les obligations environnementales croissantes) sans leur préciser l'objectif. Doivent-ils nourrir la France? l'Europe? Accélérer la transition écologique? Néanmoins, c'est un mouvement compliqué : il agrège une colère générale vis-à-vis d'une France et d'une Union européenne bureaucratisées mais avec des modèles complètement différents.

     Il y a plusieurs crises : les viticulteurs bordelais car la consommation de bière ou de rosé est passée devant celle du vin rouge, le modèle de la ferme familiale semble aussi périmé. La majorité  des fermes sont tenues par des entreprise industrielles et capitalistes. En revanche, il y a une extraordinaire solidarité culturelle chez les paysans. Qu'ils gagnent 4 000 ou 800 euros par mois, ils se serrent les coudes et vont dire : nous sommes tous pauvres!" O.F. 26/1/24 par Johan Bescond

 

Bretagne développement innovation : par son président Hugues Meili (et P-DG Niji) Le programme "Agretic" concerne la transformation de l'agriculture et de l'agroalimentaire par des technologies du numérique (machinisme, logiciels). C'est un enjeu majeur pour faire baisser la pénibilité et les durées de travail tout en augmentant la productivité et la rentabilité. L'Europe et la France doivent simplifier les réglementations sans renoncer à l'écoresponsabilité. Il importe de digitaliser et automatiser la collecte des données. Ces paramètres font de l'agriculteur un chef d'entreprise accaparé par la gestion liée au cultiver, élever ou collecter. L'outil numérique s'adresse à la gestion des stocks, des puces pour la détection précoce des maladies, des capteurs pour la surveillance des cultures avec un drone et des satellites pour cartographier l'état des cultures et appliquer la bonne dose de traitement au bon endroit, la régulation de l'hygrométrie, la surveillance de l'usage des prairies... Quand un agriculteur utilise des intrants, il peut les compléter par des solutions technologiques embarquant des capteurs pour observer au plus près l'effet de la substance sur les animaux ou les plantes. Pour la semence, les grands fabricants permettent une utilisation optimale en fonction des sols. On va vers l'immatériel aux dépens de l'hyper matériel. Ce qu'on fait déjà dans la cybersécurité, les énergies renouvelables et l'hydrogène peut , avec l'univers des données, de la data, apporter des solutions aux agriculteurs et pourrait trouver comme financeur la Banque des territoires... O.F. 3/3/2024 par Christel Martineau-Marteel

 

     O.F. 16/11/17 : La Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants , face à l'hostilité grandissante de l'opinion publique, prend acte du fait que manger "responsable" c'est manger bio, labellisé, éthique, local, moins polluant. Elle note aussi que la part des terres françaises dédiées aux légumes a fondu de presque 20% en dix ans, alors que les importations de légumes ont crû de presque 30% dans la même période.... Parmi les solutions mises en avant par le syndicat : la recherche de nouvelles variétés végétales, la robotique, l'agriculture de précision (dosage fin des intrants), le biocontrôle avec triplement des plantes protégées d'ici à 2025 (insectes, méditateurs chimiques, produits végétaux protecteurs des cultures), l'adaptation des pratiques agronomiques. 

  O.F 18/01/2020 : "Le Grenelle de l'environnement en 2008 avait fixé une réduction de 50% des PESTICIDES en 2018. On a échoué, à cause des lobbies de l'agrobusiness qui ont supprimé toute mesure contraignante.... D'accord pour arrêter le glyphosate, mais par quoi le remplace-t-on et avec quels moyens?..." L'agronome Marc Dufumier, expert aux Nations Unies et à la Banque mondiale, a une solution, qui a déclenché un tonnerre d'applaudissements : "Et si on rémunérait nos agriculteurs pour services rendus à l'environnement? Donnons leur les moyens de faire cette nouvelle révolution technique qui permettra de capter l'énergie du soleil, de séquestrer le gaz carbonique, par exemple en plantant des haies, pour ressusciter les abeilles." L'agronome, professeur à Paris Tech, propose de réorienter 1,6 milliard des 9 milliards de la Pac européenne pour changer radicalement de modèle.

     Ce qui permettrait "d'économiser l'argent dépensé aujourd'hui pour la dépollution des sols et des eaux." renchérit Jacques Caplat, agronome et co-auteur avec Pierre Rabhi de "L'agroécologie, une éthique de vie".


Le BOCAGE, un héritage à sauvegarder / Colloque Eau et rivières de Bretagne, Lannion 19/11/2021 par Lucille Inizan : "le bocage est un paysage rural façonné par l'homme où les champs et les prés sont enclos et bordés de haies. Son apparition est assez récente. C'est au XVIè siècle que le bocage a commencé à remplacer le paysage de champs ouverts, sans haie ni clôture, jusque-là prédominant. Il s'agit alors d'éviter que le bétail n'aille détruire les cultures. Dans l'ouest, ce paysage présente la particularité d'êre constitué de HAIES sur TALUS. Le bocage s'est progressivement étendu. Puis il a fortement regressé à partir de la deuxième partie du XXè siècle avec l'essor de la mécanisation de l'agriculture et le remembrement. On estime que les deux tiers des haies de Bretagne ont disparu depuis 1960. En 2015, il n'en restait que 115 000 kilomètres, selon l'Office français de la biodiversité. Le bocage continue à regresser. 2  000 kilomètres de haies disparaissent encore chaque année, soit parce qu'elles sont arrachées sans autorisation, soit parce qu'elles sont abandonnées ou mal entretenues. Les collectivités ont réagi. La Bretagne est la SEULE REGION de France où il existe un PROGRAMME de REPLANTATION, "BREIZH BOCAGE". On constate cependant que l'on replante surtout des HAIES à PLAT, et non des HAIES sur TALUS.

     La disparition des haies et des talus favorise l'EROSION DES SOLS en cas de fortes pluies. Les particules de terre et les POLLUANTS sont entraînés dans les COURS d'EAU. Cela a un impact important sur la QUALITE de l'EAU et la biodiversité aquatique. Les alluvions (dépôts) colmatent le fond des rivières où se situent les FRAYERES, les zones de REPRODUCTION des poissons, des batraciens ou des mollusques. Les apports de sédiments entraînent aussi l'ENVASEMENT des ESTUAIRES, avec des effets sur la vie aquatique en mer et, en particulier, la CONCHYCULTURE. Cela sans parler d'autres conséquences négatives pour la biodiversité comme l'effondrement des populations d'OISEAUX. O.F. Olivier MELENNEC 

  Septembre 2022 : la Bretagne est la seule région qui n'a pas perdu un kilomètre de HAIES en trois ans!     

                 70% des HAIES ont disparu des bocages français depuis 1950 : 2021, année de la haie? urgence! L'Office français de la biodiversité en a fait sa cause de l'année et le gouvernement y consacrera 50 millions d'euros.  

PLANTONS DES HAIES,  7 000 km de nouvelles haies et alignements d'arbres intraparcellaires (2021/2022).

On détruit encore 11 200 km de haies par an. Et il faut au minimum une trentaine d'années pour qu'une haie rende de vrais services éco-systémiques. Conserver l'existant doit être la priorité et une meilleure gestion des nouvelles, la suivante. Des chercheurs de l'INRAE approuvent dans une étude publiée en décembre 2020 : la capacité de stockage de carbone additionnel des haies anciennes peut atteindre 4,2 TC pour 100 mètres linéaires, contre 2,2 TC pour les jeunes (fourchette haute), avec problèmes pour l'habitat des hérissons, sansonnets, ... voulant se loger dans les jeunes plants.

     Un exemple intéressant d'un éleveur laitier et cidriculteur d'Athis-de-l'Orne, Christophe Davy : à la mi-décembre, il a fait planter 2,5 kilomètres de haies bocagères par une association d'insertion de Flers, subventionnée à 60% par le conseil départemental de l'Orne. Des arbres de haut jet comme le HETRE ou le CHENE sessile, entourés d'arbustes, comme le NOISETIER ou le CHARME, eux-mêmes suivis d'essences intermédiaires, tel le CHATAIGNIER ou le BOULEAU verruqueux. Objectif : créer un microclimat pour protéger les animaux et les pâtures des puissantes bourrasques et du soleil. La HAIE est le "couteau suisse" : maintien de la biodiversité, lutte contre la sécheresse et l'érosion, stockage de carbone." Idée : nourrir les bêtes avec les feuilles des arbres, parmi une dizaine d'essences d'arbres comme le MURIER blanc, à forte valeur alimentaire et peu gourmand en eau. Les HAIES fournissent de l'ombre aux vaches, attirent une multitude d'insectes, d'oiseaux et de champignons qui font vivre le bocage. Entre 1972 et 2012, le département de l'Orne a perdu près de 48% de ses linéaires de haies, soit plus de 560 km.

     L'efficacité des professionnels de la HAIE se perd dans un dédale administratif typiquement français. Les programmes HAIES dépendent tantôt du département ou de la Région, tantôt du ministère de l'Agriculture ou d'un organisme lié à l'environnement, tel l'Office français de la diodiversité. Des appels d'offre finissent par échapper aux plus motivés. En Bretagne, où un SEUL ORGANISME "BREIZH BOCAGE"  gère ce dossier, on admet que le "bilan attendu le 11 février ne sera pas celui espéré", redoute le responsable Pascal Renault. A la décharge des élus bretons, il y a le manque de police environnementale sur laquelle la Région n'a pas la main. La notion de "déplacement", qui cache un mauvais troc -la SUPRESSION D'UNE HAIE UTILE CONTRE DES PLANTATIONS qui porteront tardivement leurs fruits - n'est pas assez sanctionnée.

     La semaine dernière, l'eurodéputé écologiste Antoine Budeau, regrettait la "gestion amateur" de la France sur ce dossier, pour lequel l'Union européenne dépense des centaines de milliers d'euros, depuis des années, tout comme les collectivités. POUR UN SOLDE QUI RESTE NEGATIF. O.F. 8/2/2021 Emmanuelle François/Chistelle Guibert

     6 km de haies servant pour chauffer sa maison et fabriquer de la litière pour ses vaches : à Ecommoy dans la Sarthe, Anthony Vasseur produit entre 100 à 200 m3 de "plaquettes forestières" par an. De quoi chauffer son habitation de plus de 200m2 et fournir son cheptel en litière. Ayant repris la ferme de son père, il dispose de haies buissonnières "multistrates" : les arbres de haut jet (plusieurs dizaines de mètres), comme les érables et merisiers, dominent, tandis qu'à hauteur d'homme, les pruniers, charmilles et noisetiers comblent le coeur de ces vertes clôtures, absolument impénétrables l'été. Si les arbres en bonne santé sont laissés intacts, d'autres, notamment en bordure de rivière, sont coupés court à tour de rôle. Branches, troncs et souches sont ensuite déchiquetés par un prestataire, moyennant un coût estimé à 1 300 euros par an. Ensuite, direction la chaudière ou l'étable. "Je m'en sers comme litière, première couche en copeaux puis un mille-feuille en alternant un peu de paille", explique l'éleveur d'une trentaine de vaches laitières. "Ca chauffe moins que si je ne mettais que de la paille et c'est plus drainant". Lors de l'épandage du fumier, l'agriculteur bio pourra restituer dans ses champs le carbone de ses propres arbres, sans acheter de la paille à l'extérieur de sa ferme. Le troupeau, qui pâture dix mois sur douze, apprécie ces haies nourricières, qui servent autant de brise-vent que de parasols.

     Le Haut conseil pour le climat indique que les haies font partie des pratiques agronomiques permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le Pacte actuel pour la haie vise un gain net de 50 000 km entre 2020 et 2030, le double de ce que l'on perd en une seule année. Mais, les haies perdent du terrain à cause du déclin de l'élevage. O.F. 10/3/24 par Claire Robin


      LES AGRICULTEURS SOUTENUS POUR RECONQUERIR LES HAIES : Mérillac (22) Fédération départementale des chasseurs + Breizh Bocage. Au "Rocher" de Mérillac la source de la "RANCE" n'est qu'à une quinzaine de kilomètres. Elle grouille de truites, de loutres et de vie sauvage, abritée par des haies imposantes et touffues. Sur ses 152 ha, dont 90 ha d'herbe, depuis deux générations, Wilfrid Perquis prête une grande attention à la BIODIVERSITé : sous-bois, taillis, ronciers, 16 km de haies ne le gênent pas pour conduire son troupeau de 70 vaches laitières et 35 limousines. Cependant le broutage et le piétinement des vaches menaçaient son bocage très dense. Alors, David Rolland, spécialiste de la gestion de la BIODIVERSITé, chargé de mission par la fédération départementale des CHASSEURS, est venu pour établir un audit avec 163 tronçons de haies analysées selon 34 critères (volume de bois, essences, âge, ...) Puis il en a tiré tous les services rendus par ces haies : production de bois, préservation des eaux, des sols, ombres et abris pour les troupeaux. 

   TALUS avec BREIZH Bocage qui existe depuis 2011 mais les actions de protection des bocages ont démarré dès 2001.Chaque année 15 km de talus sont créés, freinant l'érosion.Ils sont soutenus financièrement. La réception des dossiers se termine en mai, leur étude en juin, la création des talus en octobre et les plantations en février.

         suite Wilfrid :  Mieux, avec l'aide du programme BREIZH BOCAGE, 5 km de jeunes HAIES supplémentaires ont été plantées, sans que Wilfrid ne débourse un centime. Au bout de 3 ans la charge de l'entretien de ces haies, devenues vaillantes, lui revient. David lui indique aussi les travaux à mener dans les 5 ans et les moins urgents dans les 15 ans. Ces 5 jours d'audit valant environ 1 500 euros sont pris en charge par l'AFAC ("Fonds pour l'arbre" ) , la Fondation Yves Rocher et le programme TRAM . Le Fonds pour l'ARBRE veut accompagner chaque année 3 000 agriculteurs pour gérer durablement 6 000 km de haies (sous le label National haie) et planter 950 km de haies à l'échelle de la France. O.F. 2/9/2021 par Christophe Violette

   Une FORMATION à la taille des arbres et des haies : permettre aux agriculteurs et particuliers propriétaires de parcelles agricoles d'apprendre à tailler leurs haies pour les valoriser avec transformation en bois d'oeuvre et en bois de chauffage. Vallons de Haute Bretagne, Val d'Anast et CBB 35 auront permis cette journée chez Bertrand Paumier avec Emeline Halais. Chez Maud, la haie plantée il y a trois ans avec notamment des MERISIERS avait besoin d'une bonne taille avant que les défauts de pousse soient irrécupérables, par exemple sa rectitude pour du bois d'oeuvre. On a aussi abordé le choix des outils, la période à prioriser pour la taille et les différentes techniques.O.F. 6/3/2023

Méthaniseurs : le département d'Ille et Vilaine, doté de 41 sites, vise à produire près d'un tiers de gaz local d'ici 2030. Selon Daniel Colin, directeur territorial Bretagne à GRDF, 8% du gaz consommé dans le département est produit à partir de méthaniseurs. Avec la dizaine en constructions, on devrait être entre 15 et 18% de gaz renouvelable d'ici 2027. Au niveau français, la stratégie est de multiplier par quatre la production de gaz local d'ici 2030.

     Source d'énergie locale, la méthanisation est souvent pointée du doigt car les agriculteurs seraient tentés de produire des cultures destinées à l'énergie - au détriment de l'alimentation. Pour le responsable GRDF "la priorité reste la souveraineté alimentaire. En moyenne, en Bretagne, on a seulement 6% des intrants de méthanisation qui sont issus de cultures, alors que la loi autorise jusqu'à 15%. La Bretagne compte 80 méthaniseurs, avec en moyenne une vingtaine d'hectares de cultures par site de production. Ce n'est presque rien, on est loin de manquer de surfaces et la méthanisation n'utilise que très peu d'espaces. Il met en avant une énergie peu carbonée qui permet de diviser par dix les émissions de CO2 par rapportaux énergies fossiles. Et qui permet aussi de créer un gain économique sur le territoire. 70% de la richesse créée reste en local.

     Dernier en date celui de Maen Roch avec 14 agriculteurs peut digérer chaque année 24 000 tonnes d'effluents d'élevage, de déchets de culture et de végétaux, qu'il transforme en méthane injecté dans le réseau de GRDF et consommé localement. Il produira chaque année 10,7 GWh, soit l'équivalent de la consommation annuelle en gaz de 1 800 foyers. O.F. 5/12/23 par Paul Grisot


      Qualité de l'eau : 3% des masses d'eau d'Ille-et-Vilaine sont classées en "bon état" écologique"; à cela s'ajoutent les fuites d'eau usées d'un réseau de tuyaux vieillissant dans le sous-sol... Il faut rétablir la bonne qualité des milieux aquatiques, donc celle de l'eau potable et de la protection de la biodiversité... Le renouvellement du réseau doit se faire en moyenne tous les 80 ans. Au rythme actuel, il faudrait environ 400 ans pour changer l'ensemble des 1 600 km de canalisations. Il faut également anticiper l'augmentation de 410 000 à 500 000 habitants dans la métropole rennaise en 2035. O.F. 17/12/2021

    Selon l'Observatoire de l'Environnement en Bretagne - août 2022 - "La Bretagne présente une particularité du fait de la nature granitique de son sous-sol. Son approvisionnement en eau potable est assuré à 23% seulement par les eaux souterraines, les 77% restants étant issus des eaux superficielles (cours d'eau et retenues), à l'inverse du reste du territoire national".


 En Ille-et-Vilaine, seulement 2% des cours d'eau en "bon état" alors que le Finistère est à 61% en bon état! Les Pays européens se sont engagés en 2000 à atteindre 100% des eaux en "bon état" à l'horizon 2027, mais "71% des masses d'eau de surface risquent de ne pas atteindre ce bon état en Bretagne, ce dès 2026" selon l'Observatoire de l'Environnement en Bretagne. Première cause : les PESTICIDES pour 57% des masses d'eau de surface. Autre facteur de cette mauvaise qualité : la morphologie des cours d'eau avec des BARRAGES qui dégradent l'environnement aquatique naturel. Ils favorisent l'accumulation de sédiment.O.F. février 2023 par Laurie Musset

               Eau fil de l'Yaigne, l'association de Domloup (35) est arrivée à l'entrée de Nouvoitou, après cinq années de restauration des 4,2 km de la petite rivière. "Ces zones regorgent de biodiverité qu'il est possible de protéger par de simples actions : laissons un vieux tronc couché au sol, il sert d'abri à de nombreuses espèces. Un roncier est un refuge pour les mésanges et hérissons, une zone humide entourée d'arbustes assure la survie de grenouilles et autres reptiles, suggère Jean-Jacques Auché. Le milieu naturel est la zone de vie de nombreuses espèces (chevreuils, rapaces, oiseaux, amphibiens, ...). L'Homme n'y est qu'un invité, tant qu'il respecte les buissons, les arbres, l'eau.


          RIVIèRES AbîMéES : "en rendant les cours d'eau DROITS, on a réduit leur longueur et diminué la capacité d'auto-épuration des rivières, d'où ces 3% des eaux de surface en bon état écologique! Les MéANDRES, en ralentissant le trajet de l'eau, la soumettent à l'action du soleil, des bactéries, des végétaux du sol, ... ce qui permet de dégrader une partie des polluants. En rectifiant les cours d'eau et en drainant les zones humides, on a aussi réduit la capacité d'infiltration de l'eau dans le sol , et donc de recharge des nappes souterraines. D'où un risque accru de sécheresse, mais aussi d'inondations dans les villes en hiver. En Bretagne, comme ailleurs, elles ont souvent été construites près de zones de confluences. Or, avec des bassins-versants artificialisés qui font augmenter le débit des cours d'eau et des sols trop imperméabilisés (parkings, routes, ...) qui réduisent la capacité d'infiltration de l'eau, on augmente le risque de crues en aval. Mikaël Le Bihan, OFB (Office Français de la Biodiversité) direction Bretagne. et : "il y a des endroits où ça coince àla sortie des inustries et beaucoup de communes qui ont des stations d'épuration sous dimensionnée alors qu'elles comptent de plus en plus d'habitants et d'entreprises." Jérémy Grandière, président de la Fédération pour la pêche et la protection des milieux aquatiques du 35 O.F. 24/3/2023 par Karin Cherloneix

         POLLUTION DES COURS D'EAU : Seules 34% des masses d'eau superficielles sont en bon état écologique en Bretagne selon l'Agence de l'eau Loire-Bretagne. C'est mieux que dans les Pays de la Loire 11%, mais moins bien que la moyenne nationale à 40%. La Bretagne demeure la région la plus concernée par les NITRATES avec 100% de sa surface classée en zone vulnérable et 8 BAIES affectées par les ALGUES VERTES.   Zone vulnérable : teneur en nitrates supérieure à 18 mg par litre dans les eaux de surface, c'est-à-dire les cours d'eau et les retenues qui alimentent en eau potable 75% de la population bretonne. Une eau dont la teneur en nitrates dépasse 50 mg/l n'est pas potable. BRETAGNE EAU PURE, Plans d'actions régionaux NITRATES, PROLITTORAL, Plans de lutte contre les algues vertes... ont porté leurs fruits. La teneur en NITRATES dans les cours d'eau a baissé période 1995-2020 de plus de 50 mg/l en moyenne à 32,1 mg/l en 2020!

        Les NITRATES rejetés dans l'eau en Bretagne proviennent à plus de 90% de l'agriculture (engrais minéraux et effluents d'élevage). Il s'agit de la forme la plus oxydée de l'azote, minéral ou organique, utilisé pour FERTILISER les cultures. La partie des nitrates non consommée par les cultures reste présente dans le sol. Les eaux de pluie, en ruisselant ou en s'infiltrant peuvent entrainer ces nitrates vers les cours d'eau et les nappes phréathiques. Ce risque est élevé quand la végétation est au repos ou absente, en automne et en hiver. L'Agence de l'eau Loire-Bretagne estime que les pollutions dues aux nitrates exercent une pression sur 12% des masses d'eau de surface en Bretagne, moins que les PESTICIDES 57% ou le PHOSPHORE 15%.  Stocké dans les sédiments, le phosphore contribue comme les nitrates au développement des algues vertes. Il favorise également la prolifération des cyanobactéries dans les plans d'eau. Il provient des déjections animales mais aussi des eaux usées. La défaillance des réseaux d'assainissement pourrait ainsi expliquer la prolifération d'algues vertes sur les vasières du Morbihan. L'usage des PESTICIDES en Bretagne pour traiter les cultures est moins massif que dans les régions de grandes cultures (blé, betterave) ou de viticulture. Malgré tout, la contamination des eaux brutes de surface par les pesticides en Bretagne est généralisée : pesticides ou leurs résidus métabolites sont détectés dans 99% des analyses. Préoccupant car pouvant affecter la santé humaine et la biodiversité. Et le TRAITEMENT DE L'EAU ne permet pas toujours d'éliminer ces substances chimiques. En 2021, la présence d'un métabolite du S-métalochlore, un HERBICIDE utilisé dans la culture du maïs, était avérée dans l'eau du robinet distribuée dans 690 communes bretonnes.

 Le CONSEIL RéGIONAL de Bretagne s'est fixé l'objectif "Zéro PESTICIDE" l'horizon 2040. André Sergent, président de la chambre régionale d'agriculture de Bretagne, estime que "les directives NITRATES ont obligé la profession agricole à s'engager par rapport à la qualité de l'eau. L'ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire, nous interdit l'usage de plusieurs molécules tous les ans. ...Si on enlève tout moyen de traiter les cultures, on arrête de produire. Voyez ce qui se passe pour la betterave dans le nord de la France..."

     Arnaud Clugery, directeur EAU ET RIVIèRES de Bretagne, signale que la culture qui valorise le mieux l'AZOTE, c'est-à-dire qui en pompe le plus, c'est la PRAIRIE. A l'inverse, l'ASSOLEMENT le plus problématique, c'est celui qui n'a pas une présence continue à l'année, l'ASSOLEMENT CéRéALIER maïs-blé ou maïs-orge, qui vient plutôt nourrir les animaux granivores, les porcs et les volailles.... Le problème, depuis 2015, c'est que ça ne bouge plus. La lutte contre les fuites d'azote a atteint ses limites. Tant qu'on ne touchera pas à la question des effectifs, de la quantité d'animaux produits, et donc de la nourriture qui rentre en Bretagne, on n'atteindra pas les objectifs environnementaux que l'Europe nous a asignés. Il faut travailler sur les systèmes de production. En soutenant l'éLEVAGE BOVIN pour avoir moins de céréales et plus de prairies. Il faut encourager l'AGRICULTURE BIOLOGIQUE parce qu'elle se passe d'AZOTE MINéRAL. Il faut TAXER l'AZOTE minéral pour réduire son usage. O.F. 24 mars 2023 par Olivier Mélennec

Fabriquer une HAIE SèCHE (ou nom inventeur Benjes) à la ferme : "c'est un joli abri pour la faune  qui peut aller jusqu'à 50 cm de large. Cette haie consiste à monter très rapidement un muret de branchages de bois mort, de feuilles mortes, de racines, ou de déchets de désherbage et de tonte, retenus horizontalement entre des piquets, qui servent de cadre, enfoncés dans le sol. C'est un abri pour les insectes, de gîte pour les petits mammifères et autres auxiliaires utiles au jardin, mais aussi de couvert pour les oiseaux qui peuvent y nicher et se reproduire. La haie sèche fait obstacle au vent et à la pluie, participant à un micoclimat favorable aux cultures du potager. On peut y ajouter des boutures de saule et de noisetier." expliquent les propriétaires de la ferme des trognes, Bel Air en Tresboeuf (35) contact@les trognes.fr 

700 000 Bretons, soit 21% de la population, boivent une eau polluée. L'eau potable est menacée par les PESTICIDES "présents dans les eaux superficielles, en particulier les HERBICIDES S-Métolachlore et Prosulfocarbe (ce dernier, de par son extrême volatilité, contamine des cultures jusqu'à 1,5 km de distance avec des risques de déclassement BIO). Se fondant sur un bilan établi à la mi-novembre par l'Agence régionale de la santé, "Eau et Rivières" et le Réseau des agriculteurs bio de Bretagne pointent du doigt ces désherbants utilisés sur le maïs, les céréales et les légumes, l'un au printemps, l'autre à l'automne, qui contaminent eau superficielle comme souterraine, air, sol.Les herbicides sont les plus utilisés derrière le glyphosate. o.f. 23/12/2021 par Franck Jourdain

        Les ALGUES, c'est le FUTUR pour la sécurité alimentaire.Elles représentent un tiers des productions aquacoles mondiales. Nous avons une grande marge de manoeuvre en Europe. En BRETAGNE, des usines de productions et de transformations y sont installées depuis plus de soixante ans. Cosmétiques marines Lessonia à St Thonan près de Brest ou produits gélifiants. Groupe important : ROULLIER à Saint-Malo. Outre l'alimentaire et la santé, les agriculteurs pourraient faire des algues leurs alliées. : limiter les engrais ou pesticides, grâce à leurs propriétés biostimulantes. Philippe POTIN, directeur de la station biologique de ROSCOFF pilote la coalition mondiale de recherche avec 70 ingénieurs, chercheurs, techniciens ... O.F. 20/11/2021 Gaëlle Colin     

    70% des algues françaises viennent de "Molène" (Finistère), refuge face au réchauffement climatique. En 2019, les dix premiers employeurs industriels de la filière algues dans le Finistère comptaient 5 651 salariés. Les algues récoltées PAR BATEAU représentent 94% avec 55 000 à 70 000 tonnes cueillies, surtout dans le Finistère-Nord. Ces algues sont vendues aux deux usines Algala, de Lannilis, et JRS, de la Forest-Landerneau, où elles sont transformées en épaississants et gélifiants pour de nombreux secteurs : industriel, agroalimentaire, pharmaceutique, cosmétique ... Les "algues de rive", récoltées à pied et sur l'estran, représentent environ 6% du gisement exploité. Elles deviennent des stimulants pour les plantes, de la nutrition animale ou finissent dans nos assiettes (entreprises de Lesconil, Roscoff ou Rosporden) avec 3 600 tonnes récoltées en 2019. Prélèvement ne dépassant pas 20% du gisement disponible car les algues absorbent le CO2 et créent des habitats pour les espèces marines. La filière est en pleine expansion. Aussi 7 sociétés sont déclarées en "culture" dont Algoslekoà Loctudy (150 tonnes en 2021). On est passé d'un prix moyen inférieur à 3 000 euros la tonne fraîche à près de 4 000 euros la tonne. C'est 100 fois plus que pour les algues embarquées! O.F. 13/12/2021 par Eloïse Levesque

 Les VERS de TERRE, alliés de la transition agricole. Ils stockent le carbone des sols et participent donc à la baisse des gaz à effet de serre. En creusant des galeries, ils permettent à l'eau de s'infiltrer dans le sol et participent à l'y retenir, pour la redistribuer aux plantes. Grâce à leurs déjections (petits tortillons de terre à la surface du sol), les vers créent également une rugosité du sol qui réduit la vitesse du ruissellement de l'eau lors de fortes pluies, donc de l'érosion des sols. Ils sont les "laboureurs des sols", ils brassent la matière organique en la digérant, participent à nourrir les plantes en leur distribuant azote, carbone et phosphore. Le tout en collaboration avec les micro-organismes que sont les bactéries et champignons. Tout ce travail permet d'augmenter les rendements agricoles de 25%, d'améliorer la qualité de l'eau en la filtrant et de la retenir dans les sols pour la préserver. Les PESTICIDES les mettent à mal, mais aussi le fait de RETOURNER LA TERRE, chaque année, comme on peut également le faire en BIO. Un ver de terre COUPE EN DEUX ne fera jamais deux vers de terre... entretien avec Guénola PERES, Institut Agro Rennes-Angers  Virginie ENEE OF 15/7/2022

  "Voilà 50 ans, au début des années 1970, on comptait 5 tonnes de vers de terre par hectare, contre 50 kg au début des années 2020..." Olmix biostimulants

   LE LIN un passé plein d'avenir : la France cultive 80% du lin mondial, 99% sont filés en Chine et en Europe de l'Est. Des filatures se lancent en Alsace, Normandie et dans le Nord, soutenues, entre autres, par la Coopérative Terre de lin qui assure 15% du teillage mondial (séparation de la fibre et de la paille). L'usine a besoin de 800 tonnes pour fonctionner. On parle aussi d'une filature dans le pays de Morlaix. Des agriculteurs du Finistère vont semer 500 ha l'an prochain; dans le Morbihan un producteur sème 270 ha, sachant que 500 ha sont nécessaires pour 775 tonnes, soit 600 tonnes de fil. On pense également à d'autres fibres comme l'artichaut, le genêt, l'ortie...

   Le retour de l'économie du lin présente une avancée écologique appréciable en raison de sa faible consommation d'eau, qui permet de se satisfaire de l'eau de pluie, de la capacité à absorber le CO2 (3,7 tonnes/an par ha). On arrive à tout utiliser, c'est une démarche vers l'objectif zéro plastique. Des débouchés : emballage, textile tissé, lin technique... par Monique Le Treut et Paul Guéguéniat "Le Peuple Breton" 

   Le CHANVRE : La France est le premier producteur de chanvre en Europe et le troisième au niveau mondial avec 37% des surfaces européennes et 22 000 ha cultivés en 2022 par 1 500 agriculteurs. Alors que sa culture avait presque disparu dans les années 1960, la filière est en pleine reconquête. "Les surfaces ont été multipliées par trois en dix ans. On s'attend à ce qu'elles doublent d'ici à cinq ans." analyse le président Interchanvre. Les débouchés : industries du bâtiment, mais aussi textile. Proche du lin, cette plante est l'une des plus écologiques avec un impact environnemental cinq à huit fois plus faible que le coton. Il n'a besoin d'aucun pesticide ni d'irrigation. Il ne représente que 0,1% des matières premières pour fabriquer les vêtements contre 30% pour le coton et 69% pour les fibres synthétiques. La marge de développement est considérable. Le fil provient de chanvrières, Cavac, Planète chanvre, Eurochanvre. Pour la filature un consortium français est en projet pour relocaliser de Turquie vers la France. O.F. 16/1/23 par Fanette Bon - Noyal/Vilaine a été à l'avant-garde depuis de nombreuses années avec une association oeuvrant pour le chanvre.


    ENERGIE : par Yves Salaün, DREAL Bretagne (Direction Régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement): l'avenir du mix énergétique, de la décarbonisation de l'énergie, adapter notre consommation pour la neutralité carbone, satisfaire nos besoins en électricité tout en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles, mettre en oeuvre et financer notre transition énergétique...

     La Bretagne ne couvre que 19% de ses besoins en électricité. Du fait de sa situation péninsulaire, la Bretagne se trouve en bout de réseau. Si on veut conserver nos entreprises et re-localiser des industries, il faut être capable d'assurer leur alimentation électrique de manière fiable.Il faut ausssi assurer aux ménages de bonnes conditions car il en va de la cohésion sociale. Avec le Pacte électrique breton de 2010, on a installé une centrale fonctionnant au gaz à Landivisiau (29). En Bretagne, les besoins en électricité augmentent en raison de sa croissance démographique.

     L'un des atouts de la Bretagne c'est le VENT. Notre région présente le deuxième potentiel éolien régional après l'Occitanie. Aujourd'hui, l'éOLIEN TERRESTRE représente 50% de l'électricité produite en Bretagne. Le potentiel est encore plus grand EN MER qu'à terre. Autre particularité bretonne, c'est son potentiel en BIOGAZ du fait du développement de l'élevage intensif. O.F. 9/12/22 par Olivier Mélennec

     O.F. 7/11/2023 : "L'éolien est trop lent en France : on n'était qu'à 80% de la puissance prévue fin 2022 avec 20,9 GW, ce qui oblige l'achat de compensations auprès d'Etats plus avancés et expose de plus à des sanctions financières de Bruxelles. Les causes : éloignement des maisons, des radars civils et militares, ... seulement 20% du territoire est disponible pour l'éolien. Pour renouveler les anciennes éoliennes, rien ne dit dans les textes que celles situées à moins de 500 mètres d'une habitation pourront être remplacées par des modèles plus puissants. La planification spaciale fait défaut à terre et en mer. Ily a un manque d'agilité de l'Etat, des effectifs de fonctionnaires insuffisants... Rapport Cour des comptes. Par André Thomas

     Et la FILIèRE HYDROGèNE : la Bretagne s'inspire du Japon (Toyota et Kawasaki) pour une filière d'excellence du futur dans l'hydogène marin, totalement décarboné et renouvelable.Avec la construction de 10 boucles locales avec production, stockage et distribution d'hydrogène, dont 3 ou 4 sur les écosystèmes portuaires : bateaux transports passagers, prises de quais, groupes électrogènes, grues, barges, bateaux petites pêche, aquaculture, ainsi que bus, camions, ordures ménagères. Sites de production à partir de l'électricité produite par les éoliennes FLOTTANTES en baie de Saint-Brieuc et Belle-Ile-en-Mer... Eventuel partenariat Ademe France et Nedo japonais... 9/12/22 par Christel Marteel

 Electricité renouvelable : 29,1% de la couverture de la consommation de France métropolitaine au 2ème trimestre 2021, contre 25,5% sur un an. Soit une augmentation de 6% sur ces 12 derniers mois: sur le dernier trimestre, parc Hydro-électrique 15,6 TWh, Eolien 8,1 TWh,Photovoltaïque 4,9 TWh, Bioénergie électrique 1,9 TWh. 

 Eolien en MER : la CHINE explose les chiffres de l'éolien offshore en 2021:gigantisme à la chinoise avec une capacité de production d'éolien en mer de 16,9 gigawatts. Elle détrône ainsi le Royaume-Uni (2 225 éoliennes en mer en 2019) et la France (1 éolienne en mer en 2019 au Croisic pour 2 MW!). 

 D'ici à 2030 les Etats-Unis veulent installer sept grands parcs éoliens sur les côtes Est et Ouest pour 30 GW, soit l'équivalent énergie pour 10 millions de foyers et on annonce pour 240 GW d'éoliennes en mer dans le monde! la France avec ses 20 000 km de côtes devrait alors exploiter 17 parcs, soit 700 éoliennes pour une capacité de 10 GW (équivalence 5 centrales nucléaires)

   Energies marines renouvelables (EMR) : Avec ses 2 730 km de côtes (îles comprises), ses vents réguliers et ses marées puissantes, la BRETAGNE fait figure de terre promise : EOLIEN en mer POSé et FLOTTANT (qui récupère l'énergie du vent), l'HYDROLIEN (des courants) et l'HOULOMOTEUR (des vagues). Objetif pour la Région de produire EMR 35% de sa consommation d'énergie d'ici 2030. Actuellement le barrage de la Rance et son usine marémotrice fournissent pour 225 000 habitants. Pour 2023, le parc des 62 éoliennes "posées" en baie de Saint-Brieuc doit permettre de produire 9% de la consommation bretonne. Les parcs éoliens flottants sont prévus au large de Belle-Ile et de Groix vers 2028. L'hydrolien serait vers Ouessant et l'houlomoteur en rade de Brest. L'éolien flottant permet des installations en grandes profondeurs (jusqu'à 200 m) et loin des côtes où le vent est plus fort (80 à 100 km au large). A terre une éolienne atteint un ratio de production de 22%, posée en mer 40 à 45%, flottant 50 à 60%. O.F. 2/4/2022 par Julia Toussaint

80 éOLIENNES au large de Saint-Nazaire : ce parc offshore a été mis en service le 23/11/22 par EDF.Elles produisent 20% de la consommation annuelle de Loire-Atlantique (700 000 habitants).

     Décembre 2023 : 62 éoliennes à 16 km du Cap Fréhel (22), 207 mètres au-dessus de la mer, Equivalent consommation de 835 000 habitants. Impacts : nuisances sonores sur des espèces. Les marsoins peuvent partir jusqu'à 20 km mais reviennent une fois les installations terminées. Arrêts préconisés des éoliennes pendant les périodes de migrations des oiseaux. Dessous fonds marins : effet du récif artificiel, un monde se recrée , anémones, arthropodes filtreurs, moules, macro-algues. Ces micro-organismes sont un nouveau garde-manger pour les plus gros poissons qui sont alors plus nombreux (cabillauds, tacauds) et attirent d'autres prédateurs. Près de 50% des espèces qui colonisent les turbines ne sont pas indigènes. Dans la Manche, la pêche y sera autorisée. On envisage de déployer 50 parcs au large de nos côtes françaises pour 2050. O.F. 13/11/23 par Gaëlle Colin

 EOLIEN EN MER : une opportunité à saisir (6/7 nov 2021 ) par Guy Robert (Calvados) article O.F. fin août : "La France, en dépit de son deuxième plus grand parc maritime de la planète, ne possède encore aucun parc éolien offshore en activité. Le Royaume-Uni est lui leader mondial." Selon l'Agence internationale de l'énergie, les éoliennes marines, posées et flottantes, deviendront, en 2050, la plus grosse source de production d'électricité en Europe, devant l'éolien terrestre, le nucléaire et le photovoltaïque.". L'AIE estime même que leur potentiel mondial de développement est si vaste qu'elles pourraient produire 18 fois la consommation actuelle d'électricité. ...Déni de campagne actuelle en faveur du nucléaire, en contradiction avec l'enfouissement des déchets nucléaires et des combustibles irradiés prévu à Bure (Meuse). Ce ne seront pas 2 ou 3 générations qui seront menacées, mais 1000, car le plutonium 239 prend son temps et il lui faudra 24 000 ans pour réduire sa nocivité de moitié.

           EOLIEN en mer (édito O.F. 15/9/21) : Les premiers projets éoliens en mer ont été annoncés en 2011. Depuis cette date, les retards s'accumulent : complexité de nos dossiers d'instruction et difficultés comme souvent en France à construire un consensus. ex : Erquy (22). Fin 2019, le Royaume-uni avait déjà installé 2 225 éoliennes en mer, l'Allemagne 1469, Pays-Bas et Belgique 500 chacun, le Danemark 559 et la France une seule au Croisic! La France, jamais avare de grandes promesses, annonce maintenant vouloir produire 25% de son électricité à partir d'éoliennes en mer en 2050, soit près de 50 gigawatts installés. A relativiser cependant, le Royaume Uni pourrait avoir installé 40 gigawatts de capacité dès 2030... L'Europe veut déployer 300 gigawatts à partir de l'éolien en mer d'ici 2050. Une transformation en profondeur de notre modèle énergétique quand on sait que les 58 réacteurs nucléaires français ont une puissance de 63,1 gigawatts.

  Energies renouvelables, Nucléaire : www.guide-electricite-verte.fr et www.edf.fr 

      en 2019, le monde a encore battu un record en raccordant aux réseaux pour 300 milliards de dollars, avec une capacité d'énergies renouvelables de 184 GW dont : 60 GW d'éolien (coûts en baisse de 40%) et 98 GW de solaire (coûts en baisse de 82%). Pour le photovoltaïque, la Chine et les Etats-Unis ont assuré 60% des nouveaux parcs.Durant l'année 2020, l'immense Chine a ajouté 71,67 GW de capacité éolienne. Quant au coût du nucléaire,il augmente de 26%! A l'arrivée, pour sortir rapidement du fossile, le monde mise sur les énergies renouvelables. L'Union européenne veut multiplier par vingt-cinq sa capacité d'EOLIEN EN MER en 2050. Grâce aux Danois Orsted, Vestas Wind Systems et l'équipe germano-espagnole Siemens Gamesa Renewable Energy (SGRE) qui écrasent la concurrence sur l'éolien en mer, le renouvelable le plus efficace. Mais les Américains, guidés par la réussite de General Electric, devraient rapidement faire leur retard.

       La France avait des champions, comme Alstom à Saint-Nazaire ou DCNS à Cherbourg. Ils se sont épuisés par manque de soutien national. Résultat : en 2020, la France ne dispose que d'une seule éolienne off-shore, au large du Croisic.Notre voisin, le Royaume-Uni, en possède 2 225!!! Aussi, c'est massivement qu'un fleuron français, Total, investit ses billes vertes, soudain pressé d'obtenir 35 GW de renouvelables en 2025...

       Le Nucléaire continue de décliner dans le monde. Si l'effervescence française donne l'impression contraire, l'industrie nucléaire, grevée par ses retards et ses surcoûts, recule. Source indépendante des Etats et entreprises, le récent rapport du World Nuclear Industry Status Report indique que que les investissements dans les renouvelables, hors barrages hydroélectriques, ont atteint 495 milliards de dollars, soit 14 fois plus que dans le nucléaire. Depuis 20 ans on compte 105 fermetures de réacteurs pour 99 mises en service, dont 49 en Chine. Mi-2023 c'est 407 réacteurs en activité, 31 de moins qu'en 2002.

     La production du nucléaire a chuté de 4% en 2022 et sa part dans l'électricité mondiale est tombée à moins de 10%, au plus bas depuis 40 ans. En revanche, le solaire et l'éolien dépassent désormais les 12%.Le nucléaire peut coûter jusqu'à 4 fois plus cher que l'éolien terrestre de par l'allongement des chantiers. Les 8 réacteurs livrés en Chine entre 2020 et 2022 a pris 6,5 ans, mais les 7 réacteurs livrés dans le monde en 2022 ont pris 9 ans. EDF promet de livrer ses EPR2 en 105 mois (près de 9 ans) pour 8,6 milliards pièce; les EPR Royaume Uni et Etats-Unis en Géorgie 18,5 et 16,2 pièce..O.F. 7/12/23 par André Thomas

     Le nucléaire en France : 2021, 70% de notre électricité; Thermique à flamme 8%, Hydraulique 11%, Eolien 6%, Solaire 2%, Bioénergies 2%; 2035, 50% et 2050, entre 0 et 50%! géré par RTE, gestionnaire du réseau de transport, filiale à 51% d'EDF.La projection pour 2050 est de faire progresser la production d'électricité de 470 térawattheures à 630. Ses 58 réacteurs ont été construits en 25 ans et 27 conçus pour fonctionner 30 ans, qui doivent passer l'examen des 40 ans dans les cinq prochaines années. Ce 25/2/2021, l'Autorité de Sûreté Nucléaire autorise la prolongation de 32 réacteurs de 900 MW qui devront se plier à la visite des 40 ans. Des travaux seront à prévoir : rendre plus robustes les réacteurs face aux agressions, inondations, incendies, séismes, canicules, ... et améliorer la sûreté de la piscine de refroidissement du combustible, accolée à chaque réacteur. Il s'agit d'éviter les risques de découvrement et d'échauffement des barres combustibles en cas d'accident ou d'agression externe (comme une chute d'aéronef). L'objectif est d'ajouter un système d'alimentation en eau supplémentaire et indépendant. Enfin, installation d'un récupérateur de corium sous le réacteur en cas de fusion du coeur avec épaississement du radier (dalle de béton) ou évacuation de la chaleur en dehors de l'enceinte.

          EDF, numéro 1 mondial de l'atome, 164 000 salariés, 69 milliards de CA, résultat net faible et 40 milliards de dettes; sa branche dédiée aux énergies renouvelables pourrait lui être arrachée par la Commission européenne, soucieuse de préserver un concurrence loyale : EDF c'est 56 réacteurs en France, 15 au Royaume Uni et 2 en Chine. En France, il est prévu la fermeture de 14 réacteurs d'ici 2035, dont 4 à 6 d'ici à 2028. Il n'y a aucun gage pour la commande de 6 EPR, pour 45 milliards d'euros. Le 8 décembre dernier, seule annonce avec le choix de la propulsion nucléaire pour le prochain porte-avions de la Marine.L'EPR français coûtera sans doute 18 milliards (3,3 fois que le devis initial) . Il faudra également rattrapper un retard dans la mise aux normes "Fukushima" de toutes les centrales,le démantelement de Fessenheim, le problème très complexe de 6 réacteurs graphite-gaz arrêtés entre 1973 et 1994 et pour lesquels EDF ne veut s'en occuper qu'après 2070!

           L'EPR de Flamanville, dans la Manche? 100 soudures du circuit secondaire sont concernées par des écarts! EDF a prévu de réparer certaines de ces soudures et de justifier le maintien en état des autres... A ce stade, 8 soudures concernées dans la traversée de l'enceinte de confinement, les plus délicates à réparer compte tenu des conditions d'accès. Modes envisagés : robot télé-opéré, traitement thermique, contrôles, ... Sur le circuit secondaire, 7 soudures sur une cinquantaine ont été faites. Les opérations sur le circuit vapeur vont se poursuivre jusqu'à l'été. Puis la tuyauterie d'alimentation en eau jusqu'à début 2022. Il ne faut pas de mauvaises surprises, il n'y a plus de marge de manoeuvre pour la mise en service de l'EPR. C'est au Creusot qu'ont été réalisés les éléments défectueux et des dizaines de pièces non conformes dont les documents de contrôle ont été falsifiés!

          Et les DECHETS? le prochain plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR 2021-2025) devra décider des solutions produisant des effets pour 2035-2040. Sinon il n'y aura pas de solution sûre pour un stockage ultime. Leur volume augmente et les capacités de stockage actuelles sont saturées dans l'usine de retraitement Orano de La Hague.  Pour les déchets de haute activité à vie longue, un projet de l'Andra se situe à Bure, dans la Meuse, avec un stockage en couche géologique profonde.Mais il n'y a pas de feu vert et les critiques viennent de l'Autorité environnementale.

      Un rapport de l'Agence internationale de l'énergie et de RTE confirme des études antérieures du Cired, de l'Ademe et de Négawatt que l'on peut se passer totalement du nucléaire. Comment? avec un FORT développement des panneaux solaires, des éoliennes terrestres et marines, d'une adaptation du réseau et de l'installation d'équipements stabilisant la production. Le démantelement du parc nucléaire pourrait devenir un cauchemar : nouveau rapport automne 2021, pile pour la campagne présidentielle.

       Un exemple en Asie : la Corée du Sud, 52 millions d'habitants, veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37% d'ici à 2030 et devenir neutre en carbone vers 2050. Investissement 54 milliards d'euros. Projet phare? de l'énergie éolienne offshore pour 8,2 GW, soit l'équivalent de 6 centrales nucléaires..

Articles O.F. 25/02/2021 Christelle Guibert, Louis Palligiano, André Thomas et Philippe Mirkovic.                  

RECYCLER, la botte secrète contre le réchauffement. l'ONG "Terre Sacrée" a mesuré les dates d'extinction de matières premières :

  •  2030 plomb, 2039 cuivre, 2040 uranium, 2048 nickel, 2050 pétrole, 2072 gaz naturel, 2087 fer (base de l'acier), 2120 cobalt, 2139 aluminium, 2158 charbon
  • Les dates butoirs des métaux rares ou précieux sont encore plus proches : déjà épuisées terbium et hafnium, vers 2025/26 argent, moins de cinquante ans pour l'or, indium, tantale et platine.   
  • Les besoins pour l'industrie française? ceux qui sont utilisés pour la transition énergétique et qui vont être multipliés par 20 à 30 d'ici 2030 : nickel, cobalt, lithium et graphite. On passe de l'ère du pétrole à celle des métaux. Le RECYCLAGE est indispensable pour des raisons environnementales et pour sécuriser nos approvisionnements, mais il ne sera pas suffisant. Le recyclage des batteries se met en place : multiplié par 10 dans les 10 ans. Mais, même en 2030, la filière estime que 10% seulement de la demande en cobalt proviendra du recyclage. Il faut développer de nouveaux projets miniers détenus et opérés par des acteurs européens, même hors d'Europe.

     Les nouvelles obligations fixées par Bruxelles, sur les batteries par exemple, vont accélérer la mise en place d'une filière intégrée. Nous avons toutes les compétences en France et en Europe pour devenir leaders du marché. La France a des spécialistes prometteurs, comme Eramet pour le nickel et le lithium, Carester pour le recyclage des terres rares, une filière dédiée au recyclage du titane a aussi été développée. O.F. 17/03/2021 André Thomas          

     40% des déchets mondiaux sont brûlés à ciel ouvert avec un taux de "circularité" de seulement 8,6% en 2020. Si on doublait ce taux en consommant moins d'énergie et d'objets, en le faisant durer plus longtemps, en recyclant davantage les produits usagés et les débris de construction, "The Circle Economy" assure que les émissions mondiales de CO2 chuteraient à la moitié du niveau actuel dans 12 ans et à 0 en 2044. Le réchauffement serait ainsi tenu sous la barre des 2°C comme le préconise l'Accord de Paris.


RESEAU BRUDED : "Les élus parlent aux élus". Depuis 2005 un réseau d'entraide sert à accélérer "l'INNOVATION ENVIRONNEMENTALE" avec une quinzaine de communes rurales : impulsion Daniel Cueff (Langouët 35), Serge Moëlo (Silfiac 56) et Charles-Edouard Fichet (Saint-Brieuc-de-Mauron 56). Mars 2022, le réseau compte 253 communes et intercommunalités dans les cinq départements de la Bretagne historique. Les élus s'inspirent des belles réussites dans la redynamisation des bourgs, les énergies renouvelables, l'écoconstruction ou la participation citoyenne, à travers des retours d'expérience.  Bruded compte neuf salariés, dont sept chargés de projet, de plus en plus sollicités même au-delà de la Bretagne. O.F. Thibaud Grasland

Cette rubrique regroupe le collectage des deux danses qui représentent Acigné :

  • l'Aéroplane d'Acigné et le Moulinet d'Acigné.
  • Un bonus "la Valse à Roger" (Valse écossaise)
  • Les vidéos réalisées par Alfred BERTIN et Michel LELIEVRE du Vidéo Club de Cesson en 2014.

Clic sur Vidéo Aéroplane par Christian Hamon. L' "Aéroplane" est une danse en cortège de couples. Les hommes sont placés à gauche de leur cavalière. Les mains droites se tiennent non pas dans le dos de la cavalière mais au-dessus de son épaule droite.Cette position rappelle les ailes d'un avion! d'où le nom de la danse parfois annoncées  "Aréolplane"...et qui peut être jouée façon "jâze". Important : on part du pied droit. Ne pas confondre avec l'autre "Aéroplane de Saint-Péran".

N'hésitez pas à aller sur www.nozbreizh.fr pour découvrir 4 variantes musicales de l'"Aéroplane d'Acigné" 

Clic sur Vidéo Moulinet par Termen (Thierry, Martine, Thierry, Roger et Hubert)

Clic sur Vidéo Moulinet chanté par Dans'Meize (Daniel, Didier et Gilles)

Le "Moulinet" est une contredanse, sans doute partie d'un quadrille...

On danse par 8, 2 couples face à 2 couples. Par couples on ne se tient pas les mains. L'homme est à gauche et la femme à droite.

  • Première partie : avant-quatre : 8 temps, tout le monde avance et recule au pas marché; 8 temps, on traverse en se croisant épaule droite et en se retournant sur la droite; 2 temps d'arrêt. A faire 2 fois.
  • Deuxième partie : chanteur : "Moulinet pour les hommes (ou les femmes, les coeffs', etc...) qui viennent au milieu en s'accrochant 2 par 2 en se donnant la main droite. On tourne en 16 temps en marchant avec la main gauche sur la hanche. Chanteur "Accrochez": les femmes (ou les hommes) accrochent un cavalier (ou cavalière) en passant leur bras droit dans le bras gauche. 16 temps.
  • Troisième partie : Chanteur "Balançez" on se met en couple avec son partenaire du moulin et on tourne, position valse, en pas de polka.
  • Quatrième partie : Chanteur "A vos places" temps d'arrêt musical : les danseurs retrouvent leur place de départ; on continue de même....

Vidéo de la "Valse à Roger" par Termen  (Valse écossaise)

Video complète : Moulinet/Aeroplane/Valse à Roger

     1 - La Bretagne au temps des "Carolingiens" et de Nominoë/Erispoë au IXème siècle, Alain Barbetorte au Xème siècle

     2 - Pierre Mauclerc au XIIIème siècle et les "Hermines bretonnes"et 1379 Jean IV "An Alarc'h"

     3 - François II, la Bataille de St Aubin du Cormier (1488) et le devenir d'Anne de Bretagne

   4- Acigné et la Duchesse Anne de Bretagne

     5 - La "Malédiction" du château d'Acigné, enquête avec des hypothèses

     6 - La légende du roi Arthur  et "Les légendes arthuriennes : une histoire politique du XIIè siècle" 

          Fabliaux,  Chrétien de Troyes, le Roman de Renart, la Chanson de Roland - Centre de l'Imaginaire Arthurien/Comper 56

          

                                                                                                     -=0&0=-

                                                            Périodes transitoires entre Romains et Royaume de Bretagne (383 à 690). L'ARMORIQUE après l'invasion des Romains 52 av JC (Jules César, ...) : version la plus "élargie" des hypothèses issues de 5 sources, Goeffroy de Monmouth, Pierre de Baud, Alain Bouchard, Bertrand d'Argentré et Dom Morice:     Conan Mériadec 383-421, Gradlon 392-405 ou 435-445, Salomon Ier 405-435, Aldrien 445-464, Erec ou Guérec 464-472, Eusébius 472-490, Budic 422-509, Hoël le Grand 448-545 (.../...), Hoël II 505-560, Alain Ier 547-560,    Hoël III 593-640, Judicaël ou Salomon II 612-660, Alain II Le Grand (ou Long) 638-690       

  Doutes sur la généalogie selon des écrits du XIè siècle, Dol de Bretagne, précisant seulement les noms de Riwal, Gradlon, Daniel Drem Rud, Judicaël et l'Abbaye de Landévennec : Riwall, Gradlon. Conan Mériadec n'y est pas cité mais il est attesté comme neveu d'Octavius dans Historia regum Britanniae. 

     septembre 851 : création du Royaume de Bretagne par Erispoë , fils de Nominoë, suite à la bataille de JENGLAND (Beslé, à l'est de Redon).

     863/867 : Nominoë s'étant déjà aventuré dans le Loir-et-Cher pour y mourir en 851, Salomon agrandira la Bretagne avec l'apport de l'Anjou, l'Avranchin, le Cotentin, le Maine et la Touraine (Traités d'Entrammes et Compiègne avec Charles le Chauve).

     952 : à la mort du dernier roi de Bretagne, Alain Barbe-Torte, on assiste à une anarchie durant deux siècles entre Nantes, Rennes et Cornouaille.

  1166 : les Anglo-Normands Plantagenets, dont Henri II époux d'Aliénor d'Aquitaine, Richard Coeur de Lion, ... seront les maîtres de la Bretagne jusqu'en 1213 (Mauclerc). Guerre de Succession, Traité de Guérande en 1365, Jean IV puis son fils Jean V le Sage en 1399 ". 

    1491 : Anne, fille du dernier duc de Bretagne, épouse Charles VIII, roi de France. Leurs quatre enfants ne survivent pas et le roi se tue accidentellement à 28 ans. 1499 : Anne épouse Louis XII, roi de France. Sur quatre enfants, seule leur fille Claude survit, laquelle épousera en 1514 François d'Angoulême, le futur François Ier.

     1532 : le 13 août, l'Edit d'Union au Royaume de France est ratifié par le Parlement de Vannes. 1536, mort du dauphin, fils de François Ier et de Claude de France, dernier duc couronné de Bretagne sous le nom de François III. On parle ensuite d'une longue période dite de l'"âge d'or" jusqu'en 1675. "Pendant cette période florissante la Bretagne était la seule province française où l'on pouvait changer n'importe quelle somme de numéraire, dans n'importe quel village. Plus de la moitié de la richesse mobilière française était aux mains des Bretons, marchands ou banquiers, Vitréens ou Léonards, opérant à l'étranger; notamment sur la péninsule ibérique gorgée de l'or des Amériques. Le Duc de Bretagne, François II, et la famille de Rohan, héritière du richissime Olivier de Clisson, étaient l'un comme l'autre plus riche que le roi de France." Claude Champaud "A jamais la Bretagne" 

Territoires et limites géographiques : selon Pierre de BAUD, aumônier de la Duchesse Anne de Bretagne au XVème siècle: "La Bretagne a ses limites immuables car enracinées dans l'immémorial, ses frontières naturelles déterminées par les fleuves du Couesnon, de Sélune (Nota : vers St Hilaire-du-Harcouêt Manche), de Mayenne et de Loire au-delà desquels le Breton est en exil."

     ERISPOE, fils de NOMINOE, se nommera en 851 "Prince de Bretagne et jusqu'au fleuve de Mayenne". Nos deux romanciers Balzac et Hugo désignent les départements de l'Ouest sous le nom de "Vendée". Dans les "Chouans", Balzac : "...Marche-à-Terre, du Pays des gars... en étendant sa rude et large main vers Ernée, là est le Maine, et là finit la Bretagne..."Victor Hugo : 1836 lettre : "il y a dix villes comme cela en Bretagne , Vitré, Sainte-Suzanne, Mayenne, Dinan, Lamballe, (Lassay) etc."Quatre-Vingt Treize" : "Passer la Loire était impossible à la Vendée. Elle pouvait tout, excepté cette enjambée... Passer la Loire tue La Rochejaquelein".  Il faut aussi noter avec Balzac "le secret de la guerre des chouans,les haies et les échaliers: construire ces clôtures formidables dont les permanents obstacles rendent le pays imprenable, et la guerre des masses impossible.  Alors se révèle l'insuccès nécessaire d'une lutte entre des troupes régulières et des partisans; car cinq cents hommes peuvent défier les troupes d'un royaume....c'était des Sauvages qui servaient Dieu et le roi, à la manière dont les Mohicans font la guerre."

     1 - La Bretagne au temps des "Carolingiens" et de NOMINOE/ERISPOE - Alain BARBETORTE au Xè siècle

     Au début du IXè siècle le Carolingien Louis Le Pieux, "lassé de ne pouvoir contenir les Bretons", "s'appuie" sur le comte de Vannes Nominoë, prince inconnu alors, en le nommant "missus" en 825. A la mort de l'Empereur en 840 le Royaume franc est partagé entre l'aîné Lothaire et Charles, né d'un second mariage.Les querelles des deux frères profitent à Nominoë qui se sent dégagé de son serment et décide de faire "cavalier seul" en Bretagne et au-delà. A compter de 843, Charles le Chauve, roi de Francie occidentale, monte trois vaines expéditions contre les Bretons.

 Nominoë et les Rois de Bretagne, une série  réalisée par Olivier Caillebot, conseiller scientifique Jean-Jacques Monnier

  • Episode 1Nominoé et les rois de Bretagne 
  • Episode 2. Cap sur Redon et son abbaye. Bains-sur-Oust : futur mémorial avec Georges Migaud Délégué de la fondation du Patrimoine pour le Pays de Redon, Louis Appéry Président de “Pouellgor gouel Ballon”, John Morzadec et Antoine Martel “Frériens”.
  • Episode 3. Dans ce troisième volet, l'Historien Frédéric Morvan et Georges Migaud délégué du patrimoine du pays de Redon, mettent en lumière la gouvernance de la Bretagne au 10 ème siècle.
  • Episode 4Ce quatrième épisode nous entraîne près d'Auxerre, à Fontenoy-en-Puisaye, lieu de la bataille qui déclencha la partition en trois entités de l'Empire de Charlemagne avec des répercussions sur l'équilibre des forces en Bretagne.

 Parmi celles-ci le 22 août 845 : la bataille de Ballon, lieu situé en Bains-sur-Oust (marais de Baen) au nord de Redon (Ros ou Roton); d'après la "Chronique de Réginon de Prüm. L'alliance de Charles Le Chauve et de son frère Louis Le Germanique explique la présence de mercenaires saxons sur la première ligne du front.

     "Les Bretons prennent les armes,violent les frontières du royaume des Francs et s'avancent jusqu'aux environs de Poitiers, semant partout le meurtre, le pillage, l'incendie, puis rentrent chez eux chargés d'un immense butin. Pour réprimer cette insolente audace, Charles à la tête d'une grande armée entre en Bretagne et livre bataille aux Bretons. Les troupes saxonnes, que le roi avait soudoyées pour soutenir les attaques rapides et les retours à l'improviste de la cavalerie bretonne, sont placées en première ligne. Mais dès la première charge des Bretons et dès leur première volée de javelots, les Saxons vont se cacher derrière les autres troupes.

     Les Bretons, selon leur coutume et montant des chevaux dressés à ce genre de combat, courent de côté et d'autre. Tantôt ils donnent impétueusement, avec toutes leurs forces, dans la masse serrée des bataillons francs et les criblent de leurs javelots; tantôt ils font mine de fuir, et les ennemis lancés à leur poursuite n'en reçoivent pas moins leurs traits en pleine poitrine. Accoutumés à combattre de près lance contre lance, les francs restent immobiles, frappés d'étonnement, effrayés de ce nouveau péril qui leur était inconnu; ils ne sont point équipés pour poursuivre ces troupes légères, et s'ils les attendent rangés en ligne serrée, ils n'ont contre leurs coups aucun abri.

     La nuit interrompit la bataille. Les Francs avaient beaucoup de morts, un plus grand nombre de blessés, une foule énorme de chevaux hors de combat. Le jour suivant, la lutte recommence et s'achève pour les Francs par un désastre encore pire. Ecrasé par une immense terreur, le roi s'enfuit au milieu de la nuit à l'insu de son armée, laissant là son pavillon, sa tente, tous ses ornements royaux.

     Le lendemain matin, en apprenant la fuite du roi, l'armée est prise de panique et ne songe qu'à l'imiter. Les Bretons se jettent sur les Francs avec de grands cris, envahissent le camp tout pleins de richesses et y font un grand butin. En même temps ils poursuivent les fuyards, tuent ou font prisonniers tous ceux qu'ils peuvent rejoindre; les autres se sauvent à toutes jambes. Ainsi enrichis des dépouilles des Francs et munis de leurs armes, les Bretons rentrent dans leurs foyers."

Nota : BALLON "Pays Gallo" : acte fondateur de la Bretagne indépendante... De nos jours l'association "Poellgor Gouel Ballon" souhaite ériger un mémorial sur le lieu de bataille. Les plans d'une oeuvre d'art, imaginée par Jean-Pierre BAUDU de l'agence Fouet Cocher, sont prêts. Des sponsors se sont engagés (dont les frères Guillemot de Carentoir, le Conseil régional, ...) 

    Après la mort soudaine de Nominoë à Vendôme  le 7 mars 851 son fils Erispöé inflige à Charles le Chauve (le 22 août) une nouvelle défaite à Jengland, sur la rive gauche de la "Vilaine" après trois jours de bataille acharnée. Erispoë se nommera "prince de la Bretagne et jusqu'au fleuve de Mayenne" avec cette phrase en breton : "Doué zo en nenv,ha tiern é breizh" (il y a Dieu au ciel, et un chef en Bretagne). En septembre 851 la rencontre d'Angers scelle la paix entre Erispoë et Charles le Chauve. "On peut considérer ce traité comme l'acte de naissance de la Bretagne", selon l'historien brestois Joël Cornette. Ancien territoire "Pictons",  le sud Loire "Pays de Retz" est rattaché à la Bretagne.

     "L'an 857, Erispoë fut tué par Salomon et Alcmar, Bretons comme lui, avec lesquels il était en désaccord. Ils l'attaquèrent lâchement et, usant de ruse, ils le tuèrent sur l'autel tandis qu'il invoquait la protection de Dieu. Salomon, saisissant la couronne, objet de son ambition criminelle, la plaça sur sa tête." Annales de Saint Bertin

     En 874, la conspiration de son gendre Pacweten et Gurvant ,gendre d'Erispoë, aboutira à la mort de Salomon. Période d'instabilité avec les raids des pirates Vikings, dits Normands/"Northmen".En cette fin de siècle Alain le Grand, dernier Roi de Bretagne, réunira la Bretagne "celtique" avec la "marche" d'Armorique de langue romane (888 - 908).

    Alain BARBETORTE ou Al Louarn (le renard) en breton. Ce Comte du Poher fut le premier Duc de Bretagne en 936 et jusqu'à sa mort en 952. Il était aussi le petit-fils d'Alain Le Grand.

     Au début du Xème siècle les VIKINGS (ou pirates normands) changent de stratégie : les raids avec pillages sont remplacés par des "principautés" en Angleterre, en Irlande . En Normandie, le Traité de St-Clair-sur-Epte de 911 avec le roi de France Charles le Simple donnera la ville de Rouen au chef viking Rollon qui deviendra le premier Duc de Normandie. Le fait le plus marquant est la destruction de l'abbaye bretonne de Landévennec en 913. S'en suivra l'exil de l'aristocratie bretonne jusqu'en 935, date à laquelle Alain Barbetorte débarquera près de Dol-de-Bretagne avec une troupe d'exilés bretons (ainsi que des anglais), et chassera les Vikings jusqu'à Nantes dont il fera sa capitale de Bretagne.

     La grande victoire majeure sur les Vikings n'interviendra cependant que le 1er août 939 à Trans, sur les bords du Couesnon, avec l'appui des comtes de Rennes et du Mans. Cette date du 1er août deviendra la "Fête nationale des Bretons". La Bretagne ducale indépendante : 1er août 939 - 1532 rattachement à la France.

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     Les Rois Mérovingiens et Carolingiens considéraient le royaume non comme un Etat, mais comme un "domaine" dont ils étaient les propriétaires. D'où partage à peu près équitable entre les fils à la mort du père, sans souci géographique. Jusqu'au Xè siècle, chaque fois que la France est entre les mains d'un seul Roi, c'est que celui-ci est fils unique ou que la mort, naturelle ou provoquée, de ses frères, lui a permis de reconstituer l'unité du "domaine". Les premiers Capétiens, très modestes propriétaires, sentirent la nécessité de léguer le "domaine" à leur seul aîné. D'où des conflits et la coutume des "apanages" pour dédommager les cadets.Ainsi, au VIè siècle, Paris était une parcelle de l'héritage de Caribert.A sa mort, la ville avait été partagée en trois parts, mais aucun des frères ne devaient y entrer sans le consentement des deux autres.On peut signaler le Roi mérovingien CHILPéRIC Ier, petit-fils de Clovis qui, au VIè siècle, avait une personnalité curieuse avec des goûts artistiques, composant des vers latins, des hymnes, féministe pour que la femme ait droit à la succession du mari défunt, contraire à la loi salique, linguiste par de nouveaux caractères des sons germaniques que n'exprime pas l'alphabet latin, théologien...Il sera assassiné vers 584.

          Généalogie de Clovis (481 - 511) ; 4 fils reconnus : Thierry, Clodomir, Childebert I et le sucesseur Clotaire I (511 - 561). Le partage entre fils donnera Caribert roi de Paris et la Gaule Ouest et Gontran roi d'Orléans et un morceau de Provence. Intéressons nous aux deux autres fils Sigebert roi d'Austrasie (Est de la Francie, Auvergne et autre morceau de Provence) (561 - 575) avec son sucesseur Childebert II (575 - 597) puis partage Théodebert et Thierry; puis allons en Neustrie (Nord Ouest de la Francie, de la Somme à la Basse-Loire) avec le roi CHILPéRIC I  (561 , assassiné en 584) , son sucesseur sera  le jeune CLOTAIRE II qui n'a que 4 mois! Enfin nous aurons le très célèbre DAGOBERT I qui régnera de 629 à 639.

 

     Le "DUC" ou la "DUCHESSE" : à l'origine, sens latin de "chef militaire", équivalent au mot d'origine germanique "marquis" ou "margrave", qui commande plusieurs "Comtés". C'est un emploi et non un titre de noblesse.Peu à peu l'usage s'établit de confier au "Duc" les régions frontières.

 

            1066 Les "NORMANDS" (ou Franci/Galli) envahissent l'ANGLETERRE avec la fameuse bataille d' HASTINGS remportée contre le roi saxon Harold par le normand Guillaume le Conquérant , descendant du viking Rollon. Grâce à la fortune de son épouse Mathilde de Flandre, Guillaume Le Conquérant dispose de 1 000 navires et 8 OOO hommes qui débarquent dans le Sussex fin septembre 1066. Le tiers de l'effectif était originaire de Bretagne et occupèrent l'aile gauche à la bataille. Sur ces 2 à 3.000 combattants Bretons la provenance était située entre Lamballe, Loudéac, Gaël en remontant vers Châteaugiron, Vitré et Fougères ...Sur la Tapisserie de Bayeux, tous les combattants sont appelés "Franci (Français) car les Normands étaient épaulés de Bretons, Français d'Ile-de-France, Angevins, Flamands, Bourguignons, Aquitains et même Lombards ou Grecs...Les chroniques latines parlent de "Galli (Gaulois).  Après la victoire d'Hastings le 14 octobre, Guillaume distribue les terres. Ainsi les fils du comte de Penthiève recevront le comté de Richmond. Plus de soixante-cinq mille normands, bretons, angevins, picards, ... franchissent la Manche pour s'installer dans l'Angleterre peuplée alors d'un million deux cent mille habitants. L'Ecosse aura pour Grand Intendant un Fitzalan (Fils d'Alain) ou une reine Stuart, deux familles originaires de Dol-de-Bretagne. Guillaume Le Conquérant décède en 1087 à Rouen.

     Son troisième fils, Henry, âgé de 19 ans se fait alors proclamer roi d'Angleterre, avec le nom de "Beauclerc"; c'était un prince fort instruit. Il récuperera la Normandie à son frère Robert, revenu des Croisades. Sous son règne naîtra l'anglo-normand puis le "roman" appelé à devenir le "françoys" et prononcé le "franswé".

     Après sa mort en Normandie en 1135, notons l'important règne de Henry II  Plantagenêt né dans le Maine-Anjou, parti étudier à 9 ans en Angleterre le latin et les armes. En 1153, à 20 ans, il devient roi d'Angleterre et seigneur d'Irlande, duc de Normandie, comte d'Anjou, du Maine et de Touraine. Le mariage avec Aliénor d'Aquitaine lui apportera le titre de duc d'Aquitaine et dix ans de régence de Bretagne (1166, fiançailles entre son fils Geoffroy,âgé de huit ans, et Constance, âgée de quatre ans,princesse héritière) ; ainsi que huit enfants dont Richard (surnommé Coeur de lion) et Jean (Sans Terre). Sur 35 ans de règne, Henri II en passera seulement quatorze en Angleterre. Il sera enterré à l'Abbaye de Fontevraud en 1189. Bien que né en Angleterre, son fils Richard (surnommé Coeur de lion) n'y vivra que six mois sur dix ans de règne. Il sera élevé en Aquitaine et Poitou par sa mère Aliénor. Lettré et polyglotte il compose des chansons en langue d'oc (doc) et encourage les troubadours occitans.

     Si les ducs résidaient à Nantes, c'est à Rennes qu'ils recevaient leur investiture : le futur duc s'arrêtait hors des murs, puis prêtait serment en jurant de défendre les droits et privilèges de la Bretagne. Il franchissait alors les "PORTES MORDELAISES" PortesMordelaises et, le lendemain, était couronné dans la cathédrale Saint-Pierre. Situées aux bas de la place des Lices, ces portes comportaient deux pont-levis précédés d'un boulevard et présentaient une double porte piétonne et charretière. Elles étaient encadrées par deux tours symétriques, rehaussées de mâchicoulis. Les Lices, extérieurs à la ville fortifiée, servaient aux manifestations médiévales. A l'est, on y avait dressé le pilori qui ne disparut qu'au XIXème siècle. Suite à l'épidémie de peste de 1622, on y plaça le marché le samedi matin. Les enchères de 1658 permirent d'y construire d'immenses maisons de bois et des hôtels de pierre pour y loger les parlementaires rennais. Le 23 décembre 1720, le centre de la ville est en feu : "à un quart de lieue les charbons allumés tombaient gros comme le poing". 845 maisons à pans de bois sont ravagées.  Mais dès 1752 un observateur note que la ville se pare d'arcades en granite aux rez-de-chaussée, d'étages en tuffeau et de toits d'ardoises, pour devenir "l'une des plus jolies capitales que nous ayons dans nos provinces".

     Au XII ème siècle l'aristocratie bretonne s'exprime en français ou en latin, excepté en Basse-Bretagne. Alain IV Fergant (1084 - 1112) fut le dernier duc bretonnant.

    Langues française, anglo-roman, franco-normand : la langue française est en train de perdre de son influence au profit de l'anglo-américain. Pourtant, notre langue aurait pu devenir mondiale au fil des conquêtes et des mariages royaux entre la France et l'Angleterre. Depuis le milieu du XVè siècle l'hégémonie de l'anglais est incontestable dans le monde. Elle est devenue la langue véhiculaire à travers l'économie, l'informatique, la science, l'audiovisuel et le sport. Toutefois, il s'en est fallu de peu pour que la langue anglaise ne soit jamais parlée à la cour d'Angleterre. En effet, à la bataille d'Hastings en 1066, qui voit la victoire de Guillaume sur son rival Harold le saxon dont il s'empare du trône, la langue française - qu'on appelle alors le franco-normand - devient la langue du royaume d'Angleterre et de la noblesse anglo-normande. Une suprématie qui durera pratiquement jusqu'à la victoire de Jeanne d'Arc en 1429 sur les troupes anglaises. Pendant près de trois siècles de conquête française, lois et édits sont publiés en saxon pour le peuple et en français pour l'aristocratie. Mais, après la guerre de Cent Ans, un terme sera mis à l'usage du français à la cour d'Angleterre : il ne sera plus utilisé de façon officielle vers 1450.

                     

2 - Pierre MAUCLERC au XIIIème siècle et Jean IV 1379 "An Alarc'h"

     L'arrière-petit-fils du roi de France capétien Louis Le Gros - Pierre de Dreux - s'installa en Bretagne suite à son mariage avec la duchesse Alix, et sur ordre de Philippe Auguste qui "pensait" s'approprier le duché.Il entreprit de combattre tout d'abord les seigneurs du Finistère Nord et s'opposa au clergé breton, lui qui avait renoncé à la prêtrise, ce qui lui valut le surnom de MAUCLERC (clerc qui a mal tourné). Il fut excommunié quelques temps.Sous la régence de Blanche de Castille il complota contre le jeune Louis XI et s'allia avec le roi d'Angleterre Henri III.

     "Politique habile dans le détail des affaires et le maniement des hommes, chevalier vaillant, beau donneur de coups d'épée, capable d'inspirations très généreuses, très lettré, poète à ses heures, Pierre de Dreux avait de grandes qualités, mais il était entièrement dépourvu de modération et d'esprit de suite, et avec cela très entêté. Comme tous les Capétiens, il avait la passion de l'accroissement indéfini de son pouvoir" 

     La bataille de Châteaubriant (1222) : "Philippe Auguste avait donné la châtellenie de Ploërmel à un seigneur français Maurice de Craon. A la mort de celui-ci, Pierre de Dreux la revendiqua, à juste titre, comme partie inaliénable du domaine ducal. Amaury de Craon, héritier de Maurice, leva une forte armée composée de Manceaux, de Normands et d'Angevins, et pénétra en Bretagne. Pierre de Dreux menait une campagne contre les princes du Léon. Amaury, après avoir pris La Guerche et Châteaubriant, se retrancha derrière ces deux forteresses, faisant incendier et piller le pays environnant par ses troupes, attendant la diversion favorable que les princes du Léon lui avaient promise.

     A la suite des ravages exercés par les envahisseurs, la querelle personnelle de Mauclerc avec Amaury fit place à une lutte de caractère national pour sauvegarder le pays contre les étrangers. Les Bretons, oubliant les griefs qu'ils avaient contre Mauclerc, vinrent se ranger autour de lui. Pierre de Dreux s'avança vers Châteaubriant. Une bataille se livra dans les environs, à Béré, sur un terrain couvert de vignobles. L'armée d'Amaury, avec sa forte cavalerie, ne put manoeuvrer facilement dans les vignes. Les Bretons avaient au contraire, une quantité de gens combattant à pied dont l'arme favorite était l'arc et qui savaient s'en servir. Voyant cette grosse cavalerie empêtrée dans les vignes, ils lancèrent des flèches à plaisir, s'attaquant surtout aux chevaux. Avec les lourdes armures de l'époque, un chevalier jeté à terre ne pouvait se remettre seul sur pied. Les Normands, les premiers, se lassèrent de servir de cible aux Bretons et s'enfuirent. Les archers bretons profitèrent de cette défection pour pénétrer dans la ligne de bataille et prendre de flanc les autres escadrons. Bientôt, ce fut une déroute générale." LA BORDERIE.

     A la fin de sa vie Mauclerc partit pour la croisade en Egypte  - sous le nom de Pierre de Braine - où il combattit vaillamment. Il mourut au retour en 1250. Il laissa une Bretagne pacifiée à son fils marié avec l'héritière de Navarre.Les "hermines bretonnes" sur les armoiries de Bretagne furent introduites sous son ministère, car il portait un quartier d'hermine dans les siennes.BannirePierreDreux

     

 Pierre MAUCLERC et les seigneurs d'Acigné : Le baron de Vitré avait cédé le territoire d'Acigné à son fils Renaud en 1010. Le premier château d'Acigné - route de Servon en sortant du bourg - date de cette époque. On l'appelait en 1240 "La Motte d'Acigné". En 1234, ce château a été détruit par Pierre Mauclerc (Comte de Rennes), afin de punir Alain d'Acigné d'avoir pris parti pour Saint-Louis, qui était contre lui. Il a alors brûlé le château. De nos jours on a une rue Saint-Louis et sa statue y trône à l'extérieur de l'église. Depuis des temps lointains on y fêtait la "Saint-Louis" à la fin des battages troisième semaine d'août. Cette grande fête populaire, célébrée trois jours de rang, fut arrêtée en 1990.  

Initiateur des "Hermines bretonnes", Pierre Mauclerc aura laissé pour trace celles-ci sur le  blason des "d'Acigné"   avec, quand même, un rang de trois fleurs de lis (ou lys) du Roi de France..Mouchetures dhermines

        Jean IV 1379 : le célèbre chant "An Alarc'h" (le cygne), popularisé par Alan Stivell, Gilles Servat ou Tri Yann, raconte le retour du duc Jean IV d'Angleterre pour chasser les troupes du roi de France qui avaient envahi le duché. Ce chant du "Barzhaz Breizh" était considéré comme une pure invention par certains, jusqu'à la publication des cahiers de collectes d'Hersart de la Villemarqué sur le site du CRBC (Centre de recherche bretonne et celtique). Il a été collecté sous le titre "Gwai gwenn alar" (oie blanche cygne). An Alarc'h désigne l'espèce bien connue de l'oie cygnoïde, c'était un des emblêmes du roi d'Angleterre Edouard III, protecteur du duc de Bretagne en exil, d'où le surnom donné à Jean IV. Le mot alarc'h, identique en gallois, était donc encore connu au XIXè siècle. Jean IV est magnifié par ce chant :"Le seigneur Jean est un solide gaillard,  habile et léger sur ses deux pieds. Quand il joue de l'épée, il est si vif qu'il coupe en deux homme et cheval, son armure brille au combat et éblouit le regard de tous." Avec un tel chef, les troupes bretonnes sont galvanisées contre l'armée de mercenaires du roi de France. Les chercheurs Donatien Laurent et Christian Souchon attestent de l'authenticité de ce chant historique, très peu remanié par Hersart de la Villemarqué. O.F Bernez Rouz

3 - FRANCOIS II , LA BATAILLE de ST AUBIN DU CORMIER  (1488) et le devenir d'Anne de Bretagne

    1485 : fin de l'époque du trésorier général Pierre Landais, roturier vitréen. "Landais fut un grand ministre: c'est à lui que l'on doit rapporter toutes les mesures favorables au commerce, à la marine, à l'industrie, à l'agriculture, au développement des institutions municipales, et à lui, enfin, pour une grande part, la prospérité de la Bretagne pendant la seconde moitié du XVè siècle. Ardent et fidèle Breton, il combattit pendant vingt-cinq ans pour le salut de la patrie et mourut à la peine." La Borderie

     Anne de Beaujeu, fille de Louis XI,assurait la régence de Charles VIII et soudoyait nombre de seigneurs bretons avec force pensions pour affaiblir le duché de Bretagne de François II. Pour assurer sa succession celui-ci avait anticipé avec la réunion des Etats de Bretagne qui assurait les droits à ses filles Anne et Isabeau. Il conforta son duché par des alliances avec l'Angleterre et l'Autriche mais également avec le duc d'Orléans, ennemi de la régente Anne de Beaujeu qui s'appuyait sur la haute noblesse bretonne : Rieux, Rohan et Avaugour.

     Depuis le traité d'Arras de 1482, Charles VIII était fiancé avec Marguerite d'Autriche âgée de 5 ans, lui en avait 14.Le duché de Bretagne était très convoité : Anne aura connu sept prétendants...

     Louis d'Orléans entreprit de lever une armée avec le soutien des anglais et de Maximilien d'Autriche, père de Marguerite, ainsi que nombre de bretons mécontents. Anne de Beaujeu réagit vivement en 1487, une troupe française occupe Ancenis, Châteaubriant, Ploërmel puis Redon et Vannes et se porte alors sur Nantes.Mais le petit peuple se lève en masse pour défendre sa capitale : marins du Croisic, de Guérande, de Cornouaille, paysans, petite noblesse, bourgeoisie, .... reprend Vannes et tient bon face aux Rohan à Guingamp. En 1488, l'armée d'Anne de Beaujeu ne contrôlait que Clisson, La Guerche, Vitré et St Aubin du Cormier.

    Sous le commandement de La Trémoille, les français se rassemblent en une seule armée puissante et à partir d'avril 1488 les villes sont reprises: Ancenis, Châteaubriant, Dinan, St Malo,....Vint le tour de Rennes : après délibération dans la cathédrale il fut déclaré : "Ne pensez pas que vous soyez déjà seigneurs en Bretagne, le roy n'a aucun droit en cette duchée. Sachez qu'en cette bonne ville de Rennes il y a quarante mille hommes dont les vingt mille sont de telle résistance que moyennant la grâce de Dieu, si le seigneur de La Trémoille et son armée viennent l'assiéger autant y gagneront-ils que devant Nantes; nous ne craignons ni le roi, ni toute sa puissance. Partant retournez au seigneur de La Trémoille et lui faites part de la joyeuse réponse que nous avons faite car n'aurez d'autre chose." Les français se retirèrent des lieux, ne voulant répéter le siège de Nantes.

     La bataille déterminante de Saint-Aubin-du-Cormier : 28 juillet 1488 : le rôle majeur de l'artillerie française.

    Ignorant que Fougères avait capitulé le 19 juillet , une armée bretonne quitta Rennes avec les princes d'Orange et d'Orléans pour la secourir. La rencontre avec l'armée française eut lieu à mi-chemin à Saint-Aubin-du-Cormier. Le Maréchal de Rieux, reconverti à la cause bretonne, en était avec 12.000 hommes, dont seulement 300 archers anglais. Rieux fit revêtir à 2.000 des 6.400 bretons un hoqueton orné d'une croix rouge des archers anglais. En face, l'armée de La Trémoille disposait de 15.000 hommes avec de l'artillerie. La cavalerie était aux ordres du napolitain GALIOTA. Les ROHAN étaient présents sauf le sire de Léon, fils aîné,qui était avec l'armée bretonne.

     A deux heures de l'après-midi l'artillerie fit des ravages dans l'infanterie bretonne. Les lansquenets (fantassins mercenaires) allemands se replièrent derrière une colline ce qui donna le signal d'attaque de la cavalerie française et permit de percer l'armée bretonne qui tint quatre bonnes heures pour protéger une retraite ducale. Il y eut cinq à six mille morts dans le camp breton et mille quatre cents tués chez les français. 

      François II se sentit seul, abandonné de ses alliés, avec nombre de villes tombées. Il demanda la paix qui fut accordée avec promesse - par le traité du Verger (château en Anjou)- "de ne pas marier ses filles sans le consentement du roi".Une réplique fut célèbre : "Il plairait au duc que cette guerre se terminât..." - Soit... mais dites bien à votre maître qu'il m'a déplu, à moi, qu'elle commençât". François II mourut de chagrin le 9 septembre 1488.

François II était né au château de Clisson en 1435. Fils aîné de de Richard, Comte d'Estampes, lui-même fils du Duc de Bretagne, Jean IV, et frère de Jean V et d'Artur III. Sa mère est Marguerite, fille du duc d'Orléans. François II , élevé à la cour de France, succéda à son oncle, le célèbre Artur, Comte de Richemont, Connétable de France, qui ne régna qu'un an à l'âge de 64 ans, car empoisonné...  

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  NOTA : Saint-Aubin du Cormier , le site "Koad Sav Pell", à 300 mètres derrière le "Mémorial aux Bretons" (route menant à Sens de Bretagne). Jean-Louis Le Cuff, président du MAB (créé en 2003, 22 adhérents et une centaine de membres SCI), dispose d'un site de landes de 4,5 ha avec déjà 300 menhirs dressés, dont 17 forment un cercle avec, au centre, une table dolmen à la manière de Stonehenge (Angleterre). 50 fraîchement arrivés attendent d'être piqués debout. L'objectif de MAB est de faire connaître l'Histoire de la Bretagne et son identité. Il constate que les musées nationaux abordent très peu la période avant 1532, évoquant la bataille de Saint-Aubin (1488) et autres conflits. Marc SIMON, sculpteur local, grave le granit sur le terrain de "Koad Sav Pell". Après un dernier menhir, en 2018, en souvenir des morts bretons de 1914-18, c'est aux souverains bretons Nominoë et Alain Barbetorte qu'il s'attelle. Ainsi surgissent de terre une à deux sculptures par an. Jean-Louis Le Cuff rêve de voir les 56 ducs, princes et rois de Bretagne sculptés. Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 

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     Anne - dont la mère est moitié espagnole, moitié béarnaise - n'a que 12 ans et reçoit sa couronne ducale dans la cathédrale de Rennes le 10 février 1489. Elle dispose d'un duché affaibli avec une large partie de sa grande noblesse assujettie au royaume de France. Non résignée et forte de caractère,et en déni du traité, Anne décide d'épouser Maximilien d'Autriche ,par procuration, à 14 ans.Le mariage fut "consommé" par l'entremise de l'ambassadeur d'Autriche qui dénuda sa jambe et la glissa sous les draps où reposait Anne...Vive réaction du roi Charles VIII qui occupe Nantes en mars 1491 et s'unit six mois plus tard par un mariage sans faste avec Anne - et la Bretagne - au château de Langeais. Après 7 années aux côtés d'un roi malade et fade, celui-ci décède.

NOTA : 1491 - 1911: on commémora à Rennes l'union de la Bretagne à la France royaliste avec une sculpture si offensante que les indépendantistes la firent exploser en 1932 (1532/1932). 1532 : François Ier prend une décision unilatérale avec un "édit" proclamant l'union de la Bretagne à la France. Il ne s'agissait pas d'un véritable "traité" signé par les deux parties.

     Le "CATHOLICON" de 1464 prouve le dynamisme culturel et technique de la Bretagne. On aura tout d'abord eu vers 1450 l'invention de notre "Gutenberg". Jean Brito de Pipriac, au nord de Redon, donne naissance à l'imprimerie et permet à un plus grand nombre de communiquer et obtenir des savoirs. Vint ensuite le "Catholicon": le chanoine de Tréguier aura demandé à Jehan Lagadeuc de rédiger le premier dictionnaire mondial trilingue  (breton, françois et latin) qui sortira de l'imprimerie Jehan Calvez en 1499.

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     Vint alors une période plus heureuse avec un nouveau mariage à 23 ans entre Anne et l'ancien duc d'Orléans qui règne sous le nom de Louis XII. Il lui laisse une relative liberté d'action dans son duché. Cela rejaillira dans de nombreux domaines intellectuels et artistiques et la notoriété de la Bretagne mais aussi près du peuple qui lui fera un triomphe en 1505 sur les routes menant de Nantes à Vannes, Quimper, Tréguier, Saint-Brieuc, Dinan et Vitré.

     Le 19 août elle est venue prier au pardon du Folgoët (Finistère), accueillie dans la basilique par un "Veni Creator" chanté en latin (créé au IXème s.) et également en breton, oeuvre de son confesseur né à Plouvorn, près du Folgoët, et futur évêque de Rennes en 1507. Il serait à l'origine du poème officiel écrit en lettres d'or sur la grande scène où trônait le portrait de Brutus, chef mythique troyen devenu premier roi des Bretons! On croyait à l'époque que les Bretons descendaient de ce peuple de la Grèce antique.... Brutus s'exprime en breton : "moi et ma femme, de partir en douce du pays grec, afin de conquérir sans coup férir cette ci-devant Bretagne. Mes descendants parlent la vraie langue de Troie, laquelle restera en usage jusqu'à la fin des temps." Bernez Roux

     Le "Tour de Bretagne" très populaire de juin à septembre 1505 va l'immortaliser. Cependant, il convient aussi de savoir qu'Anne aura quitté le duché à 14 ans et que pendant 23 ans de règne elle n'y aura résidé que 6 à 8 mois dont ce fameux "Tour"! Morte en 1514, à 36 ans, Anne de Bretagne restera jusqu'à nos jours la "bonne duchesse" intelligente et obstinée à défendre sa province. Elle fut aussi autoritaire, pieuse austère, et portée vers le faste avec 24 maîtres d'hôtel, 25 commis de cuisines et 48 valets.

     Adolphe ORAIN, de Bain-de-Bretagne, écrivait en 1899 : "il y a des noms tellement gravés dans la mémoire des paysans bretons que, ni la lecture des journaux qui pénètrent aujourd'hui dans les plus humbles chaumières, ni les soucis du présent, ni les préoccupations de l'avenir ne parviennent à les effacer. On ne parle qu'avec respect de la bonne duchesse, la brette (femme bretonne) de Louis XII, comme on l'appelle. toutes les voies romaines sont des chemins de la reine Anne...."

     Anne de Bretagne avait effectivement beaucoup d'atouts pour être la "coqueluche" des petites gens. Avec ses sabots, elle n'était pas fière! chanson :

" C'était Anne de Bretagne,

  Duchesse en sabots,

  revenant de son domaine,

  En sabots mirlitontaine,

  Ah!Ah!Ah!Ah!Ah!Ah!Ah!

  Vive les sabots de bois!

  Revenant de son domaine,

  Avec ses sabots,

  rencontre trois capitaines,

  En sabot mirlitontaine, etc...

Les trois capitaines saluèrent leur duchesse et lui offrirent un pied de verveine en lui prédisant que, s'il fleurissait, elle serait reine. La verveine fleurit et la duchesse devint Anne de France.

  

  4 - ACIGNE et la Duchesse Anne

En 1490 la Bretagne est un petit Pays convoité par les Grands d'Europe. A sa tête une gamine de 14 ans entourée de conseillers ambitieux, prétentieux et sans scrupules, soucieux de leurs intérêts.Tantôt Bretons,tantôt Français, tantôt Anglais, tantôt Espagnols. Treize prétendants essaient depuis quelques années de demander la main de la petite duchesse à son père - François II - dernier des ducs de Bretagne,mort en 1488 après la défaite de St Aubin du Cormier. Parmi eux, le roi de France Charles VIII, déjà fiancé à la fille de Maximillien d'Autriche, lequel vient d'épouser par procuration en décembre la petite Anne de Bretagne.

     Au printemps 1491 les troupes françaises occupent la Bretagne et nombreuses sont les villes défaites. Les troupes bretonnes chargées de protéger la duchesse qui réside à Rennes stationnent entre autres à Acigné, bourgade sise à trois lieues de la capitale.Les soldats se comportaient parfois en soudards désoeuvrés et la population vit dans la crainte d'exactions. Anne de Bretagne leur envoie ce message : "Ordre aux gens de guerre étant à la Motte d'Acigné et à Châteaugiron de ne pas contraindre à la bêche les paroissiens d'Acigné, Noyal sur Vilaine, Brécé, Servon et Broons, ni de les contraindre à leur porter ou bailler vivres ou ustensiles sans les payer raisonnablement..."

     Arrive l'été 1491. Nantes est livrée au roi de France par un conseiller de la jeune duchesse (Alain d'Albret) et l'armée française vient camper à Bain de Bretagne avant de s'établir en août entre Voeuvre (Chevré) et Vilaine, c'est à dire à Acigné! Trois autres corps d'armée prennent ensuite position à St Sulpice la Forêt, Vern et Liffré pour cerner Rennes qui "devient un îlot parmi les villes prises et parties ébranlées". Louis d'Orléans (futur Louis XII) qui avait pourtant combattu du côté des Bretons à St Aubin du Cormier en 1488, arrive à Rennes pour convaincre Anne de Bretagne d'épouser Charles VIII. 
     Devant la misère, la faim, les récoltes anéanties et les exactions des soldats, elle se bute puis se résigne à épouser le fils de Louis XI pour sauver son peuple. "Elle fut tant persuadée par remontrances et grandes raisons (de son entourage) qu'à la fin elle se laissa induire à prendre ce parti..."

     Charles VIII est à Rennes. Prétextant des dévotions à Notre Dame de Bonne Nouvelle (aujourd'hui place Ste Anne) il se présente au logis des ducs, rue des Dames. Il y trouve la duchesse "tant belle, gracieuse, bénigne et humble et bien servie de corps". Les fiançailles ont lieu à la chapelle des Jacobins de Rennes en novembre, puis le mariage est célébré le 6 décembre 1491 à 8H du matin au château de Langeais. Anne de Bretagne devient ainsi reine de France. Sept ans plus tard Charles VIII meurt en heurtant un linteau de porte basse au château d'Amboise. Anne de Bretagne épousera Louis d'Orléans à Nantes en janvier 1499. Elle sera reine une seconde fois.

     En 1513 le nouveau pape Léon X accorde des privilèges à Anne de Bretagne, à sa fille Claude et à cinquante dames et gentilshommes de son choix. Anne choisit pour cette liste Jean VI d'Acigné, Gilette de Coëtmen sa femme, et leurs trois enfants : Louis, Pierre et Marie d'Acigné...

     Nous commémorons en ce mois de janvier 2014 le 500 ème anniversaire de la mort d'Anne de Bretagne. Je ne sais si elle portait des sabots, si elle aimait les pieds de verveine ou autres légendes plus ou moins farfelues. Par contre le nom d'Acigné ne lui était pas indifférent!

Philippe MOUAZAN (Association "Acigné Autrefois")

5 - LA MALEDICTION DU CHATEAU D'ACIGNé :

     aux confins des forêts de Rennes et de Chevré, le bourg d'Acigné, situé à une dizaine de kilomètres à l'est de la capitale bretonne, s'est édifié sur les coteaux qui bordent un large méandre de la Vilaine. Bourgade paisible de quelques milliers d'âmes, on y coule des jours tranquilles, bercés au rythme d'une rivière qui s'étire sage et monotone le long des berges. Gare, pourtant! Car on ne saurait trop se fier à l'apparente nonchalance des eaux un rien brunâtre de la rivière. Ici, comme nulle part ailleurs, des crues torrentielles peuvent soudain déferler et tout anéantir sur leur passage. Les déluges peuvent s'abattre sur la ville et réveiller les eaux endormies de la Vilaine, provoquant ainsi d'impétueuses et dévastatrices inondations...

     C'est du moins ce qui, en des temps reculés, se produisit à Acigné. Mais quand était-ce exactement? Et qui s'en souvient encore? Dans cette histoire extraordinaire, de nombreux détails font défaut, et certaines incohérences ou l'intervention de forces occultes laissent planer un doute sur la véracité des événements qui se sont déroulés. Et pourtant, la légende demeure.

     Sans remonter à l'époque du paléolithique, période au cours de laquelle Acigné et ses environs étaient peuplés de vaillants chasseurs simplement habillés de peaux de bête, un retour de quelques siècles en arrière s'impose pour camper le décor.

     Au début du XIè siècle, Rivalon, dit le "Vicaire", est un puissant seigneur qui règne sur un fief important incluant Vitré, Marcillé-Robert et Acigné. Vers 1010, il va structurer ses terres en seigneureries vassales à la tête desquelles il place ses fils. Renaud, son troisième garçon, deviendra ainsi le premier seigneur d'Acigné. C'est sur un îlot de la Vilaine que le nouveau seigneur décide de faire construire une motte, c'est-à-dire une butte artificielle fortifiée de remparts très hauts et sur laquelle on édifie un château flanqué de tours imposantes : "le fort de la Motte". Plus tard, sur un autre îlot proche, on fera ériger une chapelle. De ces deux constructions féodales, il ne reste plus rien aujourd'hui, si ce n'est une motte de terre et une vieille légende...

     Plus de trente descendants illustres portèrent le titre de seigneur d'Acigné, jusqu'à la Révolution française, où leurs traces se perdent. "Ils ne craignent pas même les monstres" : cette devise attachée à leur nom en dit long sur leur bravoure et leur valeur au combat. Prenant les armes contre Richard Coeur de Lion, afin d'obtenir la libération de Constance, la duchesse de Bretagne, contre Jean Sans Terre, pour venger l'assassinat du duc Arthur de Bretagne, ou encore lors de la bataille de Nicopolis, les seigneurs d'Acigné étaient de vaillants chevaliers, ce qui leur conférait une juste renommée en Bretagne. Toutefois, ils ne se montrèrent pas tous preux, honnêtes et sans reproche.

     Ainsi, l'un d'eux avait eu deux fils. Le premier, fier et digne descendant de cette haute lignée, était de caractère doux et aimable, bon époux et bon père de famille. Le second, au contraire, d'un tempérament méchant et envieux, sournois et querelleur, menait une vie trouble et dissolue : quelque peu sorcier, il était craint et unanimement détesté aux alentours. Pour le vieux seigneur fatigué qui avait passé sa vie sur les champs de bataille et qui déjà se voyait déclinant, il n'y avait plus à tergiverser : le château et l'administration du domaine iraient à l'aîné, tandis que le cadet n'aurait pour héritage que quelques fermes et terres sans valeur. C'était pour lui l'assurance que le glorieux blason ne serait pas terni. Le cadet, révolté par l'injustice qui lui serait bientôt faite, n'attendait que son heure pour agir.

     A la mort du vieux seigneur, les biens furent partagés comme convenu : l'aîné hérita de tout et le second du reste, autrement dit, de rien ou presque. Tandis que le premier régnait sur la châtellenie et demeurait au château en compagnie de sa femme et de ses deux enfants, le frère se résolut à quitter les lieux en se jurant qu'il y reviendrait un jour en maître. La haine éprouvée pour le père qui l'avait dépossédé se tournait désormais vers son frère aîné et sa famille. Car tout bien calculé, il ne suffisait pas que le seigneur d'Acigné décède pour qu'il puisse hériter à son tour, mais bien qu'aucun de ses descendants ne lui survécussent. Son plan se tramait et, doté de certains pouvoirs maléfiques, il ne lui fut pas difficile de le mettre à éxécution. Seule un peu de patience lui serait nécessaire pour parvenir à ses fins.

     C'est ainsi qu'il confectionna quatre petites poupées de cire, représentant chacun des membres de la famille abhorrée. Chaque jour, il faisait fondre un peu de cire, la juste quantité pour que le sortilège puisse agir. Chaque jour, la santé de son frère, de sa femme et des deux enfants se déteriorait davantage. Tous les médecins appelés au chevet des malades y perdirent leur latin; aucune potion, aucun remède ne vinrent les soulager, on ne pouvait les guérir ni déceler l'origine de ce mal incurable. Il fallait s'y résoudre, ils allaient tous mourir.

     Plein d'une affection feinte et d'une sollicitude hypocrite, le frère cadet ne manquait pas de prendre régulièrement des nouvelles de la famille et de s'interroger à voix haute sur l'étrange et terrible mal qui les frappait. Un tel revirement dans son attitude ne pouvait qu'alerter le seigneur d'Acigné. Trop tard, pourtant : le sortilège opérait, et avançait même à grands pas; il n'y eut bientôt plus de cire sur les figurines. C'est ainsi que le jeune seigneur, son épouse et ses enfants s'éteignirent.

     L'assassin n'attendit pas que la dernière poignée de terre fut jetée sur la tombe de ses victimes pour s'installer au château. Plus que satisfait par l'accomplissement de ses sombres desseins, il hérita enfin des biens auxquels il aspirait tant et devint à son tour seigneur d'Acigné. Mais au village, en ce temps-là, vivait saint-Martin. Cet homme pieux et charitable était vénéré dans toute la région. Il était venu de Tours pour convertir les païens et les mener sur le chemin du Christ et de la foi. Alentour, on lui prêtait maints pouvoirs. Capable d'invoquer la foudre et l'orage, saint-Martin avait en outre le don de guérir les malades, de rendre la vue aux aveugles et la parole aux muets. Mais le plus grand de tous ses pouvoirs était de ressuciter les morts. Il n'accomplit aucun miracle de la sorte pour le jeune seigneur d'Acigné qui venait de périr avec les siens. En revanche, il décida de détourner la malédiction vers l'assassin. Peu de temps avant de mourir, le seigneur d'Acigné, convaincu que la maladie qui l'emportait n'était pas naturelle, pensa qu'il avait été ensorcelé. L'étrange conduite de son frère le lui prouvait de manière indiscutable. Il était donc allé voir saint Martin, lui avait fait part de ses soupçons et l'avait prié de le venger. Ce dernier, qui toute sa vie durant avait pourchassé les démons, avait accepté.

     Une nuit, alors que tous dormaient au château, saint Martin invoqua la foudre et l'orage, qui bientôt s'abattirent en pluies diluviennes sur le fort de la Motte. Après plusieurs jours d'un déluge comme on n'en vit jamais plus dans le pays, la Vilaine bouillonnante se remplit, quitta son lit et se transforma en un torrent d'une violence inouïe qui emporta tout sur son passage. Les deux îlots d'Acigné furent submergés, et rien ne résista à la puissance de la vague. Du château, du seigneur assassin et de ses serviteurs, il ne restait plus rien. Seuls les deux îlots mis à nu refirent surface après la décrue.

     La chapelle fut également engloutie par le torrent. On raconte cependant que tous les ans, à Noël, résonne encore aux douze coups de minuit, une cloche sous les eaux de la Vilaine. Et gare à celui qui l'entend, car c'est l'annonce de sa mort prochaine...

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Analyse des faits et hypothèses AG :

- en 1010, le baron de Vitré, Rivallon le vicaire (ou "vicomte"), également seigneur de Marcillé-Robert et Acigné, avait cédé le territoire d'Acigné à son troisième fils RENAUD. Il aura alors fait ériger un "château" avec des palissades en bois sur une motte érigée sur un îlot route de Servon, en quittant le bourg. Ce fut effectivement le premier "seigneur d'Acigné" du fort de la "Motte". Venant de Mayenne, la "Vilaine" agrémente le site qui sera positionné avec, en amont,  les moulins du "Gué" en Servon-sur-Vilaine, de Brécé et de "Moncorps" en Noyal-sur-Vilaine et, en aval, le moulin d'Acigné. Un second îlot accueillera une chapelle, en 1240.

Enquête en 3 temps : qui étaient le seigneur et ses deux fils de la légende?

- Concernant les deux fils du seigneur de la légende, le bon et le sorcier, on notera que parmi les trente descendants on évoque les combats contre Richard Coeur de Lion (1157 - 1199) et Jean sans Terre (1166 - 1216). Richard, poète et écrivain, est élevé dans les régions occitanes, parmi les troubadours. Il s'exprime avec la langue d'oc (doc) et, bien que Roi d'Angleterre, il ne parlera jamais l'anglais et n'y séjournera que quelques mois. Alain 1er d'Acigné avait pris les armes contre lui pour faire libérer la duchesse de Bretagne,Constance, en 1198. La duchesse ne voulait pas épouser l'ami de Richard Coeur de Lion, le comte de Chester! Cinquième et dernier fils du roi Henri II d'Angleterre, descendant des Plantagenets normands et d'Aliénor d'Aquitaine, Jean n'était pas destiné à monter sur le trône. Il fut donc surnommé "Sans terre" par son père.  Mais la révolte ratée de ses frères aînés vers 1173/74 en fit le fils préféré d'Henri II. Il devra cependant attendre la mort de ses trois frères  Geoffroy, Guillaume et Henri puis une compétition avec le neveu Arthur (assassinat évoqué) pour accéder au pouvoir à la mort de Richard en 1199. Ses contemporains présentaient Jean comme un tyran, un personnage cruel, repris ensuite par Shakespeare et les aventures de "Robin des Bois". A nouveau, Alain 1er d'Acigné reprendra les armes en 1203, contre Jean sans Terre cette fois-ci, pour venger l'assassinat du jeune duc Arthur de Bretagne, avec pour devise "Necque terrent monstra" ("ils ne craignent pas même les monstres"... qu'on peut retrouver jusque sur des vitraux de l'église de Marcillé-Robert).

     On a alors la trame du père Henri II, les deux fils, l'un bon (Richard) et l'autre méchant (Jean le sorcier). Cette version serait trop belle pour être crédible, Acigné n'a que le droit d'y rêver.

     Revenons alors à la généalogie d'Augustin du Paz : il indique la lignée des premiers seigneurs d'Acigné avec, pour père du seigneur Rivallon d'Acigné, Martin de Rennes le "puîné"!, fils  de Juhaël Béranger, comte de Rennes et frère de Conan l'aîné dit le "Tort" (parce qu'il boitait). Ce Conan était quand même duc de Bretagne! Martin de Rennes reçu en héritage les seigneureries de Vitré, Marcillé-Robert et Acigné... Son fils, Rivallon le vicaire, partagea ses terres en 1010 entre Tristan (ou Triscan) l'aîné, qui reçut Vitré; Robert le cadet Marcillé et Renaud le plus jeune la seigneurerie d'Acigné qui devait être bien modeste. Mais, on le verra, la lignée sera récompensée, après des parcours en France et hors de France, pour s'achever au début du XVIIème siècle en marquisat.

     Dans cette descendance de Renaud d'Acigné qui nous intéresse, un seigneur avait eu deux fils, l'un bon et l'autre auteur d'un crime. On ne peut que supposer :

- Hervé, témoin du duc en 1031,mort en 1060. Descendance non connue.

- Geoffroy 1er, témoin d'une donation en 1087. Descendance non connue.

- Raoul 1er, caution du baron de Vitré en 1107. Descendance non connue.

- Hervé II, époux de Mayence de Dol. Descendance non connue.

On écarte : Pierre 1er car il eut trois fils et pas deux comme dans la légende. Tout comme Péan (ou Payen), père de quatre enfants ou Pierre III, père du seul Jean 1er.

Alors quel est ce père qui n'aura eu que deux fils avérés? :

- On peut désigner Alain 1er, vaillant combattant contre Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre. Il eut bien deux fils : Adam et surtout Alain II qui devint seigneur d'Acigné et participa à la bataille de Chateaubriant en 1222. C'est lui qui fit construire la chapelle de la "Motte"d'Acigné en 1240. Aurions-nous Alain II "le bon" et Adam le "sorcier? Ce prénom d'Adam rejoint également l'histoire d'Adam qui pêcha avec Eve. Et cela nous arrange bien... Ajoutons que le successeur de Alain II fut Pierre II d'Acigné qui y demeurait en 1263, toujours sous le règne de saint-Louis. Il aurait du s'appeler Alain III. Ou alors serait-il le fils de Adam d'Acigné, le deuxième fils d'Alain Ier qui aurait pris le pouvoir en éliminant son frère Alain II? Ce qui crédibiliserait la solution à cette affaire mêlée de "légende dissimulatrice" émise après "Nicopolis".

- pour l'allusion à "Nicopolis", il faut s'en aller en Bulgarie, en 1396, où Jean II d'Acigné participa à une bataille contre les Turcs. Ayant perdu avec une coalition, parmi lesquels des Français ou Hongrois, le seigneur d'Acigné fut relaché après rançon ainsi que deux autres chevaliers bretons.

                 La réponse de Alain RACINEUX, historien local :

                   "Je pencherais plutôt pour le destin des deux fils de Jean II d'Acigné.       L'aîné, Pierre, mourut mystérieusement à Marseille, et son frère cadet lui succéda en 1403, année de la mort du père Jean II, et décida de s'appeler Jean III. A cette époque, il décida de quitter Acigné et de s'installer chez sa femme au manoir de "Fontenay" en Chartres-de-Bretagne en 1408. Il n'y vécut pas longtemps puisqu'il y mourut en 1410. Tout cela est propice aux soupçons évoqués dans la légende.

     A la fin du XVème siècle, l'historien Pierre Le Baud, qui fréquentait la cour du seigneur de Châteaugiron, écrivit pour la première fois la "légende de l'engloutissement de la ville d'Ys". On y trouve les mêmes ingrédients que dans la légende d'Acigné : recours au paganisme, châtiment divin par engloutissement de la ville, dont on entend parfois les cloches sonner sous la mer lors de certaines marées. Il se peut alors que c'est Pierre Le Baud qui a inventé la légende d'Acigné."

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- Notons le parcours très original de Pierre d'Acigné, frère cadet de Jean II : vaillant et adroit aux armes, on le surnomma, avant Bayard, "chevalier sans peur et sans reproche". Il suivit Louis d'Anjou, frère du roi Charles V, dans les guerres qu'il eût en Guyenne et Poitou contre les Anglais, puis lors de la conquête du comté de Provence. Après la mort du duc, il servit son fils Louis II d'Anjou, à la conquête de Naples. Très satisfait de ses services, Louis II, duc d'Anjou, comte de Provence et roi de Sicile, nomma Pierre d'Acigné "Grand sénéchal de Provence" et lui accorda diverses seigneureries dont celle de SAINT-TROPEZ! cela méritait d'être relevé.

    Le dernier seigneur d'Acigné, Jean VIII, était marié à Jeanne du Plessis. Il mourut en 1573. Son portrait peut se voir sur un tableau dans la salle du conseil municipal d'Acigné. Sa fille, Judith d'Acigné, épousa  en 1579 Charles de Cossé, duc de Brissac, gouverneur de Paris, maréchal de France, qui, pour fait historique, décida d'ouvrir les portes de la capitale à Henri IV en 1594. En récompense, la seigneurerie d'Acigné fut érigée en marquisat en 1609.

 - Quant à Saint-Martin de Tours "vivant à Acigné", on est bien loin du décor et de l'espace Temps mais cette présence évoquée librement en rajoute à l'intérêt porté par le lecteur ou l'auditeur de la légende! Vénéré à Acigné, l'église lui est dédiée, mais il est décédé vers 396/400. Notons alors la mémoire du peuple et le bon souvenir des disciples du saint. 

 - Le "château"/fort de la "Motte"de Alain II, seigneur d'Acigné, ou plus précisément son "manoir" a bien été détruit par des soudards au printemps 1234 sur ordre de Pierre dit "Mauclerc", Duc de Bretagne, pour avoir pris le parti de Saint Louis. Le bourg et le (s) moulin (s) furent également incendiés. Ayant perdu cette guerre, Pierre de Dreux fit dédommager les habitants d'Acigné. La chapelle fut construite à la "Motte" en 1240 et un mariage y fut célébré en 1636. Ses ruines ont été détruites au XIXè siècle par le fermier de la Basse Motte. La lignée des seigneurs d'Alain II obtint du roi trois fleurs de lys de France sur son blason. Remerciant envers Louis IX (1214/1270), les acignéens ont gardé la mémoire de Saint-Louis en le représentant avec une statue positionnée de nos jours à l'extérieur de l'église. Une grande fête en son honneur se déroula fin août depuis des temps éloignés. La dernière eut lieu en 1990.

- Des inondations importantes étaient régulières sur le territoire d'Acigné. De nos jours 3 barrages en amont vers Vitré  retiennent les excès des crues de la "Vilaine". Ces faits répétés sont en lien avec des "pluies diluviennes et un déluge".

- Pour indice de l'importance d'une troupe locale, on peut signaler l'aide apportée par Jean IV d'Acigné, qualifié de "capitaine", qui participera au siège de Pouancé en janvier/février 1432 avec 20 hommes d'armes et 20 hommes de trait.

En conclusion, on  peut présenter cette légende avec un fait avéré, 1234 et la destruction du château/manoir, le souvenir d'une lignée de seigneurs valeureux, le report de personnages sur ces frères Richard et Jean ou Adam,  Alain II, Jean II, ... le tout avec Saint-Martin, Saint-Louis et une bonne dose de pluviométrie et sorcellerie du Bas Moyen-Age. Situons le récit après l'évocation de Nicopolis de 1396, très probablement écrit par Pierre le Baud.

     Notre historien local, Alain Racineux : "les châteaux d'Acigné et Chevré furent détruits sur ordre du duc de Bretagne, de nuit et à la faveur d'une trève. Cet épisode était peu glorieux pour tout le monde : pour les seigneurs rebelles, susceptibles d'être accusés de félonie envers leur suzerain; et pour le duc, susceptible d'être accusé de fourberie et mesquinerie. Aussi, certains entreprirent-ils d'effacer ce mauvais souvenir en inventant une légende pour créer une diversion et faire oublier la véritable histoire. Puisque les châteaux avaient été détruits par le feu, la légende, pour brouiller les pistes, raconta qu'ils avaient été tous les deux submergés par les eaux. Et, comme le duc de Bretagne, puissance terrestre, s'en était mêlé, la légende fit intervenir, à la place, des puissances invisibles : le diable et le bon dieu.

     Dans la seconde légende, le château de Chevré, autrefois appelé château de Gannes, était un château fort avec des murs et de grandes tours en pierres. Mais son seigneur, très riche, se comportait trop comme un païen. La nuit de Noël, il avait organisé un grand bal au lieu d'aller à la messe de minuit, et il s'était enivré de cidre. Aussi le châtiment divin vint-il le frapper sous la forme de la foudre et d'un orage démesuré qui engloutit le château et tous les danseurs dans un gouffre. A sa place se forma un grand lac aux eaux sombres. Pour rajouter un peu de piment à la légende, ses auteurs ont raconté qu'à chaque nuit de Noël, on entend de la musique et des cris provenant de l'étang de Chevré.

     Pour le récit de la "Motte" d'Acigné, plus troublante est l'allusion aux deux frères. Nous savons que Pierre, fils ainé de Jean II, décéda inopinement à Marseille, où il fut enterré dans l'église saint-Louis. Son frère cadet prit donc à sa place la sucession de la seigneurerie d'Acigné, sous le nom de Jean III. C'est celui-là même qui déplaça la résidence seigneuriale d'Acigné à Fontenay en Chartres de Bretagne, et qui mourut prématurement en 1410, deux ans après son mariage. Ces faits offrent des coïncidences symboliques avec la légende. Alors faut-il y voir un récit malveillant ou au contraire une vérité cachée? "Histoire d'Acigné et de ses environs", 1999, pages 47/48.

 

6 - La légende du Roi Arthur : Xavier de Langlais (1906 Sarzeau - 1975 Rennes)

     En 1975, Langleiz (Xavier de Langlais) publie la version bretonne du Roi Arthur, un classique de la littérature bretonne. Arthur, roi de la Petite et de la Grande Bretagne (Breizh-Vihan, Breizh-Veur) méritait un ouvrage en breton à la hauteur de sa réputation. Son "Romant ar roue Arzhur" publié en 1975 est un modèle de clarté et de limpidité lexicologique qui en fait un grand classique de la littérature bretonnante.

     Langleiz sait ciseler par des mots simples les célèbres aventures du roi comme celle de l'épée enlevée de l'enclume "Tous le virent s'agenouiller devant l'enclume, et prenant le pommeau de l'épée les mains jointes comme pour prier, il enleva sans difficulté la lame de sa gangue de fer". Par une recherche précise dans le vocabulaire guerrier, il restitue les batailles dans leur férocité médiévale : "le roi et ses compagnons fendirent la foule comme un bloc, laissant derrière eux des rangées d'hommes et de chevaux culbutés à terre comme par la main d'un géant."

     La légende du roi Arthur, c'est aussi l'amour qui le lie à Guenevièvre et qui enflamme les cours seigneuriales du Moyen-Age : "ils s'étreignirent et échangèrent un baiser si doux et si savoureux qu'ils n'oublieraient pas de sitôt". Arthur ne serait rien sans Merlin l'enchanteur : "Merlin qui commande aux orages, à la pluie, à la grêle et à la neige au nom des quatre piliers sacrés du monde : la terre, l'eau, le feu et le ciel". C'est aussi Merlin qui invente la table ronde qui réunit les chevaliers dignes de chercher le Graal, une quête spirituelle que Langleiz raconte dans cinq romans publiés en français. Un travail rigoureux salué par tous les spécialistes." Bernez Roux O.F. 13/5/18

A lire également du même auteur "L'île sous cloche".

CENTRE DE L'IMAGINAIRE ARTHURIEN,  Château de COMPER. www.broceliande-centre-arthurien.com Agenda culturel 56 CONCORET 02 97 22 79 96 :

Parcours scénographiques, concerts, expositions, librairie, jeu de rôle, ateliers, balades accompagnées, contes, fête médiévale, Journées européennes du Patrimoine, Semaine Samain (Halloween)

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   Les Légendes Arthuriennes: une histoire politique du XIIè siècle"

 

      par Yannick Lecerf

 

   Le mythe arthurien est assurément celui qui marque encore les générations actuelles. A peine ensommeillées au fin fond de la forêt de Brocéliande, les fables de Merlin, des fées de la cité d'Avalon, du chevalier Lancelot, renaissent sans cesse et encore sous l'égide d'associations et certains cultes forestiers. Regardons cela de plus près par le prisme des données historiques et archéologiques :

         
    MERLIN : Il était une fois... deux jeunes filles vivant dans une petite maison au bord de la forêt. L'une, débauchée, menait grand train dans les tavernes des villages environnants. L'autre, la douce Maëlle, dans une vie rangée, tenait la maison. Très pieuse, sans espoir de ramener sa dévergondée grande soeur vers les préceptes d'une vie ordonnée, elle se confiait à son confesseur le Père Blaise. Une nuit où elle sommeillait seule dans la petite maison, elle fut visitée par un esprit d'Avalon venu de la cité au fond du lac. Très perturbée, à son réveil, elle se précipita chez son confesseur afin d'être rassurée de cet étrange trouble nocturne. Quelques mois plus tard naissait un petit garçon baptisé MERLIN. Par sa mère, Merlin reçu une stricte éducation chrétienne. Le Père Blaise, devenu son père spirituel, était un ancien DRUIDE converti au christianisme. Si ce dernier inculqua au jeune Merlin toutes les recommandations de la religion monothéiste, il ne manqua pas de l'initier également aux cultes de la forêt et aux divinités du PANTHéON DRUIDIQUE.Très tôt, le jeune MERLIN prit conscience de ses pouvoirs extraordinaires. Le Père Blaise lui apprit comment contrôler ces dons hérités des Dieux de la Nature. Merlin pouvait voyager dans le temps, lire l'avenir, ... Il était aussi Roi d'AHèS (la cité d'Avalon) où se trouvait gardée l'épée magique EXCALIBUR  .

 

    UTHER PANDRAGON  : Ce Roi guerrier voulait réunifier tous les clans en conflit dans un grand royaume de concorde : le Royaume de LOGRES dont la cité de "CAMELOT" aurait été un idéal de paix. Pour parvenir à ses fins il devait guerroyer contre de nombreux chefs de clan trop attachés à leur indépendance. Impliqué dans ce beau projet, son ami MERLIN lui avait confié EXCALIBUR. Si l'épée magique lui assurait des victoires, son fourreau protégeait le Roi des blessures. Tantôt brèves, parfois plus âpres, les guerres de voisinage se succèdaient. Celle qui opposa UTHER PENDRAGON au puissant seigneur GORLOIX semblait s'éterniser au-delà du raisonnable.

 

  GORLOIX : Ce Roi chrétien de la grande cité de TINTAGEL mène simultanément plusieurs conflits. Il combat des cultes druidiques afin d'imposer le christianisme et tient tête aux assauts d'UTHER PENDRAGON. Dans cette guerre qui éreinte les deux clans, les rois bélligérants décident d'une trève de plusieurs jours. Grand seigneur, GORLOIX organisant une chasse suivie d'un grand banquet, y invite son ennemi UTHER PENDRAGON. Après les battues dans les forêts avoisinantes tous se retrouvent autour de grandes tablées parmi lesquelles circulent jongleurs et ménestrels. La Reine IGRAINE (ou IGERNE) marque le banquet de sa présence...

 

    IGRAINE ou IGERNE : IGRAINE et GORLOIX ont deux filles : MORGANE et MORGAUSE. Parée de ses plus beaux atours la Reine IGRAINE, placée entre son époux GORLOIX et UTHER PENDRAGON, rayonne de sa grande beauté. Ebloui par tant de charme UTHER PENDRAGON s'éprend de la dame des lieux. Mais celle-ci refuse obstinément les avances réitérées de l'invité. Alors, n'y tenant plus, le soupirant éconduit sollicite son ami MERLIN pour l'aider à conquérir le coeur de la Reine. Après quelques réticences, MERLIN accepte de donner à UTHER PENDRAGON les traits de GORLOIX, mais seulement pour une seule et unique nuit. Grâce à ce subterfuge UTHER peut ainsi rejoindre la couche d'IGRAINE. Peu de temps passe pour que naisse un petit garçon baptisé ARTHUR. Dès sa naissance le nourisson est emporté par MERLIN pour être confié aux FéEs d'AVALON qui se chargeront de son éducation. Dans sa grande colère, GORLOIX, qui vient de découvrir sa déconvenue et le fait que la Reine est très proche du culte druidique des FéES d'AVALON, renie son épouse et l'enferme dans une geôle du château.

 

    ARTHUR : le jeune et futur Roi ARTHUR est donc le fils d'UTHER PENDRAGON et d'IGRAINE. Il est aussi le demi-frère des FéES MORGANE et MORGAUSE. Quand arrivera le temps de succéder à son père il deviendra ce puissant Roi époux de GUENIEVRE. C'est encore lui qui présidera à la grande TABLE RONDE où prennent place les preux chevaliers du ROYAUME de LOGRES.

 

   Les 9 Dames ou Fées d'AVALON  :  ARGANTE la "Blanche" ou ausssi nommée le "Corbeau". Elle peut voyager sous divers aspects et à travers le temps. MORGANE est la gardienne d'EXCALIBUR dans la cité des Brumes d'AVALON. MORGAUSE, la seconde demi-soeur d'Arthur. VIVIANE, amoureuse de MERLIN. RAGNELLE, épouse de GAUVAIN. Le soir venu elle devient la plus belle femme du Royaume. CUNDRY guide les chevaliers dans leur quête du GRAAL. GANéDA qui voit l'avenir. DINDRENE dont le sang a des vertus curatives. KERIDWENN la gardienne du chaudron magique.

   

     LE GRAAL : le Saint Calice apparaît pour la première fois au XIIè siècle dans le roman de Perceval ou la Quête du GRAAL sous la plume de Chrétien de Troyes. Cette coupe, utilisée lors de la Cène (Communion et dernier repas de Jésus avec les apôtres), aurait permis de receuillir le sang du supplicié sur la croix. Elle aurait été taillée par SIMON Le Lépreux dans un cristal de roche tombé du ciel. Puis confiée par Dieu à Joseph d'Arimathie pour avoir accepté d'accueillir le Christ dans son tombeau après sa descente de croix. A sa mort Joseph d'Arimathie l'aurait donné à son fils prénommé également Joseph. Ce dernier, fuyant les persécutions en Palestine, l'aurait égarée lors de sa fuite vers la BRETAGNE INSULAIRE.

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     La Saga Arthurienne débute au Moyen-Age au XIè et début du XIIè siècle: l'invasion de l'Angleterre par des Normands et un tiers de Bretons en 1066/ Sucession de GUILLAUME Le Conquérant, Henri I "Beauclerc"; une "Empeuresse Mathilde" et la commande d'une généalogie à Geoffroy de MONMOUTH, avec aussi des écrits inventant "MERLIN, Camelot, l'épée Excalibur, ..."

     

     Au XIè siècle la transmission de l'information se réduisait au colportage d'histoires confiées aux trouvères et troubadours, seuls la noblesse et le haut clergé pouvaient espérer être éclairés des décisions du Royaume.Le clergé régulier concentrait l'essentiel des érudits et savants et la noblesse guerrière ne se distinguait pas par une grande culture et le nombre de ses lettrés, d'où une situation propice à générer une Histoire revisitée mise au service de leurs ambitions.

 

    Personnage central Guillaume Le Conquérant et son long règne de 21 ans : 1066 (invasion de l'Angleterre) jusqu'à 1087 avec l'unification et l'expansion de son Royaume. Au cours des treize années de la succession Guillaume Le Roux poursuit la même politique que son père de 1087 à 1100.

 

   1100 : Henri I "Beauclerc" , fils cadet de Guillaume Le Conquérant. Dans ses 35 années de pouvoir, il s'appliquera à la stabilisation de son Royaume. Ce grand souverain aura deux épouses : Mathilde d'Ecosse et Adélaïde de Louvain. Trois enfants naîtront de la première union : deux fils décédés en 1120 et une fille Mathilde. Ayant eu un grand nombre de maîtresses et concubines, ce Roi a reconnu 35 enfants adultérins. Grand seigneur, il asssurera leur vie par des positions et des titres en leur octroyant une place dans la noblesse d'Angleterre. N'ayant plus de fils héritier, un réel problème se pose alors dans une Angleterre médiévale où seuls les hommes peuvent régner. Soucieux de l'avenir de sa fille Mathilde, il décide d'organiser sa succession en convoquant ses grands barons. Il demande de prêter serment d'allégeance à Mathilde pour être reconnue "Empeuresse".

     Comme justificatif à sa décision, il commande la rédaction d'une généalogie des Rois d'Angleterre à

 

Geoffroy de MONMOUTH (1095 - 1155). Cet évêque, chroniqueur, historien au service de Henri I va donc écrire, selon les directives royales, l'HISTOIRE DES DYNASTIES D'ALBION. Les 12 volumes sous le titre "Historia regum Britanniae" paraîtront avant l'année 1135. Cette imposante compilation sera suivie de deux rédactions : "PROPHETIA MERLINI" (les Prophéties de Merlin) et de "VITA MERLINI" (la Vie de Merlin).

 

     Lorsque HENRI I BEAUCLERC meurt en 1135, ses funérailles à peine achevées, les grands barons du Royaume s'opposent à l'avènement de Mathilde. Reniant leur serment, il leur apparaît inconcevable d'accepter un pouvoir féminin. Des prétendants assez inattendus se présentent. Ainsi le Comte Robert de Gloucester, fils aîné adultérin du feu Roi, vient s'inscrire dans la course au pouvoir. Parmi ses atouts, outre sa filiation naturelle, il fait valoir que l'un des deux romans de la plume de Geoffroy de MONMOUTH lui est dédié. Loin de rallier les barons récalcitrants, cette candidature ne reçoit que très peu de soutien.

 

         Alors les barons se tournent vers ETIENNE de Blois (petit-fils de Guillaume Le Conquérant). Celui-ci, sous l'insistance, acceptera de porter la couronne d'Angleterre en 1135. Hélas, très vite il se révèlera un piètre souverain avec des hésitations et faiblesses. Ce sera une longue période de 19 ans d'instabilité connue sous l'appellation "l'ANARCHIE"! Certains historiens supposent que l'un des deux écrits sur MERLIN aurait été commandé par Etienne d'Angleterre dans le but d'affermir sa gouvernance. Miné par la maladie, Etienne d'Angleterre meurt en 1154. L'espoir renaît chez le Comte de Gloucester qui, de nouveau, tente d'accéder au pouvoir. Mais, devant un prétendant plus légitime - le Comte HENRI d'ANJOU - le fils bâtard d'HENRI I s'efface très vite pour se ranger sous la bannière de ce concurrent porté par une large majorité des barons.

 

       En l'An 1154, le Comte d'ANJOU est couronné sous le nom d'Henri II PLANTAGENET. A la tête d'un puissant Royaume auquel se joignent des provinces amies, sinon soumises, comme la NORMANDIE, l'AQUITAINE, l'ANJOU et la BRETAGNE, ce souverain aura de nombreux conflits avec son "petit voisin" LOUIS VII, Roi de France ainsi que son successeur PHILIPPE AUGUSTE.Cet antagonisme de caractère commercial et territorial se trouvera exacerbé par la rivalité autour d'une femme. En effet, en 1152, après avoir fait annuler par le Pape son mariage de 1137 avec LOUIS VII, ALIéNOR D'AQUITAINE épouse le Comte HENRI d'ANJOU. La fuite d'ALIéNOR d'AQUITAINE qui avait déjà trois enfants avec le Roi de France est vécue comme une trahison. D'autant qu'en recevant l'Aquitaine le Roi d'Angleterre agrandit considérablement son territoire.

     Cependant, malgré ses faiblesses, LOUIS VII se réfère dans tous ses actes à l'ascendance prestigieuse héritée de CHARLEMAGNE. Se voulant son égal, HENRI II PLANTAGENET va commander à Robert WACE le complément des écrits imaginés par Geoffroy De MONMOUTH. Robert WACE (1100 - 1178/83?), poète Normand né à Jersey, va compléter la généalogie première des dynasties anglaises puis rédiger deux romans : "Le ROMAN de BRUT" et le "ROMAN de ROU". Ces documents suffiront au monarque anglais pour se hisser au niveau des Rois de France.

 

     Puis apparaît un troisième personnage (après Geoffroy De MONMOUTH et Robert WACE), sans doute le plus connu : Chrétien de Troyes (1130 - 1190), érudit, écrivain et clerc éduqué dans un monastère de Champagne. S'étant écarté de la vie monastique, ce lettré au service du Comte de Flandre est mis à disposition du Comte de Champagne pour venir compléter la SAGA ARTHURIENNE. On peut être surpris de voir s'immiscer dans le conflit entre les deux souverains des acteurs apparemment éloignés des préoccupations territoriales, économiques et privées à l'origine des rivalités du moment. Cependant, on découvre que l'épouse du jeune Comte de Champagne est MARIE d'AQUITAINE. Mariée à l'âge de 19 ans avec le Comte qui n'en avait que 13, MARIE est la fille d'ALIéNOR et de LOUIS VII. En se rangeant au parti de sa mère et de son beau-père, elle s'écarte des visées expansionnistes de son père le Roi de France. Par ailleurs le jeune Comte de Champagne, très épris de son épouse, lui laisse diriger la commande faite à Chrétien de TROYES. Très productif, le nouvel intervenant va rédiger une suite de récits chevaleresques invraisemblables, mais parfaitement dans la mode du temps. Ainsi pourra-t-on lire : "ERIC et ENIDE", "LANCELOT ou la Chevalier de la Charrette", "YVAIN ou le Chevalier au lion", "PERCEVAL ou le conte du GRAAL" ...

 

 Un quatrième et dernier auteur viendra compléter les romans ARTHURIENS: Robert de BORON (ou BORRON), clerc très probablement Chevalier de BORON, originaire de Franche-Comté. Ayant vécu fin du XIIè au début du XIIIè siècle, son oeuvre traitée en vers autour de l'histoire du GRAAL marque une évolution du MYTHE ARTHURIEN. A ce moment de l'Histoire il faut satisfaire aux grandes réformes grégoriennes lancées au cours du XIè siècle par le Pape GRéGOIRE VII. Reprenant les écrits de ses prédécesseurs ce dernier auteur apporte une très présente christianisation dans la légende.

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     ARTHUR, personnage central de cette longue saga, n'est pas le fruit du hasard. La narration montre un Roi soucieux de créer un grand Royaume de "CONCORDE". Ses auteurs ont pu s'inspirer du grand BRIAN BORU, ce Roi Irlandais qui, dans la seconde moitié du Xè siècle guerroie pour rassembler tous les clans opposés. Par ailleurs, un autre grand Roi combattant du nom d'ARTHUR est cité dans les légendes du IXè siècle...

   

     Plus tard, comme pour assurer à son fils né en 1187 la meilleure position à l'accès au trône d'Angleterre, la Duchesse Constance de BRETAGNE, jeune veuve de Geoffroy PLANTAGENET, nommera leur enfant du nom d'ARTHUR. Ainsi, ce petit-fils de HENRI II aurait pu succéder à Richard COEUR de LION si Jean SANS TERRE, soucieux d'accaparer le pouvoir, ne l'avait assassiné de ses propres mains dans son château à Rouen en 1203.

 

     Si la localisation du MYTHE ARTHURIEN semble aujourd'hui liée à la "Forêt de BROCéLIANDE" en Bretagne armoricaine ce fait, très rarement évoqué au Moyen-Age, apparaît clairement affirmé à partir du XVIIIè siècle.

 

     Cette affirmation est à joindre aux élucubrations et données improbables avancées comme prétendues preuves de la réalité d'un discours celtique aujourd'hui battu en brèche par l'afflux des données archéologiques. Ainsi, comme on peut le lire ici, les légendes n'ont pas nécessairement besoin d'une trame de réalité pour se substituer à l'Histoire. Aussi belles soient-elles, elles ne restent que des convictions auxquelles certains se rattachent sans aucune autre démonstration que leurs certitudes.

 

         par Yannick LECERF

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      Compléments de Jean-Pierre Tusseau, Université du Québec : les plus prestigieux chevaliers qui ont bercé les rêves d'enfance sont les Chevaliers de la Table Ronde, réunis autour du Roi Arthur. Depuis Chrétien de Troyes, leurs exploits ont inspiré bien des romanciers, dramaturges ou poètes avec de nombreux remaniements ayant abouti au grand cycle "LANCELOT-GRAAL" mais aussi "MERLIN" de Robert de Boron au XIIè siècle, la "Mort d'Arthur" de Thomas Malory à la fin du XVè siècle, les "Chevaliers de la Table ronde" de Creuzé de Lesser en 1813, les "Idylles du roi" de Tennyson en 1842, "King Arthur" de George Bulwer-Lytton en 1848, "The Waste Land" de T.S Eliot en 1922, les "Chevaliers de la table ronde" de Jean Cocteau en 1937, le "Roi pêcheur" de Julien Gracq en 1948 ... L'univers arthurien a également été source d'inspiration pour des musiciens : "King Arthur" de Purcell en 1691, "Parsifal" de Wagner en 1877, "Viviane" et "le Roi Artus" de Ernest Chausson en 1903... Nombreux sont aussi les cinéastes qui ont donné leur vision.

 

     Chrétien de Troyes : les prouesses des chevaliers vont bien au-delà des exploits terriblement physiques des chevaliers de chansons de geste. Le combat qui oppose Yvain, le Chevalier au lion, à Harpain (chap. IX) se termine par une série de comparaisons de boucherie : trancher une grillade, tailler dans le lard, arracher un gigot, tremper la lance dans le sang comme dans une sauce. Cependant le roman ne manque pas d'humour : lorsqu' Yvain, devenu invisible, observe les chevaliers qui enragent de ne pas le trouver; de la magie avec l'onguent de la jeune fille qui le guérit de sa folie, un peu d'irrévérence lorsque Chrétien de Troyes nous dit qu'avant un combat Yvain a bien confiance en Dieu ... mais ne néglige pas son lion pour autant! enfin, quelques réflexions sur l'inconstance des femmes que l'on ne peut manquer de remarquer dans ce roman courtois qui fait pourtant la part belle à la "dame". Les personnages se forgent un destin personnel contrairement aux chansons de geste avec un destin tragique dans l'univers féodal. Yvain ne lutte pas pour la grandeur du royaume ou de la chrétienté ou pour maintenir sur le trône un roi légitime à l'autorité contestée. C'est par attrait de l'aventure et de sa plénitude (seigneur de la fontaine merveilleuse).Yvain épousera la fée Laudine avant d'être mûr pour le mariage et devra accomplir une lente maturation personnelle pour reconquérir la dame. Parcours d'équilibre entre amour et chevalerie en triomphant du guerrier surnaturel Esclados. On y ajoute une ambiance de légende et de mythologie avec des dragons qui crachent du feu, des monstres engendrés par des divinités diaboliques auxquels on paie chaque année un tribut de trente jeunes filles, des géants... La forêt de BROCéLIANDE ne tire-t-elle pas son nom de "Bréchéliant" qui signifie en langue celtique "forteresse de l'Autre Monde"? Deux mondes cohabitent : celtique, plus mystérieux, et chrétien, plus rationnel où le christianisme s'approprie des lieux celtiques, comme cette chapelle située près de la fontaine occupée par une divinité des eaux.

     L'"amour courtois" inspire les romans de Chrétien de Troyes à partir du "Conte de la Charrette".

 

     Pour la critique de la Société de l'époque: qui veut enseigner les bonnes manières, fait implicitement le procès des mauvaises! Ainsi le "Livre des manières" d'Etienne de Fougères, évêque de Rennes de 1168 à 1178, nous offre le point de vue d'un prélat qui, pour avoir longtemps sacrifié aux plaisirs du siècle, n'en était que plus qualifié pour en formuler la critique, à l'heure tardive du repentir. Rutebeuf, lui, réserve ses flèches à une catégorie bien déterminée, les femmes, les bourgeois et les vilains.

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Fabliaux et Contes choisis du Moyen-Age

A la fin du xIIè siècle le veine héroïque des chansons de geste est épuisée. A côté de la poésie lyrique, idéaliste et romanesque, aristocratique et raffinée, qui va fleurir, commence à se développer une poésie plus réaliste, celle des "fabliaux" et du "roman de renart". Le premier fabliau (forme picarde ayant prévalu au françois fableau) connu est de 1159; le genre va prospérer au XIIIè siècle, pour s'éteindre au début du XIVè. Nous avons conservé à peu près 150 fabliaux, dont les "dits moraux" ou les "lais sentimentaux" mais aussi des contes merveilleux et de pieuses légendes. Le fabliau est un "CONTE court à RIRE", destiné à être récité, non chanté. Il n'utilise guère le surnaturel, est ironique et frondeur, sans être proprement satirique.

     L'INDE aurait été le berceau des contes : tous nos fabliaux en viendraient, ayant passé par les diverses littératures orientales (arabes, juives, syriaques, persanes) pour être traduites en latin et enfin en langue "vulgaire" par nos conteurs. D'autres nous seraient parvenus par la voie orale de Byzance et les Croisades. Mais il y en a qui ne peuvent être nés qu'en France, avec un jeu de mots, un trait de moeurs bien français. Ils se sont surtout développés en Artois, Flandres et Picardie avec des jongleurs errants, des trouvères, des clercs lettrés et même des gens d'église et des seigneurs.Les personnages préférés du fabliau sont les gens de classe moyenne : bourgeois, marchands, prêtres et moines, chevaliers de petite noblesse avec les traits  de cupides ou brutaux, querelleurs ou gourmands, trompeurs ou trompés, quelques fois généreux et sages; mais la ruse et la sottise font plus rire que la sagesse avec une dose de vices et et de ridicules pointés du doigt.

     Le "ROMAN de RENART" est un immense recueil d'histoires d'environ 30 000 vers répartis en 27 branches, composées depuis la fin du XIIè jusqu'au milieu du XIIIè siècle par différents auteurs. Ces aventures mettent aux prises le goupil RENART et son compère le loup YSENGRIN. On ne connait que trois auteurs, Pierre de Saint-Cloud, Richard de Lison et le "prêtre de la Croix-en-Brie". Les branches furent écrites en langue d'oïl, sur un secteur de Normandie à la Brie et l'Artois. Une petite partie le fut aussi en dialecte franco-italien. Ces histoires ont été pratiquées à partir d'oeuvres latines contant des aventures d'animaux ou des fabulistes anciens Esope, Phèdre, Babrius. Il faut aussi noter l'influence des fables de Marie de France, des Ysopets, des chansons de geste et des romans arthuriens en pleine vogue à la fin du XIIè siècle. Pour égayer son public le trouvère insère une incongruité exactement comme le fera Rabelais trois siècles plus tard. La Fontaine nous touchera plus que nos vieux trouvères parce qu'il s'est mis lui-même dans ses fables.

     Renart sera présenté comme un goupil terreur des basses-cours, mais aussi comme un personnage rusé, hardi, insolent, dénué de scrupules, menteur et larron,également plein de resources, beau parleur et perdant rarement courage dans les pires situations. Son compère Ysengrin, parfois appelé son "oncle" est au contraire borné, brutal, vorace mais il n'est pas incapable de bons mouvements.

     La "CHANSON de ROLAND"

Première oeuvre de littérature écrite en ancien français, et non en latin, vers 1100, c'est la plus célèbre de nos chansons de geste. Le mot "chanson" n'a pas le sens moderne de petite pièce divisée en couplets accompagnés d'un refrain. Les trouvères ont donné ce nom à de grandes compositions, à de longs poèmes qui étaient chantés. Le mot "geste" (du latin gesta, verbe gerere : faire, accomplir) est à prendre avec le sens d'actions mémorables comme la "geste du roi Charlemagne". La "Chanson de Roland" a rendu célèbre le personnage durant tout le moyen âge jusqu'au début de la Renaissance et ce daOlifantns tous les pays d'Europe. 

     Le moine bénédictin Guillaume de Malmesbury prétendit dans la première partie de son Histoire d'Angleterre (Gesta regum Anglorum) écrite au début du XIIè siècle, qu'elle fut chantée par les Normands à la bataille d'Hastings, en 1066. Cependant le texte fut délaissé progressivement et considéré comme perdu. C'est seulement en 1832 qu'un élève de l'Ecole Normale Supérieure, Henri Monin, signala l'existence à la Bibliothèque Royale (maintenant Nationale) de deux manuscrits relatant "un roman fort curieux... intitulé le Roman de Roncevaux". En 1837, Francisque Michel publia une édition d'un manuscrit conservé à la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford, qui contenait une version plus ancienne que les manuscrits de Paris. Puis parurent des études sur d'autres manuscrits à Venise, Châteauroux, Lyon, Cambridge, ... Durant tout le Moyen Age, le poème fut remanié pour satisfaire le goût du jour. Aussi les manuscrits ne sont pas tous de la même importance (la version Oxford compte 4 002 vers, celle de Paris plus de 12 000). Le récit se divise en trois parties :

- la trahison de Ganelon; depuis sept ans Charlemagne lutte contre les Sarrasins d'Espagne; il a conquis tout le pays, sauf Saragosse où règne le roi Marsile, las de la guerre. L'ambassade envoyée à Charlemagne est chargée de faire de mensongères propositions pour obtenir la paix. Le neveu Roland ne croit pas à la sincérité de Marsile et craint un piège. Mais Ganelon conseille de conclure le traité. Le messager désigné par Roland sera son beau-père Ganelon qui en est fort irrité. Il s'engage avec les Sarrasins à le faire mourir en le plaçant à l'arrière-garde de l'armée.

- le désastre du défilé de Roncevaux (situé le 15 août 778) et la mort de Roland (préfet des Marches de Bretagne) : Roland par trois fois refuse de donner du cor pour appeler à l'aide Charlemagne. Son armée succombera sous le nombre et, seul survivant, il défendra son épée Durendal pour qu'elle ne tombe pas aux mains de l'ennemi. Mais frappant par dix fois un rocher celle-ci ne s'ébrèche pas.

- la vengeance de Charlemagne sur les Sarrasins et Ganelon : Charlemagne poursuit les assaillants et les tue. Marsile appelle en renfort l'émir de Babylone. Une bataille a lieu dans une plaine où Charlemagne est sauvé par saint Gabriel. De retour à Aix-la-Chapelle un combat avec jugement de Dieu fait condamner Ganelon attaché à quatre chevaux et écartelé. 

Et la réalité historique? 

Il se pourrait que cette bataille fut une très grosse défaite pour Charlemagne contre des "Gascons"! : malgré le silence voulu des clercs soixante ans après on connaissait encore le nom des chefs qui y avaient été tués. Selon une version, on était dans une période de crise dynastique qui enlevait le pouvoir aux Carolingiens en 987, après la mort de Louis V, pour le donner à Hugues Capet. On essaya avec cette Chanson de glorifier la Maison de Charlemagne. Une autre version fit jour avant la seconde croisade, vers 1146, pour servir les plans du prêcheur saint Bernard et la lutte contre les Sarrasins. Enfin, il existe une version anglo-normande vers 1158 pour appuyer la politique d'Henri Plantagenêt, comte d'Anjou, duc de Normandie et d'Aquitaine et depuis 1154 roi d'Angleterre, avec en ligne de mire le Royaume de France.

Alain RACINEUX, historien local :

     "Ce ne sont pas des Sarrasins mais des Vascons, alias les Basques, qui ont tué Roland pour venger le sac de Pampelune : selon la "Vita Karoli Magni", une oeuvre écrite entre les années 829 et 836 par Eginhard, moine et chroniqueur, les Vascons massacrèrent Roland et toute son armée au cours de la bataille de Roncevaux. Le roi Charles Ier, futur Charlemagne, conduisit effectivement ses troupes à Saragosse en Espagne à la demande du wali de la ville Soliman ibn al-Arabi. Mais ce dernier ayant été remplacé entre-temps, Charles trouva les portes de la ville closes. Pour compenser cet échec l'aile occidentale de l'armée franque, conduite par le roi, s'en prit à la ville navarraise de Pampelune qui avait pourtant résisté à la pression musulmane, mais dont les Francs rasèrent les défenses. Le 15 août 778, en représailles, des Vascons rattrapèrent et anéantirent l'arrière-garde de l'armée du roi Charles, lourdement armée, alors qu'elle progressait dans une vallée encaissée depuis Roncevaux. Roland et quelques autres nobles y trouvèrent la mort, ainsi que le comte du palais Anselme le preux. Et les Vascons reprirent le butin de Pampelune.

     De nos jours en Bretagne Armoricaine nous pouvons nous promener dans la forêt de "BROCéLIANDE" entre Ploërmel et Rennes : le site www.broceliande-vacances.com  peut vous aider à y passer un bon séjour.

      NOUVEAUTé avec l'Office du Tourisme  faire "tourisme-broceliande.bzh": "LA PORTE DES SECRETS" durée 1h, séance toutes les 20 mn Tarif 2021 : 8 ou 5 euros 

                  N'oubliez pas également : Circuit pédestre "ARBRE d'OR" en partant de Tréhorenteuc

    Avant l'expédition de Roncevaux en 778, Roland fut Préfet de la "Marche de Bretagne". La péninsule armoricaine, occupée par des Bretons très guerriers, se devait d'être surveillée par un homme de confiance.   

      " LEGENDE du Saut de ROLAND" avec un magnifique circuit pédestre à DOMPIERRE-du-CHEMIN (entre Vitré et Fougères).

                             C'est aussi le Pays du conteur musicien appelé Bruno ...CHEMIN!!!

 

 

     

     

 

 

 

     

 

 

 

 

 

     

 

 

     

    

     
   

  

    

1 - La révolte  des Bonnets Rouges et du papier timbré (1675) et les "Bonnets rouges" 2016

2 - "Quatre-vingt-Treize" de Victor Hugo

 3- "Les “Chouans” et “Béatrix” de Balzac et la “Chouannerie en Acigné”

  

1 - La révolte des Bonnets Rouges et du papier timbré - l'affaire La Chalotais

      Louis XIV (1638 - 1715) mène "grand train de vie". Le règne du "Roi Soleil, qui se situait au-dessus des hommes", le mal nommé "Soleil" car il fut des plus froids. Ce "petit âge glaciaire" fut très dommageable à l'agriculture et aux paysans....

     Nota : on parle de "minimum de Maunder" pour situer l'activité du soleil entre 1645 et 1715.  Le soleil croit son activité durant environ cinq ans puis décroît sur la même durée. Chaque cycle est une inversion des pôles magnétiques. La quantité de carbone 14 dans le bois permet de connaitre l'activité solaire.On l'aura ainsi observée en remontant à l'année 900 de notre ère. Depuis 1755 on relève le nombre de taches solaires depuis l'observatoire de Paris, ce qui nous permettait de connaitre l'activité solaire et de savoir qu'un cycle solaire dure environ 11 ans. En 2020 nous entamons un 25ème cycle qui devrait être plus faible mais aussi lié désormais aux facteurs des interactions anthropiques, liées à nos activités humaines (déforestation, extractions, industries et activités polluantes...)

     S'ajoutant les nombreuses guerres avec ses voisins européens - en 1675 avec la Hollande - les caisses de l'état sont vides. Son ministre Colbert décide de taxer le peuple avec un impôt sur la vaisselle d'étain, sur le tabac et sur le papier timbré.

     Depuis le traité de 1532 du Plessis-Macé on a attribué à la province Bretagne une autonomie fiscale. Aussi ces trois impôts sont mal-venus. Du 3 au 17 avril, le peuple de Rennes s'enflamme et détruit les locaux délivrant le "papier timbré" le 18 avril 1675. On se gausse de cette révolte en parlant alors de "révolte des ivrognes".L'ordre public répondra assez mollement. Ce sera ensuite le tour de Nantes avec l'échange d'un évêque contre une émeutière. Puis d'autres villes seront concernées : Dinan, Guingamp, Lamballe, Montfort, Pontivy, Questembert, Saint-Malo,Vannes. C'est une action qui s'exerce contre une multiplication des impôts à verser à des privilégiés. L'impôt sur le papier existait déjà. Mais l'évocation de l'instauration de la "Gabelle"- impôt sur le sel dont la Bretagne est exemptée car productrice - au Pardon de Saint Urlo fin juillet dans le Morbihan et d'une taxe sur le TABAC enflamme la Bretagne.

     A Carhaix, un notaire - Sébastien Le Balp -, dirige la révolte envers les "maltôtiers" mais également les châteaux des nobles. Une armée de "BONNETS ROUGES" se lève également dans le Léon, Tréguier, Saint-Brieuc. En Cornouaille, les révoltés portent des "BONNETS BLEUS" .On visite les châteaux des seigneurs, les Jésuites, les recteurs et les gens du fisc.Réunis à la chapelle de la "Tréminou", près de Pont-L'Abbé, les paysans inventent un nouveau "CODE" appelé "Quoyie", "breton", "paysan" ou "pessavate" : abolition des corvées, des dîmes, de la banalité du moulin, et réduction des droits sur le vin reçu de l'étranger; l'argent des "fouages anciens" devra être employé à acheter du tabac, distribué avec le pain bénit aux messes paroissiales; le droit de chasse sera réglementé (à interdire du 1er mars au 15 septembre), les colombiers seront rasés, pleine liberté sera rétablie pour tous de tirer sur les pigeons; recteurs et curés seront salariés par leurs paroissiens; la justice ne sera plus rendue par le seigneur mais par un juge salarié; les mariages seront permis entre noblesse et paysannerie, les successions seront partagées équitablement.

     Mais l'élan sera stoppé par une terrible répression. Sébastien Le Balp est tué par le marquis de Montgaillard le 3 septembre. On ira jusqu'à déterrer son corps, le rompre et l'exposer sur la roue. On assiste à de nombreuses exécutions et à des peines de galères. Le gouverneur de Bretagne fait pendre quatorze paysans au même arbre à Combrit : "les arbres commencent à pencher sur les grands chemins sous le poids qu'on leur donne". 

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    NOTA : "Le bonnet phrygien de notre Marianne républicaine n'est autre que celui des bonnets rouges de Sébastien Le Balp. La quasi-totalité des députés bretons, convoqués aux Etats généraux, étaient francs-maçons. Ce club des députés bretons, qui avaient tous leur bonnet rouge dans la poche, a joué un rôle majeur dans l'abolition des privilèges, dans la nuit du 3 août 1789. D'autre part, il existait en Bretagne des liens très forts entre jésuites et francs-maçons qui s'intéressaient aux questions sociétales, faisaient de l'entrisme, de la diplomatie, s'opposaient à Paris ou à Rome. La Parfaite union à Rennes, ou les Amis de Sully à Brest, font partie des loges les plus anciennes de France. C'est aussi en Bretagne que sont nées la franc-maçonnerie forestière et celle du bois, très liées au néo-druidisme." d'après "Le Compas et l'hermine" d'Arnaud d'Apremont 2019 - et Mémoire DEC Diplôme d'Etudes Celtiques UHB Rennes 2

     On peut ajouter que ce bonnet phrygien de Marianne était celui des "affranchis de la Rome antique" (esclave libéré par son maître). Cette période 509 à 27 avant J.C. était celle d'une République qui reposait toutefois sur l'esclavage! Saint-Malo aura connut sa "République" de 1590 à 1594 et un témoignage toujours d'actualité rappelé sur sa devise "Ni français, Ni breton, Malouin suis" avec son drapeau qui flotte au-dessus du français et du breton... On aura eu une première République réunissant la France de l'époque en 1792 jusqu'en 1799 puis une seconde de 1848 à 1852 avec alors le modèle de la Constitution américaine de 1787. La troisième République durera de 1870 à 1940 et la quatrième de 1946 à 1958. Depuis nous sommes en cinquième République. Avant sa période de la "Terreur" la Révolution française s'est proclamée "pays des droits de l'homme" en 1789. Ces textes sont la base de la "Déclaration universelle des droits de l'homme" depuis 1948.

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     A Rennes, le Duc de Chaulnes parle de 15 000 coupables à punir. Mme de Sévigné rapporte que le "violoneux Daligault, qui avait commencé la danse et la pillerie, est rompu vif sur la place du Palais avant que son corps ne soit coupé en quatre morceaux exposés à un poteau à l'entrée des quatre principaux faubourgs." Un dénommé Jean Rivé est décapité place Sainte-Anne, sa tête ensuite exposée sur une pique au pont Saint-Martin avec un panneau :"chef des séditieux". Louis XIV punit la ville de Rennes avec la présence de 4 000 hommes. Le parlement de Bretagne,suspecté d'intelligence avec l'insurrection, sera envoyé en exil à Vannes, ce qui fera baisser Rennes de 2 à 3 000 personnes d'une population évaluée  entre 45 et 50 000 habitants.

      Face à la cathédrale de Vannes, l'ancien marché couvert, avec à l'étage le palais de justice ducal, a eu plusieurs vies. C'est là que se sont tenues pendant quinze années les sessions du parlement de Bretagne après cet exil de 1675. Après la Révolution, il est devenu un théâtre avant d'accueillir le musée des beaux-arts de la ville : la "COHUE", mot français isssu du breton "coc'hui" qui veut dire "halle". De nos jours le samedi est jour de marché.

     Cette répression violente, avec 6 000 hommes, aura des conséquences dans la mémoire des paysans bretons tout au long du XVIII ème siècle et expliquera une partie des exactions à la Révolution Française.

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     "Les gars de Plouyé" : une révolte avait déjà eu lieu en 1490 dans le Poher, partie de Plouyé. La misère sévissait et des milliers de paysans s'étaient unis pour brûler les châteaux et se répartir les terres. Ils s'emparèrent de Quimper le 30 juillet et la pillèrent durant quatre jours. Mais la troupe arriva et massacra les paysans armés de fourches à Penhars le 4 août puis dans un champ à la Boexière près de Pont-L'Abbé que l'on appela "Prat mil goff" (le pré des mille ventres) et enfin à Châteauneuf-du-Faou.

       D'autres BONNETS VERTS, ROUGES, BRUNS ou GRIS : au bagne de Brest 1782/1783, les criminels condamnés à vie continueront à porter l'habillement et le BONNET ROUGE, ceux condamnés "à terme" porteront aussi l'habillement rouge mais le BONNET VERT; les faux-sauniers, contrebandiers, braconniers et autres de cette classe porteront l'habit vert et le BONNET ROUGE, ceux condamnés "à terme" auront l'habillement et le BONNET VERT, les déserteurs et autres condamnés à vie pour délits militaires continueront à porter l'habit et le BONNET BRUN, ceux condamnés "à terme" porteront aussi l'habit brun mais le BONNET GRIS.

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     O.F. 20/6/16 : "Bonnets rouges : le collectif mis en veille". Une manière pour le mouvement de prendre du recul par rapport à la politique et aux diverses campagnes qui se jouent actuellement, notamment celle de Christian Troadec, maire de Carhaix et candidat à la présidentielle. "Son aventure n'est pas celle des Bonnets rouges" précise Jean-Pierre Le Mat. Le choix a été fait à Huelgoat où une cinquantaine de membres se sont réunis. "en 2013, l'écotaxe était notre objectif. Elle a été abandonnée. Désormais le mouvement peut être mis en veille." un réseau qui pourra aussi se réveiller "si une menace pèse à nouveau sur le territoire breton".

     O.F. 20/12/2019 : "Un café-librairie, rue de Dinan à Rennes, "Le Papier timbré" : lieu de réunion de militants d'extrême-gauche - selon un parti d'extrême droite - qui abrite une maison d'édition bretonne recevant une aide financière de la Région.Le "Papier timbré" est animé par Jean-Marie Goater, maire-adjoint à la mairie de Rennes. Jean-Michel Le Boulanger, chargé de la Culture à la Région, rappelle que la "liberté d'expression" est un droit constitutionnel ...

     O.F. 2/3/2021 : en plein Covid, sous couvre-feu, "un bar vandalisé par un groupe d'extrême droite" : Des vitres ont été brisées, les murs du bar "Le Papier timbré" tagués avec des croix gammées et le nom d'un groupuscule. Ce bar récemment racheté avait ouvert le 9 octobre pour fermer le 23 octobre, en raison du Covid. Le nouveau patron du bistrot garde des liens avec les clients via la page Facebook : "Les murs multiséculaires du bar ont de nouveau été témoins et victimes de la bêtise et de la haine que l'on espérait reléguées dans les livres d'histoire! La diversité culturelle, sociale, qui fait tant peur aux étriqués de la pensée, continuera à s'exprimer et à se vivre dans la chaleur d'un spectacle, la fraîcheur d'une bonne bière!"  Fabienne Richard - Et en 1675, les manifestants étaient-ils d'extrême gauche ou droite?

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     L'affaire "La Chalotais" : en 1762 débute un conflit lancé par la politique des travaux du duc d'Aiguillon, récemment nommé commandant en chef de la Bretagne par le roi, et le procureur Louis René de Caradeuc de La Chalotais, soutenu par les députés bretons qui votent également la dissolution de l'ordre des Jésuites en Bretagne. Depuis sa création par Ignace de Loyola en 1534, la "Compagnie de Jésus" enseigne dans des collèges aux garçons des classes aisées dirigeantes avec pour principe "pauvreté, chasteté et obéissance (au pape). Les Jésuites sont aussi des missionnaires actifs en Europe et outre-mer. Leur obéissance totale au pape, souverain italien puissant, les nomment alors "agents de l'étranger", d'où ces rejets au XVIIIème siècle. La papauté supprimera l'ordre de 1773 à 1814...On peut rétrospectivement penser aux Jésuites avec l'Ordre des "Templiers" qui tenait directement ses ordres du Pape. A la démission du parlement, la réplique d'emprisonnement de La Chalotais va lui amener une immense popularité qu'il goûtera dans son château du "Boschet" à Bourg-des-Comptes, son "Petit Versailles Breton"... www.chateauduboschet.fr   Il faudra cependant 6 années pour que le duc d'Aiguillon quitte ses fonctions et que le parlement soit rétabli.


      Le vrai faux témoignage de la Marquise de Kerabatz (qui tacle la Marquise de Sévigné) : elle a "tout vu, tout entendu" depuis sa fenêtre avec ce grand incendie de 1720 dans la ville de Rennes. "Elevée à la cour, je me flatte d'être bonne bretonne. Quand j'ai vu dans les lucarnes magiques, que ce petit menuisier de La Cavée, dont on dit qu'il a mis le feu à Rennes, et certains gros bourgeois deviser à qui mieux mieux sur le Grand feu, j'ai cru qu'il estoit de mon devoir de dame de condition de dire la vérité. 

     Tout ce que je raconte est vray, mais je dois confesser que j'ay hérité de ma bonne tante de Sévigné de dire un peu de faux pour faire sentir le vray"....!!!

 

     2 - "Quatre-Vingt-Treize" de Victor HUGO (qui aurait pu s'appeler "Féodalité et Révolution")

     Le père de Victor HUGO est d'origine lorraine, fils de menuisier. Entré dans l'armée en 1788 ,à 15 ans, il est "républicain et quelque peu soudard". Le capitaine HUGO participe en 1793 à la guerre de Vendée ce qui explique aussi les "réalités du terrain" et l'orientation des écritures à venir du fils. Sophie TREBUCHET, sa mère nantaise, surnommée "la vendéenne"car passée du républicanisme au royalisme, était la fille d'un capitaine de navire, de nature plus réservée.... Conflits en tous genres! Sophie s'était réfugiée en 1794 avec son grand-père chez sa tante alors que la Révolution fait rage dans sa ville natale. C'est ainsi qu'elle rencontre, à Chateaubriant (44), son futur mari Joseph HUGO. Ils auront trois fils Abel, Eugène et le benjamin Victor.

    Victor HUGO à 14 ans : "Je veux être Chateaubriand ou rien". Brillant latiniste il est récompensé pour deux "Odes" à Toulouse à 16 ans. A 19 ans il fait connaissance du rennais LAMENNAIS qu'il admire comme étant "une dure, sagace et vaillante tête bretonne". A 27 ans il écrit contre la peine de mort. A 31 ans il rencontre la comédienne Juliette DROUET qui sera la vraie "femme de sa vie". Il viendra en Bretagne à 32 ans et à 34 ans. Député, il sera exilé politique en 1852 en Belgique puis Jersey et Guernesey (ou il plante symboliquement en 1870 un "chêne des Etats-unis d'Europe").

     Cet ouvrage fut écrit par Victor HUGO à 70 ans! " Je commence ce livre aujourd'hui 16 décembre 1872. Je suis à Hauteville-House (Guernesey)." "10 mai : une épine m'est entrée dans le talon. Je suis forcé de continuer assis ce livre...Aujourd'hui 19 mai mon pied est guéri; je me remets à écrire debout." Il finira l'ouvrage le 9 juin 1873 à Guernesey. Il sera publié en 1874. On dira que "Quatre-Vingt-Treize" est le "Guernica" de la Révolution française."

     Michel MOHRT, dans une préface, avertit le lecteur : "Le soulèvement de l'Ouest contre la république continuait, par certains de ses aspects, d'autres soulèvements du temps de la monarchie. L'un des premiers chefs  de la révolte, le marquis de la Rouërie, ne manquera jamais de préciser qu'il avait pris les armes pour "défendre les libertés bretonnes".  Il s'employa à obtenir des princes la confirmation des privilèges et des franchises de la province. Les libertés des pays de droit coutumier qui, sous l'Ancien Régime, avaient un Parlement qui votait l'impôt, ne pouvaient subsister sous le règne de la liberté républicaine, déesse aveugle et tyrannique. Le paysan breton préfèrera se battre chez lui pour des biens tangibles que se battre aux frontières pour une abstraction."

     En bon républicain Victor Hugo aura écrit que "le Breton parle une langue morte, ce qui est faire habiter une tombe à sa pensée"; moins méprisant que Gustave Flaubert qui n'y compris que "de rauques syllabes celtiques mêlées au grognement des animaux et au claquement des charrettes" "Par les champs et les grèves".

     Chouans et Vendéens : La demande de levée de 300 000 hommes en 1793 pour combattre aux frontières de l'est provoquera à l'Ouest de la France une insurrection. Au sud de la Loire les Vendéens disposent d'une vraie armée bien organisée de près de 50 000 hommes. Quant aux "Chouans" répartis au nord du fleuve il s'agissait surtout de bandes indépendantes. Le mot "chouan" provient du surnom donné au contrebandier de sel entre Bretagne et Maine (Mayenne) - Jean Cottereau - qui utilisait le hululement du chat-huant comme cri de ralliement pendant ses expéditions nocturnes. Les deux mouvements se déclarent royalistes et catholiques, se démarquant des "Bleus" républicains. Victor Hugo et d'autres écrivains du XIXème siècle désigneront ces mouvements d'une manière globale avec le mot "Vendée". Ne pas confondre "Vendéens et Chouans"! Les gens de Vendée se sont surtout soulevés pour défendre leur foi et leurs "bons prêtres". Parfois cependant pour leurs seigneurs royalistes... Les "Chouans" royalistes arborent des étendards vendéens "Pour Dieu et le roi". A leurs procès, au pied de la guillotine, les minutes le confirment. La "Chouannerie" est un mouvement uniquement royaliste et plus tardif qui se développe au nord de la Loire, en Bretagne, Mayenne, Sarthe et Normandie.

     EXTRAITS de "QUATRE-VINGT-TREIZE" :

      "Dans les derniers jours de mai 1793, un des bataillons parisiens amenés en Bretagne par Santerre fouillait le redoutable bois de la Saudraie en Astillé. On n'était plus que trois cents, car le bataillon était décimé par cette rude guerre. C'était l'époque où, après Argonne, Jemmapes et Valmy, du premier bataillon de Paris, qui était de six cents volontaires, il restait vingt-sept hommes, du deuxième trente-trois, et du troisième cinquante-sept. Temps des luttes épiques.Le 1er mai, Santerre était prêt à faire partir douze mille soldats, trente pièces de campagne et un bataillon de canonniers....Le 28 avril, la commune de Paris avait donné aux volontaires de Santerre cette consigne : "Point de grâce, point de quartier. A la fin de mai, sur les douze mille partis de Paris, huit mille étaient morts....."

        "Le bois de la Saudraie était tragique. C'était dans ce taillis que, dès le mois de novembre 1792 la guerre civile avait commencé ses crimes...." -"Es-tu des bleus? Es-tu des blancs? Avec qui es-tu? - Je suis avec mes enfants.- Dis-nous ce que c'était tes parents? - C'étaient des laboureurs. Mon père était infirme et ne pouvait travailler à cause qu'il avait reçu des coups de bâton que le seigneur, son seigneur, notre seigneur, lui avait fait donner, ce qui était une bonté, parce que mon père avait pris un lapin, pour le fait de quoi on était jugé à mort; mais le seigneur avait fait grâce et avait dit : Donnez-lui seulement cent coups de bâton; et mon père était demeuré estropié. - Et puis? - Mon grand-père était huguenot. Monsieur le curé l'a fait envoyer aux galères. J'étais toute petite. - Et puis? - Le père de mon mari était un faux-saulnier. Le roi l'a fait pendre. - Et ton mari, qu'est-ce qu'il fait? - Ces jours-ci, il se battait - Pour qui? - Pour le roi - et puis? - Dame, pour son seigneur - Et puis? - Dame, pour monsieur le curé - Sacré mille noms de noms de brutes! cria un grenadier.... - Et ton mari, madame? que fait-il? Qu'est-ce qu'il est devenu? - Il est devenu rien, puisqu'on l'a tué du côté d'Ernée... - La nuit passée, nous avons couché dans une émousse - Alors, dit le sergent, couché debout. - Camarades, un gros vieux arbre creux et mort où un homme peut se fourrer comme dans une gaine, ces sauvages appellent ça une émousse... - Coucher dans le creux d'un arbre! dit la vivandière, et avec trois enfants! Le sergent se redressa et l'on vit une grosse larme rouler sur sa joue "Camarades, de tout ça je conclus que le bataillon va devenir père. Nous adoptons ces trois enfants-là. - Vive la république! crièrent les grenadiers.

     La corvette "CLAYMORE" : "... Au moment où il était monté sur la corvette, son manteau de mer s'était entr'ouvert, et l'on avait pu le voir vêtu, sous ce manteau, de larges braies dites "bragou-bras", de bottes-jambières, et d'une veste en peau de chèvre montrant en dessus le cuir passementé de soie, et en dessous le poil hérissé et sauvage, costume complet du paysan breton. Ces anciennes vestes bretonnes étaient à deux fins, servaient aux jours de fête comme aux jours de travail, et se retournaient, offrant à volonté le côté velu ou le côté brodé; peaux de bête toute la semaine, habits de gala le dimanche.... Ce vieillard avait sur la tête le chapeau rond du temps, à haute forme et à large bord, qui, rabattu, à l'aspect campagnard, et, relevé d'un côté par une ganse à cocarde, a l'aspect militaire. Il portait ce chapeau ras baissé à la paysanne, sans ganse ni cocarde...", "... C'est un prince. - Presque                - Gentilhomme en France, mais prince en Bretagne - Comme les La Trémoille, comme les Rohan - Dont il est l'allié...", "... Il est temps qu'il y ait un chef. Je suis de l'avis de Tinténiac : un chef, et de la poudre! Dans cette diable de Vendée il faut un général qui soit en même temps un procureur; il faut ennuyer l'ennemi, lui disputer le moulin, le buisson, le fossé, le caillou, tirer parti de tout, veiller à tout, massacrer beaucoup, faire des exemples, n'avoir ni sommeil ni pitié. A cette heure, dans cette armée de paysans, il y a des héros, il n'y a pas de capitaine. D'Elbée est nul, Lescure est malade, Bonchamps fait grâce; il est bon, c'est bête;La Rochejaquelein est un magnifique sous-lieutenant. Cathelineau est un charretier naïf, Stofflet est un garde-chasse rusé, Charrette est horrible..." "Quel vis-à-vis que cette guerre de Vendée : d'un côté Santerre le brasseur, de l'autre Gaston le merlan! - Mon cher La Vieuville, je fais un certain cas de ce Gaston. Il n'a point mal agi dans mon commandement de Guémenée. Il a gentiment arquebusé trois cents bleus après leur avoir fait creuser leur fosse..." "... Ah! cette république! Que de dégâts pour peu de choses! Quand on pense que cette révolution est venue pour un déficit de quelques millions!" "...Ceci est la guerre sans miséricorde. L'heure est aux sanguinaires. Les régicides ont coupé la tête de Louis XVI, nous arracherons les quatre membres aux régicides. Dans l'Anjou et le Haut-Poitou les chefs font les magnanimes; on patauge dans la générosité; rien ne va. Dans le Marais et dans le pays de Retz, les chefs sont atroces, tout marche. C'est parce que Charette est féroce qu'il tient tête à Parrein. Hyène contre hyène..."

     "... Quant à la "croisière", c'était cette escadre de Cancale, devenue depuis célèbre sous le commandement de ce capitaine Duchesne... La situation était critique. La corvette avait, sans le savoir, pendant le déchaînement de la caronade, dévié et marché plutôt vers Granville que vers Saint-Malo. Quand même elle eût pu naviguer et faire voile, les Minquiers lui barraient le retour vers Jersey et la croisière lui barrait l'arrivée en France...." "... Chevalier, lui cria le capitaine, nous sommes en présence de trois cent quatre-vingts pièces de canon. - Combien décidément avons-nous de pièces en état de faire feu? - Neuf... Les huit navires silencieux et noirs semblaient immobiles, mais ils grandissaient." La "Claymore", enfermée dans ce demi-cercle, et d'ailleurs garrottée par ses propres ancres, était adossée à l'écueil, c'est-à-dire au naufrage. C'était comme une meute autour d'un sanglier..." "... Quelques instants après, un de ces petits canots qu'on appelle youyous s'éloignait du navire. Dans ce canot, il y avait deux hommes, le vieux passager qui était à l'arrière, et le matelot de "bonne volonté". La nuit était encore très obscure...""La "Claymore" se mit à cracher de la flamme sur les huit navires. En même temps toute l'escadre faisait feu de toutes ses batteries. L'horizon s'incendia. On eût dit un volcan qui sort de la mer..." "-Monseigneur, dit Halmado, nous sommes ici à l'embouchure du Couesnon. - C'est bien. J'irai du côté de Fougères, toi du côté de Bazouges. Garde ton sac qui te donne l'air d'un paysan.Emjambe les échaliers pour aller à travers champs. N'entre pas dans Pontorson. Tu iras au bois de Saint-Aubin. Tu feras l'appel. Sais-tu faire l'appel? Halmado enfla ses joues, se tourna du côté de la mer, et l'on entendit le hou-hou de la chouette. - Voici l'ordre : Insurgez-vous. Pas de quartier! Tu iras ensuite au bois d'Astillé. Tu iras ensuite au bois de Couesbon qui est à une lieue de Ploërmel... Tu iras ensuite à Saint-Ouen-Les-Toits, et tu parleras à Jean Chouan, qui est à mes yeux le vrai chef... Je n'écris rien parce qu'il ne faut rien écrire. La Rouarie a écrit une liste; cela a tout perdu...        Tu verras M. Dubois-Guy à Saint-Brice-en-Cogle.... Tu te déguiseras. C'est facile. Ces républicains sont si bêtes, qu'avec un habit bleu, un chapeau à trois cornes et une cocarde tricolore on passe partout. Il n'y a plus de régiments, il n'y a plus d'uniformes, les corps n'ont pas de numéros; Tu iras à saint-M'Hervé. Tu y verras Gaulier, dit Grand-Pierre. Tu iras au cantonnement de Parné où sont les hommes aux visages noircis. Ils mettent du gravier dans leurs fusils et double charge de poudre pour faire plus de bruit, ils font bien; mais surtout dis-leur de tuer, de tuer, de tuer...."

     "...Il est grand temps de faire les deux guerres ensemble; la grande et la petite. La grande fait plus de tapage, la petite plus de besogne. La Vendée est bonne, la Chouannerie est pire; et en guerre civile, c'est la pire qui est la meilleure. La bonté d'une guerre se juge à la quantité de mal qu'elle fait.... J'aime mieux la guerre de forêts que la guerre des plaines; je ne tiens pas à aligner cent mille paysans sous la mitraille des soldats bleus et sous l'artillerie de monsieur Carnot; avant un mois je veux avoir cinq cent mille tueurs embusqués dans les bois. L'armée républicaine est mon gibier. Braconner, c'est guerroyer. Je suis le stratège des broussailles. Pas de quartiers et des embuscades partout! Tu ajouteras que les Anglais sont avec nous. Prenons la république entre deux feux. L'Europe nous aide. Faisons lui la guerre des paroisses..."

     "Le vieillard avait ce clocher de Cormeray devant lui, à une distance d'environ deux lieues; il regarda à sa droite le clocher de Baguer-Pican, également droit sur l'horizon.... La cage de tous ces clochers était alternativement noire et blanche. Cela signifiat que toutes les cloches étaient en branle.On sonnait le tocsin, on le sonnait frénétiquement... Certainement quelqu'un était traqué. Ce ne pouvait être que lui... Cette affiche était placardée depuis peu de temps, car elle était encore humide. Il lut ceci : République Française, une et indivisible. - Le ci-devant marquis de Lantenac, vicomte de Fontenay, soi-disant prince breton, furtivement débarqué sur la côte de Granville, est mis hors la loi. Sa tête est mise à prix.... " "...Le marquis regarda le mendiant. - Ecoutez, monsieur le marquis, ce n'est pas beau chez moi, mais c'est sûr. A la métairie vous seriez fusillé. - je suis un pauvre - Ni royaliste, ni républicain? - je ne crois pas - Etes-vous pour ou contre le roi? - Je n'ai pas le temps de ça" "Il y a dans un coin une cruche d'eau, une galette de sarrasin et des châtaignes.." " au bout d'un quart de lieue je suis las. Nous sommes pourtant du même âge; mais les riches, ça a sur nous un avantage, c'est que ça mange tous les jours. Manger conserve." "Est-ce que je vous avais rencontré autrefois? - Souvent, puisque je suis votre mendiant. J'étais le pauvre du bas du chemin de votre château. Vous m'avez dans l'occasion fait l'aumône; mais celui qui donne ne regarde pas, celui qui reçoit examine et observe.... On est des fois des vingt-quatre heures sans manger. Quelques fois un sou, c'est la vie. Je vous dois la vie, je vous la rends..."

     "Les bleus, et cela leur était ordonné par un décret révolutionnaire, punissaient très souvent, en y mettant le feu, les fermes et les villages réfractaires; on brûlait, pour l'exemple, toute métairie et tout hameau qui n'avaient point fait les abattis d'arbres prescrits par la loi et qui n'avaient pas ouvert et taillé dans les fourrés des passages pour la cavalerie républicaine. On avait notamment exécuté ainsi tout récemment  dans la paroisse de Bourgon près d'Ernée..." "Cette avant-garde ne faisait-elle pas partie d'une de ces colonnes d'expédition surnommées "colonnes infernales"? " ... Ce fourré, qu'on appelait le bocage d'Herbe-en-Pail, mais qui avait la proportion d'un bois, s'étendait juqu'à la métairie, et cachait, comme tous les halliers bretons, un réseau de ravins, de sentiers et de chemins creux, labyrinthes où les armées républicaines se perdaient..."

     "Ecartant de ses deux mains sa veste de peau de chèvre, il montra sa poitrine nue. Il baissa les yeux, cherchant du regard les fusils braqués, et se vit entouré d'hommes à genoux. Un immense cri s'éleva : "Vive Lantenac! Vive monseigneur! Vive le général! Ce qu'il avait autour de lui, c'était une bande vendéenne. Cette cohue était armée de fusils, de sabres, de faulx, de pioches, de bâtons; tous avaient de grands feutres ou des bonnets bruns, avec des cocardes blanches, une profusion de rosaires et d'amulettes, de larges culottes ouvertes au genou, des casaques de poil, des guêtres en cuir, le jarret nu, les cheveux longs, quelques-uns l'air féroce, tous l'oeil naïf."

        "Le marquis se tourna vers Gavard : -Combien donc êtes-vous? - Sept mille; l'affiche de la république, en révélant votre présence a insurgé le pays pour le roi. Nous avions en outre été avertis sous main par le maire de Granville qui est un homme à nous....  - Et vous êtes sept mille?                - Aujourd'hui. Nous serons quinze mille demain.C'est le rendement du pays. Quand M. Henri de la Rochejaquelein est parti pour l'armée catholique, on a sonné le tocsin, et en une nuit six paroisses lui ont amené dix mille hommes. - Quel sera votre quartier général, monseigneur? - D'abord la forêt de Fougères - C'est une de vos sept forêts, monsieur le marquis....       -Ne m'avez-vous pas dit que les gens d'Herbe-en-Pail avaient bien reçu les bleus? Avez-vous brûlé le hameau? - Non -Brûlez-le. - Les bleus ont essayé de se défendre; mais ils étaient cent cinquante et nous étions sept mille.   - Que faut-il faire des prisonniers? - Fusillez-les"

     "Il y a quelque chose de plus poignant à voir brûler qu'un palais, c'est une chaumière. Une chaumière en feu est lamentable. La dévastation s'abattant sur la misère, le vautour s'acharnant sur le ver de terre, il y a là on ne sait quel contre-sens qui serre le coeur.."

   A PARIS :   "Les expédients réussissaient à la révolution; elle soulevait cette vaste détresse avec deux moyens périlleux, l'assignat et le maximum; l'assignat était le levier, le maximum était le point d'appui. Cet empirisme sauva la France. L'ennemi, aussi bien l'ennemi de Coblentz que l'ennemi de Londres, agiotait sur l'assignat.." "Aucune défaillance dans ce peuple. La sombre joie d'en avoir fini avec les trônes. Les volontaires affluaient, offrant leurs poitrines. Chaque rue donnait un bataillon. Les drapeaux des districts allaient et venaient, chacun avec sa devise : "Nul ne nous fera la barbe; Plus de noblesse que dans le coeur". Les rues de Paris ont eu deux aspects révolutionnaires très distincts, avant et après le 9 thermidor; le Paris de Saint-Just fit place au Paris de Tallien. Un accès de folie publique, cela se voit. Cela s'était déjà vu quatre-vingts ans auparavant. On sort de Louis XIV comme on sort de Robespierre, avec un grand besoin de respirer; de là la Régence qui ouvre le siècle et le Directoire qui le termine.Deux saturnales après deux terrorismes. Après le 9 thermidor, Paris fut gai, d'une gaieté égarée. Une joie malsaine déborda. A la frénésie de mourir succéda la frénésie de vivre, et la grandeur s'éclipsa.C'est ainsi que Paris va et vient; il est l'énorme pendule de la civilisation. Après 93, la Révolution traversa une occultation singulière, le siècle sembla oublier de finir ce qu'il avait commencé...la tragédie disparut dans la parodie, et au fond de l'horizon une fumée de carnaval effaça vaguement Méduse..."

     "93 est la guerre de l'Europe contre la France et de la France contre Paris.Et qu'est-ce que la Révolution? C'est la victoire de la France sur l'Europe et de Paris sur la France.

     Le Cabaret de la rue du paon : "Robespierre posa la main sur les papiers étalés devant lui : Danton, écoutez, la guerre étrangère n'est rien, la guerre civile est tout.... La guerre de forêt s'organise sur une vaste échelle. En même temps une descente anglaise se prépare; Vendéens et Anglais, c'est Bretagne avec Bretagne. Les hurons du Finistère parlent la même langue que les topinambous du Cornouailles. J'ai mis sous vos yeux une lettre interceptée de Puisaye où il est dit que "vingt mille habits rouges distribués aux insurgés en feront lever cent mille". Quand l'insurrection paysanne sera complète, la descente anglaise se fera. Les Anglais ont le choix du point de descente, de Cancale à Paimpol. Vraig préfèrerait la baie de St Brieuc, Cornwallis la baie de St Cast. C'est un détail. La rive gauche de la Loire est gardée par l'armée vendéenne rebelle, et quant aux vingt-huit lieues à découvert entre Ancenis et Pontorson, quarante paroisses normandes ont promis leur concours. La descente se fera sur trois points : Plérin, Iffiniac et Pléneuf; de Plérin on ira à St Brieuc, et de Pléneuf à Lamballe; le deuxième jour on gagnera Dinan où il y a neuf cents prisonniers anglais, et l'on occupera en même temps St Jouan et St Méen; on y laissera de la cavalerie; le troisième jour, deux colonnes se dirigeront l'une de St Jouan sur Bédée, l'autre de Dinan sur Bécherel qui est une forteresse naturelle, et où l'on établira deux batteries; le quatrième jour, on est à Rennes. Rennes c'est la clef de la Bretagne. Qui a Rennes a tout. Rennes prise, Châteauneuf et St Malo tombent. Il y a à Rennes un million de cartouches et cinquante pièces d'artillerie de campagne...

- Qu'ils raffleraient, murmura Danton. Robespierre continua : - Je termine. De Rennes, trois colonnes se jetteront l'une sur Fougères, l'autre sur Vitré, l'autre sur Redon. Dans quinze jours on aura une armée de brigands de trois cent mille hommes, et toute la Bretagne sera au roi de France. - C'est-à-dire au roi d'Angleterre, dit Danton. - Non, au roi de France. Et Robespierre ajouta : - le roi de France est pire. Il faut quinze jours pour chasser l'étranger, et dix-huit cents ans pour éliminer la monarchie.

     " Si cela continue, et si nous mettons ordre, la révolution française se sera faite au profit de Potsdam; elle aura eu pour unique résultat d'agrandir le petit Etat de Frédéric II, et nous aurons tué le roi de France pour le roi de Prusse." Et Danton, terrible, éclata de rire. Le rire de Danton fit sourire Marat. - Vous avez chacun votre dada; vous Danton, la Prusse, vous, Robespierre, la Vendée. Vous ne voyez pas le vrai péril : les cafés et les tripots. Le danger n'est ni à Londres, comme le croit Robespierre, ni à Berlin, comme le croit Danton; il est à Paris. Il est dans l'absence d'unité. Le danger est dans la famine... Le danger est dans le papier-monnaie qu'on déprécie. Rue du Temple, un assignat de cent francs est tombé à terre, et un passant, un homme du peuple, a dit : il ne vaut pas la peine d'être ramassé.Il y a à Londres dix-huit fabriques de faux assignats...Les agioteurs et les accapareurs, voilà le danger... Ce qu'il faut c'est un dictateur... Au midi, le fédéralisme; à l'ouest, le royalisme; à Paris, le duel de la Convention et de la Commune; aux frontières, la reculade de Custine et la trahison de Dumouriez... Que nous faut-il? L'unité. Si nous perdons une heure, demain les Vendéens peuvent être à Orléans, et les Prussiens à Paris.

La VENDEE : Les sept Forêts-Noires de Bretagne étaient la forêt de Fougères qui barre la passage entre Dol et Avranches; la forêt de Princé qui a huit lieues de tour, la forêt de Paimpont, pleine de ravines et de ruisseaux, presque inaccessible du côté de Ba(e)ignon, avec une retraite facile sur Concornet (Concoret) qui était un bourg royaliste; la forêt de Rennes d'où l'on entendait le tocsin des paroisses républicaines, toujours nombreuses près des villes; la forêt de Machecoul qui avait Charette pour bête fauve; la forêt de la Garnache qui était aux La Trémoille, aux Gauvain et aux Rohan; la forêt de Brocéliande qui était aux fées. Un gentilhomme en Bretagne avait le titre de "seigneur des sept forêts". C'était le vicomte de Fontenay, prince breton."

     Si l'on veut comprendre la Vendée, qu'on se figure cet antagonisme : d'un côté la révolution française, de l'autre le paysan breton. En face de ces événements incomparables, accès de colère de la civilisation, excès du progrès furieux qu'on place ce sauvage grave et singulier, cet homme à l'oeil clair et aux cheveux longs, vivant de lait et de châtaignes, borné à son toit de chaume, à sa haie et à son fossé, distinguant chaque hameau du voisinage au son de la cloche, ne se servant de l'eau que pour boire, ayant sur le dos une veste de cuir avec des arabesques de soie, inculte et brodé, tatouant ses habits comme ses ancêtres les Celtes avaient tatoués leurs visages, respectant son maître dans son bourreau, parlant une langue morte, ce qui est faire habiter une tombe à sa pensée, vénérant sa charrue d'abord, sa grand-mère ensuite, croyant à la sainte Vierge et à la Dame blanche, dévôt à l'autel et aussi à la haute pierre mystérieuse debout au milieu de la lande, aimant ses rois, ses seigneurs, ses prêtres, ses poux; pensif, immobile souvent des heures entières sur la grande grève déserte, sombre écouteur de la mer. Et qu'on se demande si cet aveugle pouvait accepter cette clarté."

     Le paysan a deux points d'appui : le champ qui le nourrit, le bois qui le cache. Ce qu'étaient les forêts bretonnes, on se le figurerait difficilement; c'étaient des villes. Rien de plus sourd, de plus muet et de plus sauvage que ces inextricables enchevêtrements d'épines et de branchages... Des puits ronds et étroits, masqués au-dehors par des couvercles de pierre et de branches, verticaux, puis horizontaux, s'élargissant sous terre en entonnoir, et aboutissant à des chambres ténébreuses, voilà ce que Cambyse trouva en Egypte et ce que Westermann trouva en Bretagne; c'était dans le désert, ici c'était dans la forêt; dans les caves d'Egypte il y avait des morts, dans les caves de Bretagne il y avait des vivants.

     Cette vie souterraine était immémoriale en Bretagne. De tout temps l'homme y avait été en fuite devant l'homme. De là les tanières de reptiles creusées sous les arbres. Cela datait des druides, et quelques-unes de ces cryptes étaient aussi anciennes que les dolmens. Le peuple avait pris le parti de disparaitre. Tour à tour les troglodytes pour échapper aux Celtes, les Celtes pour échapper aux Romains, les Bretons pour échapper aux Normands, les huguenots pour échapper aux catholiques, les contrebandiers pour échapper aux gabelous,, s'étaient réfugiés d'abord dans les forêts, puis sous la terre. Ressource des bêtes. C'est là que la tyrannie réduit les nations."

     "L'épouvante, qui est une sorte de colère, était toute prête dans les âmes, et les tannières étaient toutes prêtes dans les bois, quand la république française éclata. La Bretagne se révolta, se trouvant opprimée par cette délivrance de force. Méprise habituelle aux esclaves."

     "Les tragiques forêts bretonnes reprirent leur vieux rôle et furent servantes et complices de cette rébellion, comme elles l'avaient été de toutes les autres. Le sous-sol de telle forêt était une sorte de madrépore percé et traversé en tous sens par une voirie inconnue de sapes, de cellules et de galeries. Chacune de ces cellules aveugles abritait cinq ou six hommes. La difficulté était d'y respirer. En Ille-et-Vilaine, dans la forêt du Pertre, asile du prince de Talmont, on n'entendait pas un souffle, on ne trouvait pas une trace humaine, et il y avait six mille hommes avec Focard; en Morbihan, dans la forêt de Meulac, on ne voyait personne, et il y avait huit mille hommes. Des bataillons invisibles guettaient. Ces armées ignorées serpentaient sous les armées républicaines, sortaient de terre tout à coup et y rentraient, bondissaient innombrables et s'évanouissaient, douées d'ubiquité et de dispertion, avalanche, puis poussière... des jaguars ayant des moeurs de taupes.

     Il n'y avait pas que les forêts, il y avait les bois. De même qu'au-dessous des cités il y a les villages, au-dessous des forêts il y avait les broussailles. Les forêts se reliaient entre elles par le dédale, partout épars des bois. Les anciens châteaux qui étaient des forteresses, les hameaux qui étaient des camps, les fermes qui étaient des enclos faits d'embûches et de pièges, les métairies ravinées de fossés et palissades d'arbres, étaient les mailles de ce filet où se prirent les armées républicaines. Cet ensemble était ce que l'on appelle le Bocage.

     Les hommes vivaient dans les huttes et les hommes dans les cryptes. Ils utilisaient pour cette guerre les galeries des fées et les vieilles sapes celtiques. On apportait à manger aux hommes enfouis... Habituellement le couvercle, fait de mousse et de branches, était si artistement façonné, qu'impossible à distinguer du dehors dans l'herbe, il était très facile à ouvrir et à fermer du dedans. Ils appelaient ce réduit la "loge". On était bien là, à cela près qu'on était sans jour, sans feu, sans pain et sans air. Les hommes dans ces caves de bêtes s'ennuyaient. La nuit, quelquefois, à tout risque, ils sortaient et s'en allaient danser sur la lande voisine. Ou bien ils priaient pour tuer le temps. "Tout le jour, dit Bourdoiseau, Jean Chouan nous faisait chapeletter.

     Quelques fois ils soulevaient le couvercle de leur fosse, et ils écoutaient si l'on se battait au loin; ils suivaient de l'oreille le combat. Le feu des républicains était régulier, le feu des royalistes était éparpillé; ceci les guidait. Si les feux de peloton cessaient subitement c'était signe que les royalistes avaient le dessus; si les feux saccadés continuaient et s'enfonçaient à l'horizon, c'était signe qu'ils avaient le dessus. Les blancs poursuivaient toujours; les bleus jamais, ayant le pays contre eux.... Des relais d'émissaires étaient établis de forêt à forêt, de village à village, de ferme à ferme, de chaumière à chaumière, de buisson à buisson. Hoche écrivait : "On croirait qu'ils ont des télégraphes."

     C'étaient des clans, comme en Ecosse. Chaque paroisse avait son capitaine. Cette guerre, mon père l'a faite, et j'en puis parler."

     Leur vie en guerre : "Beaucoup n'avaient que des piques. Les bonnes carabines de chasse abondaient. Pas plus adroits que les braconniers du Bocage et les contrebandiers du Loroux. C'étaient des combattants étranges, affreux et intrépides. Le décret de la levée des trois cent mille hommes avait fait sonner le tocsin dans six cents villages. Le pétillement de l'incendie éclata sur tous les points à la fois. Le Poitou et l'Anjou firent explosion le même jour. Disons qu'un premier grondement s'était fait entendre dès 1792, le 8 juillet, un mois avant le 10 août, sur la lande de Kerbader. Alain Redeler fut le précurseur de La Rochejaquelein et de Jean Chouan. Les royalistes forçaient, sous peine de mort, tous les hommes valides à marcher. Ils réquisitionnaient les attelages, les chariots, les vivres. Tout de suite, Sapinaud eut trois mille soldats, Cathelineau dix mille, Stofflet vingt mille et Charette fut maître de Noirmoutier....Pour soulever ces multitudes, peu de choses suffisait. On plaçait dans le tabernacle d'un curé assermenté, d'un prêtre jureur, comme ils disaient, un gros chat noir qui sautait brusquement dehors pendant la messe.  -C'est le diable! criaient les paysans, et tout un canton s'insurgeait. Un souffle de feu sortait des confessionnaux....

     Au plus fort des mêlées, quand les paysans attaquaient les carrés républicains, s'ils rencontraient sur le champ de combat une croix ou une chapelle, tous tombaient à genoux et disaient leur prière sous la mitraille; le rosaire fini, ceux qui restaient se relevaient et se ruaient sur l'ennemi. Quels géants, hélas! Ils chargeaient leurs fusils en courant; c'était leur talent. On leur faisait croire ce qu'on voulait; les prêtres leur montraient d'autres prêtres dont ils avaient rougi le cou avec une ficelle serrée, et leurs disaient : Ce sont des guillotinés ressucités...Ils appelaient les prêtres mariés républicains : des sans-calottes devenus sans-culottes. Ils commencèrent par avoir peur des canons, puis ils se jetèrent dessus avec des bâtons, et ils en prirent.....

     Les paysans s'attardaient à piller. Ces dévôts étaient des voleurs. les sauvages ont des vices. C'est par là que les prend plus tard la civilisation. Puysage dit : "J'ai préservé plusieurs fois le bourg de Plélan du pillage." Il se prive d'entrer à Montfort : "Je fis un circuit pour éviter le pillage des maisons des jacobins." Ils détroussèrent Cholet; ils mirent à sac Challans. Après avoir manqué Granville, ils pillèrent Villedieu. Ils appelaient "masse jacobine" ceux des campagnes qui s'étaient ralliés aux bleus, et ils les exterminaient plus que les autres. Ils aimaient le carnage comme les soldats, et le massacre comme des brigands. Fusiller les "patauds" c'est-à-dire les bourgeois, leur plaisait; ils appelaient cela se "décarêmer". A St Germain-sur-Ille, un de leurs capitaines, gentilhomme, tua d'un coup de fusil le procureur de la commune et lui prit sa montre. A Machecoul, ils mirent les républicains en coupe réglée, à trente par jour; cela dura cinq semaines; chaque chaîne de trente s'appelait le "chapelet". On adossait la chaîne à une fosse creusée et l'on fusillait; les fusillés tombaient dans la fosse parfois vivants; on les enterrait tout de même... Quand ils traversaient un bourg républicain, ils coupaient l'Arbre de la Liberté, le brûlaient et dansaient en rond autour du feu. Toutes leurs allures étaient nocturnes. Règle du Vendéen : être toujours inattendu. Ils faisaient quinze lieues en silence, sans courber une herbe sur leur passage. Marche de chats dans les ténèbres.... Pendant ce temps-là, Carrier était épouvantable. La terreur répliquait à la terreur.

     La Vendée insurgée ne peut être évaluée à moins de cinq cent mille hommes, femmes et enfants. La Lozère envoyait au Bocage trente mille hommes. Huit départements se coalisaient, cinq en Bretagne, trois en Normandie... La grande armée catholique a été un effort insensé; le désastre devait suivre; se figure-t-on une tempête paysanne attaquant Paris.... la cohue des sabots se ruant sur la légion des esprits? Le Mans et Savenay chatièrent cette folie. Passer la Loire était impossible à la Vendée. Elle pouvait tout, excepté cette enjambée.La guerre civile ne conquiert point. Passer le Rhin complète César et augmente Napoléon; passer la Loire tue La Rochejaquelein... La vraie Vendée, c'est la Vendée chez elle; là elle est plus qu'invulnérable, elle est insaisissable. Le vendéen chez lui est contrebandier, laboureur, soldat, pâtre, braconnier, franc-tireur, chevrier, sonneur de cloches, paysan, espion, assassin, sacristain, bête des bois. Pays, Patrie, ces deux mots résument toute la guerre de Vendée; querelle de l'idée locale contre l'idée universelle; paysans contre patriotes.

     La Bretagne est une vieille rebelle. Toutes les fois qu'elle s'était révoltée pendant deux mille ans, elle avait eu raison; la dernière fois, elle a eu tort... Contre le roi ou sous le roi, c'était toujours la même guerre que la Bretagne faisait, la guerre de l'esprit local contre l'esprit central... Toutes les fois que le centre, Paris, donne une impulsion, que cette impulsion vienne de la royauté ou de la république, qu'elle soit dans le sens du despotisme ou de la liberté, c'est une nouveauté, et la Bretagne se hérisse. Laissez-nous tranquilles. Qu'est-ce qu'on nous veut? Surdité terrible. L'insurrection vendéenne est un lugubre malentendu.

     "Voyez-vous citoyen, dans les villes et dans les gros bourgs, nous sommes pour la révolution, dans la campagne, ils sont contre; autant dire dans les villes on est français et dans les villages on est breton. C'est une guerre de bourgeois à paysans. Ils nous appellent patauds, nous les appelons rustauds. Les nobles et les prêtres sont avec eux."

     " Le but de Lantenac était d'insurger tout, d'appuyer la Basse-Bretagne sur la Basse-Normandie, d'ouvrir la porte à Pitt, et de donner un coup d'épaule à la grande armée vendéenne avec vingt mille Anglais et deux cent mille paysans. Gauvain a coupé court à ce plan. Il tient la côte... Le vieux, qui est habile, a fait une pointe; on apprend qu'il a marché sur Dol. S'il prend Dol, et s'il établit sur le Mont-Dol une batterie, car il a du canon, voilà un point de la côte où les Anglais peuvent aborder, et tout est perdu."

     DOL-de-BRETAGNE : Dol, "ville espagnole de France en Bretagne", ainsi le qualifient les cartulaires, n'est pas une ville, c'est une rue. Grande vieille rue gothique, toute bordée à droite et à gauche de maisons à piliers, points alignés, qui font des caps et des coudes dans la rue, d'ailleurs très large.Le reste de la ville n'est qu'un réseau de ruelles se rattachant à cette grande rue diamétrale et y aboutissant comme des ruisseaux à une rivière. La ville sans portes ni murailles, ouverte, dominée par le Mont-Dol, ne pourrait soutenir un siège; mais la rue en peut soutenir un. Autant de maisons, autant de forteresses. La vieille halle était à peu près au milieu de la rue.

     Un duel nocturne entre les blancs arrivés le matin et les bleus survenus le soir avait brusquement éclaté dans la ville. Les forces étaient inégales, les blancs étaient six mille, les bleus étaient quinze cents, mais il y avait égalité d'acharnement. Chose remarquable c'était les quinze cents qui avaient attaqué les six mille.

     D'un côté six mille paysans, avec des coeurs-de-Jésus sur leurs vestes de cuir, des rubans blancs à leurs chapeaux ronds, des devises chrétiennes sur leurs brassards, des chapelets à leurs ceinturons, ayant plus de fourches que de sabres et des carabines sans bayonettes, trainant des canons attelés de cordes, mal équipés, mal disciplinés, mal armés, mais frénétiques. De l'autre côté quinze cents soldats avec le tricorne à cocarde tricolore, l'habit à grandes basques et à grands revers, le briquet à poignée de cuivre et le fusil à longue bayonnette, dressés, alignés, dociles et farouches, sachant obéir, volontaires eux aussi, mais volontaires de la patrie, en haillons du reste, et sans souliers; pour la monarchie, des paysans paladins, pour la révolution des héros va-nu-pieds; et chacune des deux troupes ayant pour âme son chef; les royalistes un vieillard, les républicains un jeune homme. D'un côté Lantenac, de l'autre Gauvain. Lantenac était exaspéré contre Gauvain; d'abord parce que Gauvain le battait, ensuite parce que c'était son parent. Lantenac voulait la vraie guerre : se servir du paysan, mais l'appuyer sur le soldat. De là l'idée fixe : faire débarquer les Anglais... s'emparer d'un point du littoral, et le livrer à Pitt. C'est pourquoi, voyant Dol sans défense, il s'était jeté dessus, afin d'avoir par Dol le Mont-Dol, et par le Mont-Dol la côte. Le lien était bien choisi. Le canon du Mont-dol balayerait d'un côté le Fresnois, de l'autre Saint-Brelade (Broladre), tiendrait à distance la croisière de Cancale et ferait toute la plage libre à une descente, du Ra (o)z-sur-Couesnon à Saint-Mêloir-des-Ondes.

     Il entendait établir une forte batterie sur le Mont-Dol, d'après ce principe que mille coups tirés avec dix canons font plus de besogne que quinze cents coups tirés avec cinq canons. Le succès semblait certain. Lantenac alla en hâte avec quelques officiers d'artillerie reconnaître le Mont-Dol. Les paysans s'étaient dispersés dans la ville. Ils avaient garé leur artillerie avec les bagages sous les voûtes de la vieille halle, et, las, buvant, mangeant, "chapelletant", ils s'étaient couchés pêle-mêle en travers de la grande rue, plutôt encombrée que gardée.

     Tout à coup, à la lueur du crépuscule, ceux qui n'avaient pas encore fermé les yeux virent trois pièces de canons braquées à l'entrée de la grande rue. C'était Gauvain.Le premier moment fut terrible. On criait, on courait, beaucoup tombaient. Combat lugubre, mêlé de femmes et d'enfants. Les balles sifflantes rayaient l'obscurité. Tout était fumée et tumulte... Pourtant l'intrépide désordre des paysans finit par se mettre sur la défensive; ils se replièrent sous la halle, vaste redoute obscure, forêt de piliers de pierre. Là ils reprirent pied; tout ce qui ressemblait à un bois leur redonnait confiance. Ils avaient du canon, mais au grand étonnement de Gauvain, ils ne s'en servaient point; cela tenait à ce que les officiers d'artillerie étant allés avec le marquis reconnaître le Mont-Dol les gars ne savaient faire des couleuvrines et des bâtardes; mais ils criblaient de balles les bleus qui les canonnaient.Cela devenait grave pour Gauvain. Cette halle brusquement transformée en citadelle, c'était l'inattendu.

     Le marquis venait d'arriver dans la barricade par le côté opposé. Le chef venu tout changea de face... Le marquis mit en batterie deux pièces de seize. Trois fois il ajusta Gauvain et le manqua. Gauvain avait devant lui, en défalquant les morts et les fuyards, au moins cinq mille combattants, et il ne lui restait à lui que douze cents hommes maniables. Gauvain était du pays, il connaissait la ville; il savait que la vieille halle, où les Vendéens s'étaient crénelés, était adossée à une dédale de ruelles étroites et tortueuses.... Il prit la tête de la colonne et, pendant que la canonnade continuait des deux côtés, ces vingt hommes, glissant comme des ombres, s'enfoncèrent dans les ruelles désertes. Gauvain arriva à l'extrémité d'une ruelle d'où l'on rentrait dans la grande rue; seulement on était de l'autre côté de la halle. La position était tournée. De ce côté-ci il n'y avait pas de retranchement... Gauvain leva son épée, il cria : "Deux cents hommes par la droite, deux cents hommes par la gauche, tout le reste sur le centre!" Les douze coups de fusil partirent et les sept tambours sonnèrent la charge. Toute cette masse paysanne se sentit prise à revers, et s'imagina avoir une nouvelle armée dans le dos... En quelques instants la halle fut vide, les gars terrifiés se désagrégèrent... Le marquis de Lantenac vit cette déroute et il dit : "Décidément les paysans ne tiennent pas. Il nous faut les Anglais."

     Cimourdain dit à Gauvain : - Où en sommes-nous?
Gauvain répondit : - J'ai dispersé les bandes de Lantenac. Le voilà acculé à la forêt de Fougères. Dans huit jours il sera cerné.... Il regarda Gauvain en face : - Pourquoi as-tu fait mettre en liberté ces religieuses du couvent de St Marc-le-Blanc? - Je ne fais pas la guerre aux femmes - Pour la haine une femme vaut dix hommes. Pourquoi as-tu refusé d'envoyer au tribunal révolutionnaire tout ce troupeau de vieux prêtres fanatiques pris à Louvigné? - Je ne fais pas la guerre aux vieillards. -Pourquoi, après la victoire de Landéan, n'as-tu pas fait fusiller tes trois cents paysans prisonniers? - Parce que Bonchamp avait fait grâce aux prisonniers républicains...

     Le voyageur qui, il y a quarante ans, entré dans la forêt de Fougères du côté de Laignelet, en ressortait du côté de Parigné, faisait, sur la lisière de cette profonde futaie, une rencontre sinistre. En débouchant du hallier, il avait brusquement devant lui la Tourgue, la Tourgue morte, lézardée, sabordée, démantelée... Ce qu'on avait sous les yeux, c'était une haute tour ronde, toute seule au coin du bois comme un malfaiteur. La Tourgue signifie la Tour-Gauvain et était en 1793 une forteresse....

     Juillet s'écoula, août vint, un souffle héroïque et féroce passait sur la France. Marat un couteau au flanc, Charlotte Corday sans tête, tout devenait formidable. Quand à la Vendée, battue dans la grande stratégie, elle se réfugiait dans la petite, plus redoutable.... Un décret envoyait en Vendée l'armée de Mayence; huit mille Vendéens étaient morts à Ancenis, les Vendéens étaient repoussés à Nantes, débusqués à Montaigu, expulsés de Thouars, chassés de Noirmoutier, culbutés hors de Cholet, de Mortagne et de Saumur; ils évacuaient Parthenay; ils abandonnaient Clisson; ils étaient battus à Pornic, aux Sables, à Fontenay, à Doué; ils étaient en échec à Luçon, en déroute à la Roche-sur-Yon; mais d'une part, ils menaçaient La Rochelle, et d'autre part, dans les eaux de Guernesey, une flotte anglaise, aux ordres du général Craig, n'attendait qu'un signal du marquis de Lantenac pour débarquer...

     Dans ce mois d'août La Tourgue était assiégée. Le marquis de Lantenac : - vous êtes quatre mille cinq cents soldats qui nous attaquez; et nous, nous sommes dix-neuf hommes qui nous défendons... Nous avons en nos mains trois prisonniers, qui sont trois enfants. Ces enfants ont été adoptés par un de vos bataillons, et ils sont à vous. Nous vous offrons de vous rendre ces trois enfants. A une condition c'est que nous aurons la sortie libre.... Si vous refusez les enfants meurent.

Pour connaître le dénouement très inattendu il vous faudra à présent acheter ou emprunter l'ouvrage...
Alain GOUAILLIER

2- "Les Chouans" de Balzac

          Honoré Balzac est natif de Tours.Se croyant poète il n'arrive pas à se réaliser dans l'écriture ni dans les affaires. Un fait historique datant de 1798 lui apportera la gloire : la guerre des Chouans. Il se rend pendant deux mois à Fougères chez l'ami de son père, le général baron de Pommereul. Durant cinq mois il écrit quatre tomes de son roman en 1829, à l'âge de 31 ans.
     L'action se passe dans les "premiers jours de l'an VIII; au commencement de vendémiaire", soit dans les derniers jours de septembre 1799 et se situe par-delà Fougères, en allant vers Mayenne et Mortagne.

Extraits :

     "Du sommet de la Pélerine apparaît aux yeux du voyageur la grande vallée du Couësnon, dont l'un des points culminants est occupé à l'horizon par la ville de Fougères. Son château domine, en haut du rocher où il est bâti, trois ou quatre routes importantes, position qui la rendait jadis une des clés de la Bretagne. De là les officiers découvrirent, dans toute son étendue, ce bassin aussi remarquable par la prodigieuse fertilité de son sol que par la variété de ses aspects. De toutes parts, des montagnes de schiste s'élèvent en amphithéâtre, elles déguisent leurs flancs rougeâtres sous des forêts de chênes, et recèlent dans leurs versants des vallons pleins de fraîcheur. Ces rochers décrivent une vaste enceinte, circulaire en apparence, au fond de laquelle s'étend avec mollesse une immense prairie dessinée comme un jardin anglais. La multitude de haies vives qui entourent d'irréguliers et de nombreux héritages, tous plantés d'arbres, donnent à ce tapis de verdure une physionomie rare parmi les paysages de France, et il enferme de féconds secrets de beauté dans ses contrastes multipliés dont les effets sont assez larges pour saisir les âmes les plus froides. En ce moment, la vue de ce pays était animée de cet éclat fugitif par lequel la nature se plaît à rehausser parfois ses impérissables créations...

     Pendant que le détachement traversait la vallée, le soleil levant avait lentement dissipé ces vapeurs blanches et légères qui, dans les matinées de septembre, voltigent sur les prairies. A l'instant où les soldats se retournèrent, une invisible main semblait enlever à ce paysage le dernier des voiles dont elle l'aurait enveloppé, nuées fines, semblables à ce linceul de gaze diaphane qui couvre les bijoux précieux et à travers lequel ils excitent la curiosité. Dans le vaste horizon que les officiers embrassèrent, le ciel n'offrait pas le plus petit nuage qui pût faire croire, par sa clarté d'argent, que cette immense voûte bleue fût le firmament. C'était plutôt un dais de soie supporté par les cimes inégales des montagnes, et placé dans les airs pour protéger cette magnifique réunion de champs, de prairies, de ruisseaux et de bocages. Les officiers ne se lassaient pas d'examiner cet espace où jaillissent tant de beautés champêtres. Les uns hésitaient longtemps avant d'arrêter leurs regards parmi l'étonnante multiplicité de ces bosquets que les teintes sévères de quelques touffes jaunies enrichissaient des couleurs du bronze, et que le vert émeraude des prés irrégulièrement coupés faisait encore ressortir. les autres s'attachaient aux contrastes offerts par des champs rougeâtres où le sarrasin récolté se dressait en gerbes coniques semblables aux faisceaux d'armes que le soldat amoncèle au bivouac, et séparés par d'autres champs que doraient les guérets des seigles moissonnés. Ca et là, l'ardoise sombre de quelques toits d'où sortaient de blanches fumées; puis les tranchées vives et argentées que produisaient les ruisseaux tortueux du Couësnon, attiraient l'oeil par quelques-uns de ces pièges d'optique qui rendent, sans qu'on sache pourquoi, l'âme indécise et rêveuse. La fraîcheur embaumée des brises d'automne, la forte senteur des forêts, s'élevaient comme un nuage d'encens et enivraient les admirateurs de ce beau pays, qui contemplaient avec ravissement ses fleurs inconnues, sa végétation vigoureuse, sa verdure rivale de celle d'Angleterre, sa voisine dont le nom est commun aux deux pays. Quelques bestiaux animaient cette scène déjà si dramatique. Les oiseaux chantaient, et faisaient ainsi rendre à la vallée une suave, une sourde mélodie qui frémissait dans les airs...." 

     "Dans ces temps de discorde, les habitants de l'Ouest avaient appelé tous les soldats de la République, des "Bleus". Ce surnom était dû à ces premiers uniformes bleus et rouges... Cette colonne était le contingent péniblement obtenu du district de Fougères. Le gouvernement avait demandé cent mille hommes, afin d'envoyer de prompts secours à ses armées, alors battues par les Autrichiens en Italie, par les Prussiens en Allemagne, et menacées en Suisse par les Russes... Les départements de l'Ouest, connus sous le nom de Vendée, la Bretagne et une portion de la Basse Normandie, pacifiés depuis trois ans par les soins du général Hoche après une guerre de quatre années, paraissait avoir saisi ce moment pour recommencer  la lutte."

     "En considérant ces hommes étonnés de se voir ensemble, et ramassés comme au hasard, on eût dit la population d'un bourg chassée de ses foyers par un incendie. Mais l'époque et les lieux donnaient un tout autre intérêt à cette masse d'hommes. Un observateur initié au secret des discordes civiles qui agitaient alors la France aurait pu facilement reconnaître le petit nombre de citoyens sur la fidélité desquels la République devait compter dans cette troupe, presque entièrement composée de gens qui, quatre ans auparavant, avaient guerroyé contre elle. Les républicains seuls marchaient avec une sorte de gaieté. Quant aux autres individus de la troupe, s'ils offraient des différences sensibles dans leurs costumes, ils montraient sur leurs figures et dans leurs attitudes cette expression uniforme que donne le malheur. Bourgeois et paysans, tous gardaient l'empreinte d'une mélancolie profonde; leur silence avait quelque chose de farouche, et ils semblaient courbés sous le joug d'une même pensée, terrible sans doute, mais soigneusement cachée, car leurs figures étaient impénétrables; seulement la lenteur peu ordinaire de leur marche pouvait trahir de secrets calculs. De temps en temps, quelques-uns d'entre eux, remarquables par des chapelets suspendus à leur cou, malgré le danger qu'ils couraient à conserver ce signe d'une religion plutôt supprimée que détruite, secouaient leurs cheveux et relevaient la tête avec défiance. Ils examinaient alors à la dérobée les bois, les sentiers et les rochers qui encaissaient la route, mais de l'air avec lequel un chien, mettant le nez au vent, essaie de subodorer le gibier; puis, en n'entendant que le bruit monotone des pas de leurs silencieux compagnons, ils baissaient de nouveau leurs têtes et reprenaient leur contenance de désespoir, semblables à des criminels emmenés au bagne pour y vivre, pour y mourir..." 

     " - c'est que, répondit le sombre interlocuteur avec un accent qui prouvait une assez grande difficulté de parler français, c'est là, dit-il en étendant sa rude et large main vers Ernée, là est le Maine, et là finit la Bretagne...

     -D'où viens-tu? - Du pays des "Gars" - Ton nom? - "Marche-à-terre" - Pourquoi portes-tu, malgré la loi, ton surnom de chouan?..."

     L'embuscade : (sous le Directoire, un détachement militaire républicain, sous les ordres du commandant Hulot, emmène des jeunes gens de la réquisition du pays de Fougères. En chemin un paysan surnommé Marche-à-terre vient à leur rencontre et leur tient conversation. Le commandant, le trouvant suspect, le fait s'asseoir, surveillé par deux hommes, et envoie quatre soldats en éclaireurs à l'approche d'un bois. Bientôt les deux émissaires de la gauche du chemin reviennent sans avoir rien vu d'inquiétant...)

     ...."Pendant que les deux tirailleurs lui faisaient un espèce de rapport, Hulot cessa de regarder Marche-à-terre. Le Chouan se mit alors à siffler vivement, de manière à faire retentir son cri à une distance prodigieuse; puis, avant qu'aucun de ses surveillants l'eût même couché en joue, il leur avait appliqué un coup de fouet qui les renversa sur la berme. Aussitôt des cris ou plutôt des hurlements sauvages surprirent les républicains. Une décharge terrible, partie du bois qui surmontait le talus où le Chouan s'était assis, abattit sept ou huit soldats. Marche-à-terre, sur lequel cinq ou six hommes tirèrent sans l'atteindre, disparut dans le bois après avoir grimpé le talus avec la rapidité d'un chat sauvage; ses sabots roulèrent dans le fossé, et il fut aisé de lui voir alors aux pieds les gros souliers ferrés que portaient habituellement les chasseurs du roi. Aux premiers cris jetés par les Chouans, tous les conscrits sautèrent dans le bois à droite, semblables à ces troupes d'oiseaux qui s'envolent à l'approche d'un voyageur.

- Feu sur ces mâtins-là! cria le commandant. La compagnie tira sur eux, mais les conscrits avaient su se mettre à l'abri de cette fusillade en s'adossant à des arbres; et avant que les armes eussent été rechargées, ils avaient disparu.

- Décrétez donc des légions départementales, hein! dit Hulot... Il faut être bête comme le Directoire pour vouloir compter sur la réquisition de ce pays-ci...

- Voilà des crapauds qui aiment mieux leurs galettes que le pain de munition, dit Beau-Pied, le malin de la compagnie.

     A ces mots des huées et des éclats de rire partis du sein de la troupe républicaine honnirent les déserteurs, mais le silence se rétablit tout à coup. Les soldats virent descendre péniblement du talus les deux chasseurs que le commandant avait envoyés battre les bois de la droite. Le moins blessé des deux soutenait son camarade, qui abreuvait le terrain de son sang. Les deux pauvres soldats étaient parvenu à la moitié de la pente lorsque Marche-à-terre montra sa face hideuse : il ajusta si bien les deux Bleus qu'il les acheva d'un seul coup, et ils roulèrent pesamment dans le fossé. A peine avait-on vu sa grosse tête, que trente canons de fusil se levèrent; mais semblable à une figure fantasmagorique, il avait disparu derrière les fatales touffes de genêts. Ces événements, qui exigent tant de mots, se passèrent en un moment; puis en un moment aussi, les patriotes et les soldats de l'arrière-garde rejoignirent le reste de l'escorte.- En avant! s'écria Hulot.

     La compagnie se porta rapidement à l'endroit élevé et découvert où le piquet avait été placé. Là, le commandant mit la compagnie en bataille; mais il n'aperçut aucune démonstration hostile de la part des Chouans, et crut que la délivrance des conscrits était le seul but de cette embuscade." ....

  ....   "Les berges du chemin sont encaissées par des fossés dont les terres sans cesse rejetées sur les champs y produisent de hauts talus couronnés d'ajoncs. Cet arbuste, qui s'étale en buissons épais, fournit pendant l'hiver une excellente nourriture aux chevaux et aux bestiaux; mais tant qu'il n'est pas récolté, les Chouans se cachaient derrière ses touffes d'un vert sombre. Ces talus et ces ajoncs, qui annoncent au voyageur l'approche de la Bretagne, rendaient alors cette partie de la route aussi dangereuse qu'elle est belle..."

     "Galope-chopine évita soigneusement la grande route, et guida les deux étrangères à travers l'immense dédale de chemins de traverse de la Bretagne. Mademoiselle de Verneuil comprit alors la guerre des Chouans. En parcourant ces routes elle put mieux apprécier l'état de ces campagnes qui, vues d'un point élevé, lui avaient paru si ravissantes; mais dans lesquelles il faut s'enfoncer pour en concevoir et les dangers et les inextricables difficultés. Autour de chaque champ, et depuis un temps immémorial, les paysans ont élevé un mur en terre, haut de six pieds, de forme prismatique, sur le faîte duquel croissent des châtaigniers, des chênes, ou des hêtres. Ce mur, ainsi planté, s'appelle une "haie" (la haie normande), et les longues branches qui la couronnent, presque toujours rejetées sur le chemin, décrivent au-dessus un immense berceau. Les chemins, tristement encaissés par ces murs tirés d'un sol argileux, ressemblent aux fossés des places fortes, et lorsque le granit qui, dans ces contrées, arrive presque toujours à fleur de terre, n'y fait pas une espèce de pavé raboteux, ils deviennent alors tellement impraticables que la moindre charrette ne peut y rouler qu'à l'aide de deux paires de boeufs et de deux chevaux petits, mais généralement vigoureux. Ces chemins sont si habituellement marécageux, que l'usage a forcément établi pour les piétons dans le champ et le long de la haie un sentier nommé une "rote", qui commence et finit avec chaque pièce de terre. Pour passer d'un champ dans un autre, il faut donc remonter la haie au moyen de plusieurs marches que la pluie rend souvent glissantes.

     Les voyageurs avaient encore bien d'autres obstacles à vaincre dans ces routes tortueuses. Ainsi fortifié, chaque morceau de terre a son entrée qui, large de dix pieds environ, est fermée par ce qu'on nomme dans l'Ouest un "échalier". L'échalier est un tronc ou une forte branche d'arbre dont un des bouts, percé de part en part, s'emmanche dans une autre pièce de bois informe qui lui sert de pivot. L'extrémité de l'échalier se prolonge un peu au-delà de ce pivot, de manière à recevoir une charge assez pesante pour former un contrepoids et permettre à un enfant de manoeuvrer cette singulière fermeture champêtre dont l'autre extrémité repose dans un trou fait à la partie inférieure de la haie...

     Ces haies et ces échaliers donnent au sol la physionomie d'un immense échiquier dont chaque champ forme une case parfaitement isolée des autres, close comme une forteresse, protégée comme elle par des remparts. La porte, facile à défendre, offre à des assaillants la plus périlleuse de toutes les conquêtes. En effet, le paysan breton croit engraisser la terre qui se repose, en y encourageant la venue de genêts immenses, arbuste si bien traité dans ces contrées qu'il y arrive en peu de temps à hauteur d'homme. Ce préjugé, digne de gens qui placent leurs fumiers dans la partie la plus élevée de leurs cours, entretient sur le sol et dans la proportion d'un champ sur quatre, des forêts de genêts, au milieu desquelles on peut dresser mille embûches. Enfin il n'existe peut-être pas de champ où il ne se trouve quelques vieux pommiers à cidre qui y abaissent leurs branches basses et par conséquent mortelles aux productions du sol qu'elles couvrent; or si vous venez à songer au peu d'étendue des champs dont toutes les haies supportent d'immenses arbres à racines gourmandes qui prennent le quart du terrain, vous aurez une idée de la culture et de physionomie du pays.

     On ne sait si le besoin d'éviter les contestations a, plus que l'usage si favorable à la paresse d'enfermer les bestiaux sans les garder, conseillé de construire ces clôtures formidables dont les permanents obstacles rendent le pays imprenable, et la guerre des masses impossible. Quand on a, pas à pas, analysé cette disposition du terrain, alors se révèle l'insuccès nécessaire d'une lutte entre des troupes régulières et des partisans; car cinq cents hommes peuvent défier les troupes d'un royaume. Là était tout le secret de la guerre des Chouans..." 

     La Bretagne est, de toute la France, le pays où les moeurs gauloises ont laissé les plus fortes empreintes. Les parties de cette province où, de nos jours encore, la vie sauvage et l'esprit superstitieux de nos rudes aïeux sont restés, pour ainsi dire, flagrants, se nomment le pays des "Gars". Lorsqu'un canton est habité par nombre de Sauvages semblables à celui qui vient de comparaître dans cette Scène, les gens de la contrée disent : Les gars de telle paroisse; et ce nom classique est comme une récompense de la fidélité avec laquelle ils s'efforcent de conserver les traditions de langage et des moeurs gaëliques; aussi leur vie garde-t-elle de profonds vestiges des croyances et des pratiques superstitieuses des anciens temps. Là, les coutumes féodales sont encore respectées. Là les antiquaires retrouvent debout les monuments des Druides. Là, le génie de la civilisation moderne s'effraie de pénétrer à travers d'immenses forêts primordiales. Une incroyable férocité, un entêtement brutal, mais aussi la foi du serment; l'absence complète de nos lois, de nos moeurs, de notre habillement, de nos monnaies nouvelles, de notre langage, mais aussi la simplicité patriarcale et d'héroïques vertus s'accordent à rendre les habitants de ces campagnes plus pauvres de combinaisons intellectuelles que ne le sont les Mohicans et les Peaux-Rouges de l'Amérique septentrionale, mais aussi grands, aussi rusés, aussi durs qu'eux. La place que la Bretagne occupe au centre de l'Europe la rend beaucoup plus curieuse à observer que ne l'est le Canada. Entouré de lumières dont la bienfaisante chaleur ne l'atteint pas, ce pays ressemble à un charbon glacé qui resterait obscur et noir au sein d'un brillant foyer. Les efforts tentés par quelques grands esprits pour conquérir à la vie sociale et à la prospérité cette belle partie de la France, si riche de trésors ignorés, tout, même les tentatives du gouvernement, meurt au sein de l'immobilité d'une population vouée aux pratiques d'une immémoriale routine. Ce malheur s'explique assez par la nature d'un sol encore sillonné de ravins, de torrents, de lacs et de marais; hérissé de haies, espèces de bastions en terre qui font, de chaque champ, une citadelle; privé de routes et de canaux; puis par l'esprit d'une population ignorante, livrée à des préjugés dont les dangers seront accusés par les détails de cette histoire, et qui ne veut pas de notre moderne agriculture. La disposition pittoresque de ce pays, les superstitions de ses habitants excluent et la concentration des individus et les bienfaits amenés par la comparaison, par l'échange d'idées. Là point de villages. Les constructions précaires que l'on nomme des logis sont clairsemées à travers la contrée. Chaque famille y vit comme dans un désert. Les seules réunions connues sont les assemblées éphémères que le dimanche ou les fêtes de la religion consacrent à la paroisse. Ces réunions silencieuses, dominées par le recteur, le seul maître de ces esprits grossiers, ne durent que quelques heures. Après avoir entendu la voix terrible de ce prêtre, le paysan retourne pour une semaine dans sa demeure insalubre; il en sort pour le travail, et y rentre pour dormir. S'il y est visité, c'est par ce recteur, l'âme de la contrée. Aussi, fût-ce à la voix de ce prêtre que des milliers d'hommes se ruèrent sur la république, et que ces parties de la Bretagne fournirent cinq ans avant l'époque à laquelle commence cette histoire, des masses de soldats à la première chouannerie. Les frères Cottereau, hardis contrebandiers qui donnèrent leur nom à cette guerre, exerçaient leur périlleux métier de Laval à Fougères. Mais les inssurections de ces campagnes n'eurent rien de noble et l'on peut dire avec assurance qui si la Vendée fit du brigandage une guerre, la Bretagne fit de la guerre un brigandage. La proscription des princes, la religion détruite ne furent pour les Chouans que des prétextes de pillage, et les événements de cette lutte intestine contractèrent quelque chose de la sauvage âpreté qu'ont les moeurs en ces contrées. Quand de vrais défenseurs de la monarchie vinrent recruter des soldats parmi ces populations ignorantes et belliqueuses, ils essayèrent mais en vain, de donner, sous le drapeau blanc, quelque grandeur à ces entreprises qui avaient rendu la chouannerie odieuse et les Chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d'un pays.

     Le tableau de la première vallée offerte par la Bretagne aux yeux du voyageur, la peinture des hommes qui composaient le détachement des réquisitionnaires, la description du gars apparu sur le sommet de la Pélerine, donnent en raccourci une fidèle image de la province et de ses habitants. Une imagination exercée peut, d'après ces détails, concevoir le théâtre et les instruments de la guerre; là en étaient les éléments. Les haies si fleuries de ces belles vallées cachaient alors d'invisibles agresseurs. Chaque champ était alors une forteresse, chaque arbre méditait un piège, chaque vieux tronc de saule creux gardait un stratagème. Le lieu du combat était partout. Le fusil attendait au coin des routes les Bleus que de jeunes filles attiraient en riant sous le feu des canons, sans croire être perfides; elles allaient en pélerinage avec leurs pères et leurs frères demander des ruses et des absolutions à des vierges de bois vermoulu. La religion ou plutôt le fétichisme de ces créatures ignorantes désarmait le meurtre de ses remords. Aussi une fois cette lutte engagée, tout dans le pays devenait dangereux: le bruit comme le silence, la grâce comme la terreur, le foyer domestique comme le grand chemin. Il y avait de la conviction dans ces trahisons. C'était des Sauvages qui servaient Dieu et le roi, à la manière dont les Mohicans font la guerre. Mais pour rendre exacte et vraie en tout point la peinture de cette lutte, l'historien doit ajouter qu'au moment où la paix de Hoche fut signée, la contrée entière redevint et riante et amie. Les familles qui, la veille, se déchiraient encore, le lendemain soupèrent sans danger sous le même toit..."

     "...En 1827, un vieil homme accompagné de sa femme marchandait des bestiaux sur le marché de Fougères, et personne ne lui disait rien quoiqu'il eût tué plus de cent personnes, on ne lui rappelait même point son surnom de Marche-à-terre; la personne à qui l'on doit de précieux renseignements sur tous les personnages de cette scène, le vit emmenant une vache et allant de cet air simple, ingénu qui fait dire : - Voilà un bien brave homme!"

Alain GOUAILLIER, qui vous incite ainsi à lire ce roman historique...

     On peut aussi aller à la Médiathèque locale pour connaître l'Histoire d'Acigné. Dans l'ouvrage d'Alain RACINEUX "Histoire d'Acigné et ses environs" 1999, il est noté page 119 et suivantes :

"... C'est au printemps 1794, sous la Convention, que se déclencha ouvertement la Chouannerie en Ille-et-Vilaine. Il y eut une compagnie chouanne à St-Didier, une autre à St Jean-sur-Vilaine et une autre à Domagné....Il y eut peut-être quatre ou cinq particuliers à Acigné et six ou sept à Brécé... Les bandes de Chouans extérieures firent quelques incursions sur Acigné. Une victime ciblée fut Joseph Chalmel notaire public, membre du conseil du district et organisateur de la vente des biens du curé réfractaire.... En 1795 on nota "... dans un canton de 4 à 5 lieues carrées de pays, dix Chouans stables y répandent plus de terreur que deux cent hommes de troupes...."... En l'An V de la république un Chouan abattit l'arbre de la liberté à Acigné.... " en 1796 six individus de la garde territoriale de Servon furent saisis par une compagnie de Chouans habillés en Bleus. Quatre ont été égorgés par ces monstres sanguinaires..." "Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1799, vingt Chouans s'emparèrent, à main armée, du poste militaire des Forges de Noyal. Les témoins les décrivirent comme habillés d'une petite veste courte, d'un chapeau rond avec ruban blanc et tous armés de carabines...

     " Le rôle de la garde nationale d'Acigné se monte à 242 hommes. On y trouverait à peine 18 défenseurs de la patrie" (rapport du 19 février 1799)

     Le premier assassinat a été commis par les Chouans à Villory, hameau de la Bouëxière proche d'Acigné. Le 12 avril 1796, une vingtaine de cultivateurs travaillant à "émotter du guéret" dans un champ s'étaient réunis sous un châtaignier vers 16 heures pour collationner. Ils furent abordés par trois hommes armés de fusils. Après les avoir salués, leur chef, nommé Joseph Fouillard, leur demanda s'ils n'avaient pas vu des Chouans et sur leur réponse négative, il les accusa d'être de leur parti. L'un des cultivateurs, nommé Michel Desbien, leur répondit qu'ils étaient si peu Chouans que six d'entre eux étaient même de la garde territoriale. "Puisque tu es de la garde", reprit Fouillard, "tu ne seras pas fâché qu'on te fusille!". A ces mots Desbien qui était assis par terre, voulut se lever. Fouillard recula quelques pas et lui tira un coup de fusil qui le tua net. Les autres cultivateurs, épouvantés, prirent la fuite avec précipitation... Les deux camarades de Fouillard poursuivirent ceux qui avaient fui par le chemin, tirèrent par-dessus la haie, atteignirent Jean Lhermenier et Michel Jadré, qui s'affaissèrent et qu'ils achevèrent à coups de sabre et de crosse de fusil.

     Joseph Fouillard laboureur et tisserand naquit à Acigné au village de Louvigné. A l'époque de la Révolution, il vivait chez sa mère, à Broons-sur-Vilaine....Il se trouvait travailler à Acigné dans une ferme lorsque quatre Chouans l'embauchèrent dans leurs rangs aux environs de Noël 1795. Il les suivit et combattit avec eux pendant six mois. Les Chouans de Vitré firent leur soumission le 30 juin 1796. Comme eux, Fouillard déposa ses armes. Il fut amnistié. Fouillard ne put se résoudre à rester tranquille après la pacification. IL avait pris goût aux embuscades et à la guérilla.Au début de 1797 il fut accusé d'avoir rançonné des particuliers, et soupçonné de deux meurtres à La Bouëxière et à Brécé. Il fut arrêté par une patrouille à Châteaubourg et conduit au corps de garde, d'où il s'enfuit.De nouveau arrêté le 1er mai 1797 par trois militaires de la garnison de Vitré. Quinze jours plus tard il s'évada de la prison de Rennes avec trois compagnons de cellule et coucha à la ferme de "Pont-Briand" en Cesson "dans le foin sans que personne le sut". Le 3 juillet une patrouille de quatre soldats fut envoyée à leur recherche sur la commune d'Acigné. En passant au village de Louvigné, ils découvrirent deux des évadés dans la boutique du maréchal-ferrant. Ils voulurent les arrêter. L'un d'eux s'échappa en les frappant à coups de bâton, l'autre fut pris après avoir résisté. Il s'agissait de Fouillard. Les soldats le lièrent avec une bretelle de fusil. Mais au bout de quelques pas Fouillard cassa la bretelle et s'enfuit en sautant une barrière....On n'entendit plus parler de lui jusqu'à la mi-novembre où le propriétaire de la ferme de sa mère fut assassiné... Puis le 4 décembre 1797, Louis Bierras, acignolais patriote anciennement réfugié à Servon du temps de la Chouannerie, fut invité à une fête campagnarde en après-midi au Chesnais car il savait jouer du violon. Bierras y trouva une soixantaine de personnes qu'il fit danser. Vers 16 heures Fouillard et un de ses amis entrèrent dans le cellier de Foucaut, fermier chez qui se déroulait la fête, et ils trinquèrent avec quelques-uns des invités. Vers 17 heures, un repas fut servi. On y convia les deux rebelles. Fouillard, pour remercier, "régala la compagnie de plusieurs chansons chouanniques". Après avoir bu, mangé et chanté il se rendit avec son associé dans la salle de bal. Reconnaissant alors Bierras, il se jeta sur lui, le maltraita, puis retourna sur ses pas chercher son fusil. Aucun des invités ne vint secourir le malheureux. Au contraire, on lui demanda de continuer à jouer du violon. Bierras s'approcha de la porte en jouant, puis se précipita dehors... Fouillard avait disparu....Les autorités décidèrent alors de payer des espions. Fouillard, avec trois complices, fut repéré au moulin de la Quinvraye sur la commune de Betton, dans la nuit du 8 au 9 janvier 1798. Au moment de cerner les étables de la ferme, trois des suspects sortirent par la porte de derrière de l'étable à vaches et s'enfuirent pieds nus dans la campagne.Ils furent poursuivis. L'un d'eux se rendit. Un autre plongea dans la rivière où il fut rattrapé. le troisième s'enfuit par le pont. Retournant à la ferme la troupe fouilla les greniers et y découvrit Fouillard, caché sous les planches. Un rapport raconta que Fouillard fit feu et que les volontaires l'abattirent.... Il avait 23 ans....

   ...  Le curé d'Acigné Paul Le Tranchant exerçait clandestinement son ministère. Il fut inscrit sur la liste des émigrés! ....Il ne put reprendre le culte public qu'à partir du 6 novembre 1796. Plus tard de nouvelles persécutions reprirent. Paul Le Tranchant fut arrêté sur dénonciation la nuit de Noël 1797. Il était camouflé à la ferme de la Timonière d'Acigné, chez Julien Veillard, commandant de la garde nationale d'Acigné! il fut emprisonné deux ans à la tour Le Bat à Rennes. On dit que son vicaire l'abbé Lévêque, passa lui aussi une partie de la Révolution caché à Acigné chez un menuisier...."

- "Béatrix" :

après l'ouvrage des "Chouans" dont le décor se situait entre Fougères et Alençon, Balzac - seulement âgé de 31 ans - vient à Guérande en juin 1830 accompagné de sa maîtresse Laure de Berny, mère de famille nombreuse de 53 ans.

     Partis de la région de Tours les deux amants parviennent en bateau à Saint-Nazaire puis s'installent à Guérande. Ils sont de suite impressionnés par la beauté de cette ville fortifiée : Balzac s'inspire des lieux pour écrire son nouveau roman "Béatrix" :

     "Après Guérande il n'est plus que Vitré au centre de la Bretagne et Avignon dans le midi, qui conservent au milieu de notre époque, leur intacte configuration du Moyen-Age". ... "La ville produit sur l'âme l'effet que produit un calmant sur le corps, elle est silencieuse autant que Venise...."

     Quant aux habitations : "... quelques-unes reposent sur des piliers de bois qui forment des galeries, sous lesquelles les passants circulent, et dont les planchers plient sans rompre. les maisons des marchands sont petites et basses, à façades couvertes en ardoises clouées." Au marché, Balzac est frappé par le cloisonnement des classes sociales et des métiers : "...paludiers, paysans marins se distinguent par leurs costumes et se tiennent à distance respectueuse de la bourgeoisie, de la noblesse et du clergé...."

     Guérande bien en Bretagne! ..." même après la Révolution de 1830, Guérande est encore une ville à part, essentiellement bretonne, catholique fervente, silencieuse et recueillie, où les idées nouvelles ont peu d'accès..."

     Les environs désolés de la ville : "le pays est mal desservi par de rares et mauvais chemins.... Balzac note l'événement du "passage de quelques malades allant prendre les bains de mer" et que : "...jetée au bout du continent la ville ne mène à rien et personne ne vient à elle...."

     Par contre : ..."A l'entour, le pays est ravissant, les haies sont pleines de fleurs, de chèvre-feuilles, de buis, de rosiers, de belles plantes. Vous diriez un jardin anglais dessiné par un grand artiste."

     Et que dire de l'enthousiasme de Balzac au Croisic : "... mon compas à la main, debout sur un rocher à cent toises au-dessus de l'océan, dont les lames se jouaient dans les brisants, j'arpentais mon avenir en le meublant d'ouvrages, comme un ingénieur qui sur un terrain vide, trace des forteresses et des palais...."